La Presse (Tunisie)

Le commerce de tous les abus

Avec un parc de plus de 14 millions de téléphones portables, notre pays vit une situation assez paradoxale. Plus le nombre de portables augmente et plus la qualité des prestation­s y afférentes baisse. A mettre à l’index le secteur de réparation, de vente

- Amor CHRAIET

Les boutiques vendant des mobiles poussent comme des champignon­s dans toutes les villes. De simples échoppes sont vite transformé­es en boutiques commercial­isant ces articles et leurs composants. Comment obtiennent-ils les autorisati­ons (si tant est qu’il y ait des autorisati­ons) ? Quelles sont les obligation­s qu’ils ont à l’égard des clients ? Que font les autorités pour contrôler ce secteur et préserver les droits du consommate­ur ?

Anarchie

Les commerçant­s qui s’adonnent à ces activités sont tellement nombreux qu’on s’interroge sur les modalités qui leur permettent d’ouvrir, aussi facilement, de tels locaux. Or, à ce que l’on sache, il n’est pas donné à n’importe qui de se livrer à ces activités si certaines conditions ne sont pas remplies. Comme il s’agit d’un domaine soumis à un cahier des charges, il est tenu de s’acquitter de toutes les formalités contenues dans le document en question. Mais si on se limite aux exigences les plus élémentair­es, on est devant le fait accompli. Apparemmen­t, l’écrasante majorité des boutiques de vente de téléphones ou de leur réparation n’obéissent pas aux conditions les plus terre à terre pour exercer un tel métier. A titre d’exemple, on pourra citer la superficie qui doit être aménagée pour ouvrir un projet (au moins 9 m2 pour un local destiné à la réparation des appareils). Sans parler des autres espaces comme les toilettes, l’espace d’accueil des clients, etc. Parmi les obligation­s, il faut afficher, clairement, le diplôme habilitant à se consacrer à cette activité en plus des obligation­s envers la clientèle, notamment en matière de garantie des services. Les prix de ceux-ci doivent, également, être affichés dans un endroit bien visible. Ce qui n’est pas le cas chez tous ces individus. Les personnes qui sont obligées d’avoir recours à des réparation­s ne sont pas sûres de bénéficier de garanties. Pis encore, elles sont, dans de nombreux cas, victimes d’arnaques et d’abus. Les soi- disant réparation­s coûtent cher et ne comportent aucun service après-vente. Aucun reçu n’est remis au client. Ce dernier ne dispose d’aucune pièce pour exiger ses droits. L’arrêté du ministère du Commerce et de l’Artisanat du 23 septembre 2008 relatif à l’organisati­on de la profession de réparateur de mobiles n’est que lettre morte. Rien n’oblige ces gens à respecter les clauses du cahier des charges en vigueur dans ce domaine. Les services de contrôle ne semblent exercer aucun droit de regard sur ce secteur qui évolue dans une nébuleuse insondable. En un mot, c’est l’anarchie la plus totale.

Assainir le secteur

Dans l’autre volet concernant la vente d’appareils de téléphonie mobile, la situation est tout aussi déplorable. Les acheteurs sont livrés à une véritable mafia. A l’exception (et encore !) de quelques espaces respectueu­x des règlements, c’est, tout simplement, la jungle. Car comment expliquer l’éclosion infernale de dizaines et de dizaines de boutiques de vente de ces objets ? La marchandis­e exposée est d’origine douteuse. Les «garanties» délivrées ne sont que de simples paperasses sans valeur. En dehors des espaces reconnus et qui ne sont pas légion, tous les autres vendeurs sont à éviter. Un consommate­ur averti ne s’approvisio­nnerait pas auprès de ces espaces qui sont opaques. S’il n’y a pas d’affichage, par exemple, du reçu d’inscriptio­n au registre profession­nel, des garanties certifiées, une marchandis­e d’origine et non contrefait­e, il est préférable de ne rien acheter. En réalité, ce commerce tourne dans la sphère des marchandis­es issues du trafic et de la contreband­e ou, carrément, dans le circuit du blanchimen­t d’argent. Il n’est que de voir l’aire géographiq­ue où évoluent ces commerçant­s (du moins pour la capitale). Ce commerce de réparation de téléphones, de vente d’accessoire­s, etc. se cantonne dans la zone qui va de la rue des Salines à la rue de la Commission en passant par la rue d’Athènes, le complexe commercial du Passage et les rues avoisinant­es. Qui n’a pas acheté un appareil dans ces endroits pour s’apercevoir, plus tard qu’il ne fonctionne pas ou qu’il a des défauts. D’ailleurs, tous ces vendeurs de kits pour téléphones, de commandes de télévision­s, de chargeurs pour téléphones ne se livrent pas, tous, à une activité honnête. Tout le monde le sait et peut le vérifier. Aux autorités de les démasquer et d’épargner aux pauvres Tunisiens d’être plumés à tour de bras. Il n’est que d’essayer n’importe quel article acheté auprès de ces gens pour s’apercevoir immédiatem­ent qu’il ne répond pas aux normes.

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