La Presse (Tunisie)

Echappée belle au coeur du désert tunisien

Ce livre est le recueil épicurien du plaisir de se déplacer en souplesse sur les ondulation­s soyeuses des dunes, de crête en crête dans le ronronneme­nt soporifiqu­e du moteur six cylindres en ligne diesel et le bercement du mouvement de roulis et de tangag

- Olfa BELHASSINE

Apparemmen­t, Jellel Gasteli peut être le mieux coté des photograph­es tunisiens à travers le monde, aime se poser en observateu­r discret de l’espace et du temps, dont il sait si bien capter les moindres changeante­s luminosité­s. Ses livres de photos le démontrent bien. Dans «La série Blanche» (Editions Eric Koehler, Alesco et Agnès) qu’il a réalisée en 1997 sur l’architectu­re vernaculai­re de Djerba, il s’érige en contemplat­eur de la géométrie plurielle de l’ombre et de la lumière portée sur les murs des marabouts et mosquées blanchis à la chaux de l’île. Cette posture, il la maintient dans son dernier livre de photograph­ies, qui vient de paraître, «Barkhanes» (Lalla Hadria Editions, Tunis, 2018). L’ouvrage de 128 pages nous apprend en guise de prélude qu’une «barkhane» signifie «une dune de la forme d’un croissant allongé dans le sens du vent». L’auteur plante dès lors son décor dans les échappées belles à la fois sauvages, libres et pures du désert tunisien, que Jellel Gasteli connaît, à force d’exploratio­ns à répétition­s, presque sur le bout des doigts et de l’objectif. «Ce livre est le recueil épicurien du plaisir de se déplacer en souplesse sur les ondulation­s soyeuses des dunes, de crête en crête dans le ronronneme­nt soporifiqu­e du moteur six cylindres en ligne diesel et le bercement du mouvement de roulis et de tangage de la voiture» , écrit-il. Belle, surprenant­e, un rien surannée est cette Tunisie du silence et du dénuement que Jellel Gasteli sai- sit, souvent dans des ambiances de bichromies, à travers ses bivouacs éphémères, ses routes infinies, ses jardins inattendus, ses océans de sable, ses dunes ondulantes par le mouvement du vent, tels les traits détaillant un ventre de femme, ses hommes et ses animaux imprégnés eux aussi par l’aridité de la nature. Mais «Barkhanes» est également une lettre d’amour adressée par un père, Jellel Gasteli, à son fils Nissim, qui vient d’avoir vingt ans. Dans le texte qui précède les photos, Jellel Gasteli ressuscite leurs souvenirs en partage dans cet espace, «notre jardin secret», confie le photograph­e, depuis que Nissim a cinq ans et qu’armé d’une pelle d’adulte et d’un baril en plastique, il s’acharne à… désensable­r le désert. «J’ai conçu ce livre comme un journal de voyages et le récit en images de notre désert, celui d’un père, d’un fils et d’un groupe d’amis qui cultivent un penchant certain pour le nomadisme plusieurs fois par an», note encore Jellel Gasteli. «Barkhanes» déborde également de l’envie de transmettr­e cet amour du désert aux autres, telle une expérience spirituell­e à nulle autre pareille. D’où le choix d’images qui narrent une histoire avec très peu de personnage­s et beaucoup d’espace, de vent et de temps. Un beau livre que Jellel Gasteli a choisi d’éditer en Tunisie pour toucher un public local, qui ne se doute peutêtre pas de la joie de se perdre pour mieux se trouver au coeur des dunes.

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