Les effets pervers d’une économie parallèle
En Tunisie, la révolution a été suivie, dans un premier temps, d’une forte baisse de l’emploi dans l’économie informelle, notamment en 2012, et ce, suite aux recrutements massifs ainsi qu’au programme «Amal» qui a incité les jeunes à se déclarer officiell
Depuis la révolution, les éventuels impacts négatifs de l’économie informelle sur l’économie nationale légale ainsi que sur la croissance économique ne cessent d’alimenter des débats publics passionnants. Faute d’enquêtes et d’études réalisées sur le sujet, les experts estiment que les taux approximatifs de l’économie informelle dans le PIB varient entre 48% et 55%. Certains experts sont même allés plus loin en annonçant un pourcentage qui frôle les 60%. Un taux considéré, tout de même, comme énorme et qui représente une véritable menace pour la santé de l’économie nationale. Il est notoire que l’économie informelle est une spécificité des pays de l’hémisphère sud où le taux d’employabilité dans ce secteur a enregistré une hausse notable. En effet, dans les pays du sud, le travail dans le noir connaît une envolée depuis le début de ce millénaire. Et de toutes les régions, c’est bien l’Afrique du Nord qui enregistre le taux d’emploi informel le plus faible avec un taux de 50,2% alors que l’Afrique subsaharienne enregistre un taux de 75%, suivie de l’Asie du Sud et du Sud-Est avec un taux qui avoisine les 66%. Quant à l’Amérique latine, le taux est égal à 57%.
Recrutements massifs
En Tunisie, la révolution a été suivie, dans un premier temps, par une forte baisse de l’emploi dans l’économie informelle notamment en 2012, due aux recrutements massifs qui ont eu lieu dans la Fonction publique sans oublier le programme «Amal» qui a incité les jeunes à se déclarer officiellement chômeurs. Ensuite, une forte hausse de recrutements a été enregistrée à partir de 2013, pour passer de 37% en 2013 à 40,8% en 2015. Certains pays voisins ont mis en place des politiques actives dans le marché du travail pour réduire le travail informel, à l’instar de l’Algérie et du Maroc, dont la part de l’emploi dans le secteur informel a chuté respectivement de 45% à 40 et de 78% à 70%. Le recrutement dans le secteur informel a tendance à croître dans les périodes de crise et à ralentir, voire à décroître dans les périodes de croissance économique rapide. La Tunisie vient de vérifier cette situation et ses impacts sur l’économie nationale. Le diagnostic a montré une hausse du taux d’emploi informel dans les années 80 lors du plan d’ajustement structurel dans la mesure où il est passé de 35% en 1980 à 39% en 1989. La deuxième période, amorcée dans les années 90, a connu une croissance économique rapide où la part de l’emploi informel passe de 47% en 1995 à 35% en 2004. Une étude du Centre des études économiques et sociales (Ceres), élaborée conjointement avec la BAD, indique que ces fluctuations et évolutions sinueuses sont dues à la poussée des microentreprises informelles, d’une part, et à l’augmentation du taux de l’emploi informel, d’autre part.
Travail à domicile
Il faut, tout d’abord, souligner que la Tunisie n’a pas réalisé d’enquête nationale sur le secteur informel et, généralement, sur l’économie informelle. Mais ladite étude a montré quand même sur la base d’une enquête que le taux des travailleurs dans le secteur informel est important, chiffres à l’appui. Ainsi, l’emploi dans l’économie informelle est constaté dans les microentreprises. Celles-ci ne sont pas enregistrées dans le registre de commerce. Certains travailleurs et travailleuses font leur tâche à domicile. Même des salariés exercent le travail dans l’informel et ne sont pas enregistrés. Ainsi, l’étude en question a indiqué qu’il existe une productivité apparente dans le travail informel qui dépasse la productivité dans le secteur formel. Autrement dit, une masse travailleuse productive est mise à l’écart de la machine économique nationale. Le problème posé par les experts est de savoir comment lutter contre cette économie informelle, sans pour autant toucher à l’emploi, puisque celle-ci sert actuellement de soupape de sécurité contre le chômage, notamment celui des populations jeunes.