Courses sans fin
Depuis quelques jours, voire quelques années, on vit dans l’effervescence des élections. Aujourd’hui, ce sont les municipales du 6 mai prochain. Mais encore. Cour constitutionnelle, instances constitutionnelles, organisations nationales, partis politiques
Depuis quelques jours, voire quelques années, on vit dans l’effervescence des élections. Aujourd’hui, ce sont les municipales du 6 mai prochain. Mais encore. Cour constitutionnelle, instances constitutionnelles, organisations nationales, partis politiques… vivent au rythme des élections et du choix des candidats. Entre-temps, le pays tombe dans l’immobilisme, l’économie suffoque et la paupérisation s’installe
Il semble que les élections soient devenues la préoccupation n° 1 des acteurs de notre paysage politique et social dans la mesure où aussitôt une élection tenue, on annonce immédiatement une autre. Ainsi, l’on s’achemine vers l’organisation dans les prochains jours du 16e Congrès national de l’Union tunisienne pour l’agriculture et la pêche (Utap) dont le dépôt des candidatures démarre demain, jeudi 22 février, et s’étendra jusqu’au mercredi 28. Du côté de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), on met les bouchées doubles en vue de l’élection des quatre membres de la Cour constitutionnelle que le Parlement doit choisir pour qu’ils s’ajoutent aux huit autres devant être désignés par le président de la République et le chef du gouvernement, à raison de 4 membres pour chacun. Hier, Hassouna Nasfi, député du bloc d’Al Horra, a annoncé que le bureau de l’ARP se réunira demain, jeudi 22 février, pour fixer une date de la séance plénière qui devra dégager les quatre juges représentant le Parlement et ce avant le 20 mars prochain. Et si l’on se trempe dans l’actualité quotidienne depuis le démarrage du dépôt des candidatures aux élections municipales prévues le 6 mai prochain, l’on observe que les Tunisiens vivent ces derniers jours sous le signe d’élections interminables dans la mesure où la vie politique se résume pratiquement en la question suivante : quels candidats proposer aux municipales, où puiser ses représentants pouvant avoir les meilleures chances d’être élus (la course au recrutement des indépendants conduisant des listes partisanes bat de plus en plus son plein constituant un phénomène bien spécifique à la Tunisie post-révolution où plus de 200 partis ne réussissent pas à former leurs propres listes et se trouvent obligés de recourir aux indépendants) et enfin comment réinventer ces instances constitutionnelles qui échappent désormais à tout contrôle de la part de l’ARP et veulent fonctionner selon le bon vouloir de leurs membres, sous le couvert du principe de l’indépendance auquel elles s’accrochent pour imposer leur approche de gestion, notamment au niveau des primes et des sanctions infligées aux membres qui commettent des erreurs pouvant conduire à leur révocation ? La dernière annonce faite par l’Instance vérité et dignité relative au prolongement de son mandat d’une année à partir de juin prochain, sans être obligée de solliciter l’aval de l’ARP, en dit long sur la conception que se font ces instances indépendantes des attributions qui leur sont accordées et de la manière avec laquelle leurs responsables conduisent leurs mandats à la tête de ces mêmes instances. L’expérience de l’Isie est encore dans les mémoires des Tunisiens quand les membres du Conseil de l’Instance ont tout fait, vainement d’ailleurs, pour annuler les élections relatives au renouvellement du tiers du même conseil. Que faut- il retenir de cette inflation électorale qui n’épargne aucun secteur et qui fait que tout le monde consacre l’essentiel de son énergie au jeu électoral, aux tractations, aux compromis oubliant les autres tâches comme l’investissement, l’emploi, le développement régional, etc. Plusieurs observateurs estiment que «les partis politiques tunisiens, au pouvoir ou dans l’opposition, ont toujours les yeux rivés sur une échéance électorale attendue et que la mobilisation électorale est quotidienne. Et la présence continue de nos responsables politiques sur les plateaux TV et radios, leurs discours orientés généralement vers le plus proche rendez-vous électoral et leurs échanges souvent acerbes et destinés à marquer des points à visées électoralistes montrent comment notre élite politique post-révolution perçoit sa mission en tant que candidate permanente et postulante durable à un mandat quelconque». Les élections municipales du 6 mai prochain parviendrontelles à changer la donne en faisant émerger de nouveaux responsables dans les régions disposant d’une approche de l’action politique autre que celle qui a prévalu jusqu’ici ? En d’autres termes, ces listes indépendantes sur lesquelles plane beaucoup de doute et de suspicion pourront-elles réconcilier les Tunisiens avec la politique et cette fois ce sera «la petite politique» ou la politique de proximité, celle qui permet au citoyen de servir directement sa région et sa commune ? Jusqu’ici, nos politiciens ont approché la politique dans sa dimension nationale (ou centrale), via l’ANC, l’ARP et les divers gouvernements. A partir du 6 mai prochain, les partis vainqueurs des municipales découvriront une autre approche de la gouvernance du quotidien.