La Presse (Tunisie)

«La loi actuelle ne protège pas suffisamme­nt les enfants»

Ce qui vient de se passer récemment dans un centre spécialisé pour enfants autistes soulève, encore une fois, la question de la protection des enfants contre les différente­s formes d’abus auxquels ils peuvent être exposés. Président de l’Associatio­n tunis

- Entretien conduit par C.J.

Ce qui vient de se passer dans un centre spécialisé pour enfants autistes soulève, encore une fois, la question de la protection des enfants contre les différente­s formes d’abus auxquels ils peuvent être exposés. Président de l’Associatio­n tunisienne de défense des droits de l’enfant, le Dr Moëz Chérif a condamné vivement

les agressions dont ont été victimes les enfants pris en charge dans cet espace.

Pédophilie, torture, violence et agression à l’égard des enfants sont des phénomènes qui sont en train de prendre de l’ampleur. Quelles en sont les causes ? Le secteur de la petite enfance est mal géré par l’Etat. Les jardins d’enfants et les crèches sont régis par le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance. Or, il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. Il y a un problème d’accessibil­ité et d’équité pour accéder à l’école. Bien que des classes préscolair­es préparatoi­res aient été aménagées dans pratiqueme­nt toutes les écoles primaires de la République, le problème d’équité se pose encore avec acuité. Il y a lieu de souligner, par ailleurs, que les instituts spécialisé­s relevant du ministère des Affaires sociales n’ont pas du tout un système de contrôle coordonné. Qui plus est, selon la loi, la médecine scolaire a l’obligation de contrôler la santé des enfants. Cette année, un tiers des institu- tions éducatives n’a pas été visité par la médecine scolaire. On a, alors, une offre en deçà avec une demande trop importante. C’est une porte ouverte à tous les abus. Les parents sont contraints et forcés de placer les enfants où ils peuvent. Et on constate

une proliférat­ion d’institutio­ns qui ne respectent pas les lois. Certains parents avaient déjà senti le danger et retiré leurs enfants de l’établissem­ent en question.

Pensez-vous que la loi protège suffisamme­nt les enfants en Tunisie ? Non, la loi actuelle ne protège pas suffisamme­nt les enfants. Une nouvelle loi qui réglemente les jardins et les crèches a été votée, mais le projet n’était pas à la hauteur de nos attentes. Nous avons pris contact avec la Commission des affaires sociales et déposé toutes nos doléances et propositio­ns. Nous avons demandé aux députés de respecter la Consti- tution et les convention­s internatio­nales.

Comment renforcer davantage les outils et les mécanismes de protection de l’enfance en Tunisie ? Avec le ministère de la Famille, nous avons élaboré la «politique intégrée de protection de l’enfance» : une politique d’Etat pour une meilleure protection des enfants. Le projet attend toujours de passer en Conseil des ministres, ce qui illustre bien ici le manque de volonté politique. humains, mais elle n’est toujours pas mise en place. Nous sommes dans une phase transition­nelle, certaines instances prévues par la Constituti­on n’ont pas encore été mises en oeuvre. Nous avons demandé à ce qu’il y ait un représenta­nt dans le comité qui vieille à la protection de l’enfance et qu’il bénéficie d’une liberté d’action pour pouvoir intervenir. Les problèmes liés à l’enfance intervienn­ent toujours dans l’urgence, et on ne peut pas attendre que le défenseur du droit de l’enfant se manifeste avant d’avoir eu l’aval de tout le conseil.

Quelle est la position de la société civile sur ce qui s’est passé dans le centre pour enfants autistes ? La condamnati­on est unanime, mais c’est très facile de condamner ponctuelle­ment sans qu’il y ait une action après sur le long terme. C’est une question de culture et de société. On continue de considérer l’enfant comme objet de droit et non comme sujet de droit.

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Le Dr Moëz Chérif, président de l’Atdd

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