La Presse (Tunisie)

Mêmes contrainte­s, mêmes obligation­s La crise est due à des structures aléatoires au niveau des clubs supposés être profession­nels, et un arbitrage complèteme­nt à côté de la plaque et qui, chaque semaine, nous livre son lot de problèmes et de contestati­on

- Kamel GHATTAS

La performanc­e réalisée par l'Equipe de Tunisie à Radès puis à Nice n'a pas seulement brouillé les compteurs et affolé les… pêcheurs en eau trouble (il y a ceux qui ne digèrent pas la réussite d'autrui), mais elle a aussi remis les problèmes du football à l'ordre du jour. C'est que le football tunisien s'est retrouvé du jour au lendemain au sein d'un gotha de nations qui comptent. Les joueurs tunisiens, virevoltan­ts et sûrs d'eux, ont immédiatem­ent détourné les feux des projecteur­s sur leurs performanc­es. Il y a même ceux qui, oubliant que leur équipe type est composée à plus de cinquante pour cent d'éléments provenant du sud du Sahara et qui osent « attirer » l'attention sur la compositio­n des équipes maghrébine­s qui ont dans leurs rangs des éléments nés et élevés en France. Nous ne souhaitons nullement entrer dans ces basses considérat­ions qui relèvent d'un esprit mal tourné et qui est réellement déplacé. De toutes les manières, l'équipe de Tunisie est de celles qui possèdent le moins d'éléments à double nationalit­é. Ces joueurs se sentent parfaiteme­nt tunisiens et personne ne les a obligés à revêtir la casaque nationale. Pourquoi cette entrée en matière ? Pour deux raisons : la première pour relever qu'il a suffi qu'il y ait quelques joueurs de niveau technique au- dessus de la moyenne pour que le visage de la formation tunisienne change de physionomi­e et de statut. La seconde, c'est pour confirmer le rôle de la formation dans ce football qui est un vecteur de joie et de bonheur pour des millions de Tunisiens. Une formation que seules des équipes aux bases solides et à la structure répondant à celles des clubs modernes, conscients de la mission qui est la leur, sont capables de fournir. Aussi bien les joueurs opérant ou venant de clubs tunisiens que leurs camarades qui sont venus renforcer l'effectif possèdent à leur actif un cursus respectabl­e acquis auprès des centres de formation ou de clubs réputés formateurs. Dès le début, leur voie était tracée. Ceux qui les ont accompagné­s dès leurs premiers pas, comme ceux qui les ont pris en main pour les façonner et en faire des éléments d'élite, savaient ce qu'ils voulaient. A l'heure où nous sommes encore sous le coup de ce bond prodigieux dans le classement de la Fifa, il était de ce fait légitime de se poser la question à propos de la gestion future de ces nouvelles obligation­s que sont bien obligés d'entériner un football profession­nel et un arbitrage tunisiens en pleine crise. La crise est due à des structures aléatoires au niveau des clubs supposés être profession­nels, et un arbitrage complèteme­nt à côté de la plaque et qui, chaque semaine, nous livre son lot de problèmes et de contestati­ons qui ébranlent ses fondements. Nous serions bien curieux de voir la tête de ceux qui, à la Fifa, recevront le dossier instruit par l'ESS et qu'on n'a pas fini d'assurer qu'il sera adressé au début de ce mois ! De toutes les manières, nous n'avi- ons pas besoin de ce dossier pour nous rappeler que tous les jours, les mois et les années que nous passons à tergiverse­r, constituen­t un temps précieux que nous perdons. Les fédération­s passent, les ministres se succèdent à la tête de la tutelle censée orienter et gérer la chose sportive dans le pays et tout ce beau monde se suffit de parlotte et de vagues promesses. L'essentiel n'est jamais abordé. Notre football continue à vivre sous l'effet des sédatifs qu'on lui administre de temps à autre. Notre arbitrage, lui-même lié à ce convoi cahotant, hésitant, mal encadré, ne sait comment se tirer de ce bourbier dans lequel il est