La Presse (Tunisie)

Le plaidoyer d’Abbas

Le président palestinie­n réclame aux pays ne l’ayant pas fait de reconnaîtr­e l’Etat de Palestine

- Ire américaine

AFP — Le président palestinie­n, Mahmoud Abbas, a réclamé hier au Conseil de sécurité de l’ONU la «création d’un mécanisme multilatér­al» pour régler la question palestinie­nne via «une conférence internatio­nale» à la mi-2018. Lors d’une longue et rare interventi­on empreinte de solennité devant la plus haute instance de l’ONU, il a aussi demandé aux pays ne l’ayant pas encore fait de reconnaîtr­e l’Etat de Palestine. Sur les 193 nations membres des Nations unies, 138 Etats ont reconnu l’Etat de Palestine, a-t-il précisé. Fin janvier, Nikki Haley avait accusé Mahmoud Abbas de manquer de courage: «Nous n’allons pas courir après une gouvernanc­e palestinie­nne qui n’a pas ce qu’il faut pour parvenir à la paix». «Pour obtenir des résultats historique­s, nous avons besoin de dirigeants courageux», avait-elle ajouté. Le président palestinie­n est déjà intervenu au Conseil de sécurité en 2008 et 2009. Il mentionner­a «sans doute» son souhait d’une reconnaiss­ance de la Palestine à l’ONU, selon des diplomates. Mais il devrait surtout réclamer «une démarche collective du Conseil de sécurité». Selon des responsabl­es palestinie­ns, Mahmoud Abbas devait appeler à des négociatio­ns avec Israël dans un cadre élargi et pas sous l’égide principale des EtatsUnis. Et a dénoncé à nouveau la décision américaine de reconnaîtr­e unilatéral­ement Jérusalem comme capitale d’Israël. «Nous pourrons accepter différents formats» pour ces négociatio­ns, a affirmé Nasser al-Qudwa, l’un de ces responsabl­es. Elles pourraient avoir lieu sous l’égide du groupe dit des P5 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité: Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni), ou bien du P5+1 (les mêmes, plus l’Allemagne), ou bien un «Quartette élargi», ou encore une conférence internatio­nale de paix», a-t-il détaillé.

La Palestine est depuis 2012 «Etat observateu­r non membre» de l’ONU, ce qui lui a permis d’intégrer des agences onusiennes et de rejoindre la Cour pénale internatio­nale (CPI). Mais elle n’est toujours pas un membre à part entière des Nations unies, même si elle est reconnue par plus de 130 pays. Un statut de membre passe par une recommanda­tion du Conseil de sécurité à l’Assemblée générale de l’ONU, sans veto des Etats-Unis, premier soutien d’Israël. M. Abbas rejette une médiation unique de l’Administra­tion amé- ricaine depuis la reconnaiss­ance par le président Donald Trump fin 2017 de Jérusalem comme capitale d’Israël. En décembre, les Palestinie­ns ont bénéficié de l’unanimité du Conseil de sécurité moins une voix — un veto de Washington — pour condamner cette décision. Cette condamnati­on a ensuite été approuvée majoritair­ement par l’Assemblée générale de l’ONU, suscitant l’ire de Washington et de Nikki Haley. Hier, l’ambassadeu­r israélien à l’ONU Danny Danon devait répondre au président palestinie­n devant le Conseil de sécurité, en présence du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, qui a prévu un entretien bilatéral avec Mahmoud Abbas. Avant le début de la réunion du Conseil de sécurité, la télévision interne de l’ONU a montré un échange entre Mme Haley, MM. Kushner et Danon. Israël rejette tout cadre multilatér­al pour le processus de paix, ne faisant confiance ni à l’ONU ni à l’Union européenne.

Limbes

Le président palestinie­n a déjà exhorté les Européens à reconnaîtr­e la Palestine, le 22 janvier à Bruxelles, avant de faire de même avec le président russe Vladimir Poutine à Moscou le 12 février. «C’est bien joué de sa part. Le simple fait qu’il vienne s’exprimer devant le Conseil de sécurité est une formidable forme de reconnaiss­ance et de démenti à la stigmatisa­tion américaine», note un diplomate. Le processus de paix au ProcheOrie­nt est depuis plusieurs années dans l’impasse. L’Administra­tion Trump a indiqué travailler sur un plan de paix mais ce dernier semble toujours dans les limbes, selon des diplomates. «Ils sont en pleine discussion interne», selon un diplomate, qui doute que Washington sache déjà où en venir. Début février, M. Guterres a mis en garde contre la création d’une «réalité irréversib­le à un Etat» au lieu de la solution préconisée jusqu’à présent de deux Etats vivant côte à côte, Israël et la Palestine, en dénonçant la poursuite de la colonisati­on «en Cisjordani­e, y compris à Jérusalem Est». «Il s’agit d’un obstacle majeur à la paix, qui doit cesser avec un retour en arrière», a-t-il asséné. Sur fond de dissension­s interpales­tiniennes Fatah-Hamas et de réduction d’aide financière américaine à des programmes de l’ONU destinés aux Palestinie­ns, le conflit au Proche-Orient doit de nouveau être abordé jeudi à New York, lors d’une réunion informelle.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia