La Presse (Tunisie)

Le temps des noyaux et des braquages

- Par Bady Ben naceur

Nous vivons une époque affligeant­e de pauvreté, alors que, par ailleurs, l’argent coule à flots de partout. Pour les uns, corrompus jusqu’à la moelle, c’est la grande manne, alors que pour les autres, c’est «le temps des noyaux*». Et il est loin le temps des cerises où nous vivions, approximat­ivement heureux, sans plus. Avec le temps des noyaux, nous nous retrouvons, inéluctabl­ement, dans une sorte de gabegie insurmonta­ble où le braquage fait loi. Ou plutôt «les braquages» qui font loi, car il y en a maintenant adaptés pour toutes les couches de la société, selon la fortune ou l’esprit de vindicte politique, ou autres.

Si vous vous avisez de mettre le nez dehors, de nuit comme de jour, sachez prendre, chers lecteurs, quelques précaution­s utiles auprès de vos amis, avant de sortir. Si vous êtes seul, craintif par tempéramen­t et, de plus fragilisé par votre âge, alors, le meilleur c’est de louer une personne pour aller faire vos emplettes ou vous rendre n’importe quel service que vous ne seriez pas capable d’assumer à vous seul(e).

Je n’ai pas de conseils à donner sur ce sujet ni à faire la morale étant donné que je me suis fait braquer moi-même au sortir d’un supermarch­é où deux adolescent­s à mobylette — plutôt un vol à la tire ! —, m’ont arraché mon sac contenant les provisions de la semaine (un poulet et des légumes) et qui ont pris la poudre d’escampette et que j’ai perdus de vue instantané­ment ! Mais le regard impassible de gens, autour de moi, je ne vous dis pas… médusés, silencieux, éberlués, comme moi…

Morale de cette petite mésaventur­e, en rentrant chez moi, j’ai cherché dans le Petit Robert le vocable de braquage pour voir s’il pouvait entrer dans nos moeurs. Et j’en ai trouvé d’autres qui dérivent de lui : braquer, braque et braquet. Cela m’a instruit et c’est pourquoi j’ai choisi ce thème pour la chro- nique de ce jour. Quant à sortir, je continuera­i de le faire, en attendant que le chiot de race kabyle que je suis en train d’élever chez moi soit plus… mordant mais discipliné à la moindre attaque…

Voici donc ce que l’on dit à propos de ces vocables :

Braquage : ce substantif dérive plutôt de l’argot qui était employé dans les milieux mafieux, à Paris ou en province. Il a été récupéré par les journaux pour simplifier les titres à la Une (en 1947), il signifie «Attaque à main armée». Autrement, il date de 1906 et il a affaire plutôt aux techniques de la voiture automobile : «action de braquer les roues», «angle de braquage par les roues directrice­s, avec le volant tourné à fond», etc.

Braque (non masculin 1265), il vient de bracco du verbe braconner. Il s’agit d’un chien de chasse à poils ras et à oreilles pendantes. C’est un bon chien d’arrêt. Adjectif aussi, un exemple «étourdi, fou comme un braqué»

Braquer : verbe transitif et intransiti­f, datant de 1546, de brachitare «bras». «Tourner une arme à feu, un instrument d’optique» (dans la direction de l’objectif). Il veut dire «diriger, pointer», «braquer une arme à feu, une lorgnette sur quelqu’un», etc. Au figuré, «braquer les feux de la rampe», «il s’est braqué», «cabré», «braquer quelqu’un», «voiture qui braque mal», etc. Et puis nous avions oublié le «braquement, ancienne épée à deux tranchants»…

Et pour terminer, répétons-le ; nous sommes de plain-pied dans le temps des noyaux et des braquages en tout genre. Soyons prévenants, armons-nous d’imaginatio­n contre cette horde sauvage… ————————

Le titre d’un poème de Jacques Prévert que j’avais mis en musique et chanté, à l’occasion d’un concert à la M.C.Ibn Rachiq en 1979 !

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