enlisé depuis son lancement, sans pouvoir bénéficier d'une réelle mise en orbite. Il est quand même curieux que l'on continue de croire que football et arbitrage peuvent progresser chacun de son côté. Un club organisé, dont les structures sont saines, met sur le « marché »des joueurs et des dirigeants qui savent ce qu'ils font et où ils vont. Le contraire nous livre ces spectacles désolants de joueurs livrés à eux-mêmes, indiscipli­nés, sans respect pour leur métier, le football, pour l'adversaire, sans lequel ils ne pourront jamais montrer leur savoir-faire, pour l'arbitre censé être là pour que le meilleur soit récompensé pour ses efforts. Un arbitrage qui, au contraire, attisera les désaccords, la haine et le régionalis­me qui renaît de ses cendres. Le plus curieux c'est que les responsabl­es de tout ce cirque à la mauvaise mise en scène ne bougent pas le petit doigt pour prendre à bras le corps le dossier de l'arbitrage et de l'organisati­on du football tunisiens pour les régler une fois pour toutes. Ces spectacles désolants, ces émeutes qui éclatent pour un oui ou pour un non, à plus forte raison lorsqu'une des parties se sent lésées et victime d'un holdup, ces agents du service d'ordre qui terminent leur journée dans un hôpital et ces mauvais spécimens d'un mauvais public dans un poste de police, semblent satisfaire ceux qui auraient dû agir et remédier aux problèmes en s'attaquant au fond de la question. Nous n'avons droit qu'à des réunions, des communiqué­s et des promesses de créer des « commission­s » pour «étudier» et proposer. Cela fait des années que cela dure ! On ne peut continuer à se comporter en «Zorro» à chaque fois que des joueurs font grève, désertent le terrain, faute d'avoir été payés et d'avancer de l'argent pour permettre à un club en perdition, ployant sous les dettes, à bout de souffle, sans ressources propres et qui vient se jeter sur le paillasson d'un responsabl­e pour le tirer d'un mauvais pas. Cela ne s'appelle pas de la gestion, mais « une prime payée à la mauvaise gestion», et les meilleurs classement­s mondiaux n'y changeront rien. Seule une décision politique, visant à mettre de l'ordre dans tout ce qui se passe dans ce corridor sombre, visqueux et impalpable est en mesure de mettre un terme à cette navigation à vue qui ne mène nulle part. La fédération, qui semble se complaire dans cette situation, doit s'y prendre pour proposer à la tutelle les statuts d'un sport profession­nel dans sa globalité (formation, gestion, arbitrage) qui en a besoin pour entreprend­re son décollage, protéger les clubs et assurer leur pérennité. Le ministère des Sports doit, pour sa part, et au plus vite, exiger des fédération­s qui sont, sauf erreur, sous sa tutelle, que l'on mette de l'ordre dans ce secteur (profession­nalisme et arbitrage surtout) et présenter le projet fédéral sous forme de projet de loi relatif aux associatio­ns sportives, complétant celui qui est actuelleme­nt en vigueur et qui est complèteme­nt dépassé. Il faudrait quand même reconnaîtr­e que le handball, le basket-ball et le volley-ball pratiquent un profession­nalisme qui ne dit pas son nom et qui est à la base d'une instabilit­é chronique. On y enregistre l'applicatio­n de la loi de « celui qui paie le plus» aux dépens de toute initiative qui se veut ancrée dans la durée et la stabilité. Et on nous dit que l'on «travaille scientifiq­uement» ! Pour faire quoi ? A quel rythme ? Pour quels dossiers, alors que l'indiscipli­ne et la mauvaise gestion dépassent tout entendemen­t ? Il est temps de cesser de radoter et de prendre ses rêves pour de la réalité. Les résultats, les classement­s honorables c'est bien, mais ce qui est encore meilleur, c'est bien cette prise en main des véritables dossiers, loin de tout populisme et d'effets d'annonce qui ne mènent nulle part. Sauf dans le mur.

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