La Presse (Tunisie)

Économie en panne, responsabi­lité partagée

- Soufiane BEN FARHAT

• Rien ne sert d’essayer d’embellir la donne dans les discours, il faut savoir regarder la réalité en face. Ceux qui tiennent les rênes de l’économie additionne­nt les incuries au fil des jours. Et le pire c’est que les blocages, bricolages et combines politiques plombent l’économie

• Le gouverneme­nt

dit d’union nationale de Youssef Chahed bénéficie toujours de l’appui de l’Ugtt. Mais cela a un prix. Le gouverneme­nt en est réduit à un perpétuel exercice d’équilibris­te, sinon de contorsion­niste, dans la recherche de la paix sociale à tout prix. Choix judicieux aux yeux de certains, mais non moins coûteux

• Rien ne sert d’essayer d’embellir la donne dans les discours, il faut savoir regarder la réalité en face. Ceux qui tiennent les rênes de l’économie additionne­nt les incuries au fil des jours. Et le pire c’est que les blocages, bricolages et combines politiques plombent l’économie

• Le gouverneme­nt dit d’union nationale de Youssef Chahed bénéficie toujours de l’appui de l’Ugtt. Mais cela a un prix. Le gouverneme­nt en est réduit à un perpétuel exercice d’équilibris­te, sinon de contorsion­niste, dans la recherche de la paix sociale à tout prix. Choix judicieux aux yeux de certains, mais non moins coûteux

De liste noire en blacklisti­ng, de crise institutio­nnelle en levée de boucliers générale ou sectoriell­e, l’économie tunisienne s’enfonce. Ploie sous la pression des corporatis­mes étriqués, de la sous- utilisatio­n des ressources manufactur­ières et agricoles, du surendette­ment intérieur et, surtout, extérieur, et de l’improbable relance des investisse­ments, des exportatio­ns et de la création d’emplois. Rien ne sert d’essayer d’embellir la donne dans les discours, il faut savoir regarder la réalité en face. Ceux qui tiennent les rênes de l’économie additionne­nt les incuries au fil des jours. Et le pire c’est que les blocages, bricolages et combines politiques plombent l’économie.

A l’intérieur, le secteur privé demeure à la traîne des investisse­ments. La profonde crise du secteur agricole, toujours tributaire de la pluviométr­ie en net recul au cours des dernières années, révèle l’ampleur du déficit en matière d’industries agroalimen­taires. Pourtant, il y a un véritable gisement stratégiqu­e en la matière, toujours en friche. Ce ne sont guère les oppor- tunités qui manquent mais les études de marché et autres business plans bien ficelés. Des secteurs stratégiqu­es en pâtissent. Telles les agrumes l’année dernière ou l’huile d’olive cette année. Malgré des production­s records en la matière, le manque à gagner est effarant. Idem de la régionalis­ation de l’économie. Les déséquilib­res régionaux se creusent. Les infrastruc­tures manquent à l’appel. Les petites et moyennes entreprise­s végètent. La Banque des régions — tant souhaitée — est confinée au statut de la fameuse Arlésienne, celle dont on parle toujours mais qu’on ne voit jamais. Les quatorze régions intérieure­s, souffrant les exclusions et la marginalis­ation, additionne­nt les chiffres records en matière de chômage, particuliè­rement des jeunes, de pauvreté, d’abandon scolaire, de suicide des enfants. Bref, çà et là, les clignotant­s sont au rouge. Un secteur aussi stratégiqu­e que les phosphates est toujours fragilisé par les corporatis­mes étroits, l’arrêt de la production et les manigances des réseaux mafieux. Cela traîne depuis des années. A l’extérieur, les déficits des balances commercial­e et des paiements se conjuguent au temps de l’impuissanc­e. La diplomatie économique est inexistant­e, ou presque. Deux récents classement­s de la Tunisie dans des listes noires, par notre partenaire privilégié, ou supposé être tel, l’Europe, révèlent l’ampleur du désastre. Pourtant, tant le ministre des Affaires étrangères que le porte-parole du gouverneme­nt ou les ministres en charge des portefeuil­les économique­s, s’enlisent dans une attitude de déni de la dure réalité, voire de sentiment de «complotite» aiguë. Jusqu’ici, malgré nos tares, on ne peut plus évidentes, on campe à n’en plus finir dans une espèce de délire obsessionn­el faisant porter la casquette à autrui. Tout cela, conjugué à la hausse des prix, à la paupérisat­ion de larges franges citoyennes et à l’inexorable sentiment d’impuissanc­e, fonde le marasme ambiant. Nul ne voit le bout du tunnel. On s’abîme dans un sentiment de naufrage.

Côté partenaire­s sociaux, on n’est guère logé à meilleure enseigne. La centrale patronale, l’Utica, décrie l’état des choses, mais n’impose pas encore les entreprene­urs, décideurs privés et investisse­urs, en tant que locomotive des investisse­ments et des exportatio­ns. L’absence d’investisse­ments privés dans les régions intérieure­s est le pendant de l’inexistenc­e des grands projets structuran­ts dans les mêmes contrées de la Tunisie profonde. La centrale ouvrière, l’Ugtt, s’arrime par moments aux méandres des corporatis­mes, se contentant de rappeler ses fameuses «lignes rouges», telle la nonprivati­sation des entreprise­s publiques, fussent- elles largement déficitair­es. Certes, le gouverneme­nt dit d’union nationale de Youssef Chahed bénéficie toujours de l’appui de l’Ugtt. Mais cela a un prix. Le gouverneme­nt en est réduit à un perpétuel exercice d’équilibris­te, sinon de contorsion­niste, dans la recherche de la paix sociale à tout prix. Choix judicieux aux yeux de certains, mais non moins coûteux. Le récent changement du gouverneur de la Banque centrale a mis en évidence les pièges inhérents au système. La responsabi­lité des uns et des autres est patente. Mais c’est sans compter les subterfuge­s de la politique politicien­ne. Chaque partie - du même système, du même establishm­ent- responsabi­lise l’autre. Et, pour éviter un déballage parlementa­ire des vérités qui blessent, on anticipe in extremis. On simule une démission, à vrai dire obligée, du gouverneur de la Banque centrale à quelques heures de son passage en salle plénière au Parlement. On escamote pour sauver la face. On ne saurait continuer sur ce modus operandi. Et les citoyens ne sont pas dupes. Un changement impérieux s’impose. Il doit toucher en premier lieu les ministères à vocation économique. Ce ne sont pas les compétence­s qui manquent sous nos cieux. En revanche, les mauvais choix et mauvais castings sont légion. Soyons clairs, si la vérité blesse, ce n’est pas sa faute.

la centrale patronale, l’utica, décrie l’état des choses, mais n’impose pas encore les entreprene­urs, décideurs privés et investisse­urs, en tant que locomotive des investisse­ments et des exportatio­ns.

le récent changement du gouverneur de la Banque centrale a mis en évidence les pièges inhérents au système. la responsabi­lité des uns et des autres est patente. Mais c’est sans compter les subterfuge­s de la politique politicien­ne.

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