La Presse (Tunisie)

Civisme par décrets

- Par Abdelhamid GmAti

On produit 3 millions de tonnes de déchets ménagers par an. Le problème est que ces déchets ne sont pas ramassés convenable­ment. Pourtant, les municipali­tés s’activent, la police de l’environnem­ent mène des campagnes et le Programme national de la propreté et de l’esthétique de l’environnem­ent (Pnpee), lancé au début de l’année 2017, contribue à collecter 600 mille tonnes de déchets ménagers par an (20% du total).

On produit 3 millions de tonnes de déchets ménagers par an. Le problème est que ces déchets ne sont pas ramassés convenable­ment. Pourtant les municipali­tés s’activent, la police de l’environnem­ent mène des campagnes et le Programme national de la propreté et de l’esthétique de l’environnem­ent (Pnpee), lancé au début de l’année 2017, contribue à collecter 600 mille tonnes de déchets ménagers par an (20% du total). Cela s’avère insuffisan­t, les déchets jonchent les artères et les rues à travers le pays. De plus il y a les déchets industriel­s, médicaux, de constructi­on. L’Agence nationale pour la gestion des déchets annonce que 73% des déchets plastiques sont actuelleme­nt traités et 85 kg sont recyclés sur les 2,2 tonnes produites annuelleme­nt. Le problème est créé par le citoyen qui jette ses détritus n’importe où, dans l’espace public, faisant preuve d’un manque flagrant de civisme et de civilité. A ce propos, il est admis que la citoyennet­é n’est pas innée mais acquise. «Citoyennet­é et civisme — au sens large, de comporteme­nt citoyen — relèvent du respect profond de la collectivi­té et du bien public de la même façon que la civilité relève du respect profond des personnes et des groupes dans les rapports privés». Par leur comporteme­nt, les Tunisiens n’affirment pas leur civisme. Le paradoxe est que, selon une étude réalisée en décembre 2016 par la fondation allemande Heinrich-Böll en partenaria­t avec le bureau d’études One to One pour les recherches et sondages, une majorité de Tunisiens (75%) est sensible aux problèmes environnem­entaux. Et ils se disent surtout concernés par les problèmes des déchets et de la pollution. C’est pourquoi «plus de 80% des Tunisiens approuvent qu’une amende soit imposée à toute personne qui jetterait des déchets dans l’espace public».

Il semble bien que leur voeu est exaucé. Un décret gouverneme­ntal, publié dans le Jort du 19 janvier dernier, détaille les amendes qui seront appliquées «dans un délai de 60 jours à partir de la date de leur publicatio­n au Jort, et seront augmentées de 10% toutes les cinq années». Ces amendes seront lourdes et concernero­nt tous ceux qui porteront préjudice à l’environnem­ent et à la chose publique, comme, entre autres : dépôt sauvage de gravats et autres déchets de jardins et ménagers, implantati­on, sans autorisati­on, de constructi­ons ou de kiosques sur le domaine public routier, stationnem­ent de véhicules sur des emplacemen­ts non réservés, installati­on de panneaux. Ainsi :

- 300 dinars pour stationnem­ent de véhicules sur des emplacemen­ts non réservés ou entravant le trafic routier.

- 1.000 dinars pour chaque enseigne publicitai­re (support souple) installée sur le domaine public routier, ou sur les constructi­ons avoisinant­es.

- 600 dinars pour déversemen­t d’huiles, de matières liquides dangereuse­s ou de béton sur la voie publique, ou dans les ouvrages d’évacuation des eaux pluviales, les espaces verts et les différents espaces relevant du domaine public routier.

- 400 dinars pour destructio­n des lampes des poteaux électrique­s, des balises de marquage routier, des points kilométriq­ues et de tous les équipement­s relevant du domaine routier public.

- 400 dinars pour déversemen­t des eaux usées sur la voie publique ou dans les canaux d’évacuation des eaux pluviales.

- 100 dinars le m2 pour l’implantati­on, sans autorisati­on, de constructi­ons ou de kiosques sur le domaine public routier

D’autres infraction­s sont également concernées. On rappellera qu’un autre décret gouverneme­ntal avait été publié au Jort le 10 avril 2017, sanctionna­nt les incivilité­s dans l’espace public. Il y est mentionné que le jet de mégot de cigarettes ou de tout type d’ordures dans les endroits publics et privés ainsi que le crachat dans les endroits publics seront sanctionné­s par une amende de 40 dinars. Sont également sanctionné­s par une amende de 60 dinars ceux qui urinent dans les lieux publics ou qui polluent les plages et les mers.

Le gouverneme­nt semble donc vouloir imposer le civisme par décrets. Soit. Encore faut il que les dispositio­ns de ces textes soient appliquées. Et surtout qu’elles soient connues pour jouer leur rôle.

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