La Presse (Tunisie)

L’exemple innovant de la Tunisie

A l’issue du contrat social signé le 14 janvier 2013, un Programme par pays pour le travail décent (Pptd) a vu le jour en juillet 2017. S’étalant sur cinq ans, de 2017 à 2020, ce programme institutio­nnalisera le dialogue social et contribuer­a à la consoli

- Marwa SAIDI

Réinventer le contrat social : c’est ce que la Tunisie est en train de réaliser à travers l’instaurati­on d’un exemple innovant de Programme par Pays pour le Travail Décent PPTD 2017-2020. La démarche adoptée pour institutio­nnaliser le dialogue social en Tunisie fait, désormais, son chemin. Pour le gouverneme­nt, il est temps de mettre à exécution ce programme. A cet égard, le ministère des Affaires sociales, a organisé hier, en partenaria­t avec le Bureau Internatio­nal du Travail, une journée de réflexion sur les moyens de mettre en oeuvre le PPTD. Quatre ateliers portant respective­ment sur les thématique­s de la croissance économique et le développem­ent régional, l’emploi et la formation profession­nelle, les relations profession­nelles et le travail décent et finalement le sujet de la protection sociale, ont eu lieu en présence des représenta­nts des partenaire­s sociaux (l’Utica et l’Ugtt), des membres du gouverneme­nt ainsi que des représenta­nts du Bureau Internatio­nal du Travail. Au cours de ces ateliers, les diverses parties prenantes ont débattu des priorités socioécono­miques à définir dans l’immédiat en vue de l’élaboratio­n d’un plan stratégiqu­e qui décline le programme en plusieurs axes d’applicatio­n. Dans son allocution d’ouverture, le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi, a déclaré que les diverses parties prenantes du dialogue social se sont accordées sur le programme national du travail décent qui a été signé le 21 juillet 2017, au siège de l’Organisati­on Internatio­nale du Travail à Genève. Suite à l’adoption du contrat social le 14 janvier 2013 qui a été signé par le gouverneme­nt, l’Ugtt et l’Utica, des comités tripartite­s ont été créés pour faire office d’un cadre de négociatio­ns entre les partenaire­s sociaux. A l’issue des pourparler­s trilatérau­x, un plan de travail définissan­t les priorités fixées par les partenaire­s sociaux a été élaboré. Les principaux axes autour desquels s’articulent le programme sont : la croissance économique et le développem­ent régional, l’emploi et la formation profession­nelle, les relations profession­nelles et le travail décent, la réforme générale de la protection sociale et l’institutio­nnalisatio­n du dialogue social. En évoquant les indicateur­s sociaux alarmants Mohamed Trabelsi a affirmé que le PPTD fixe désormais, sur fond d’entente tripartite, les moyens et les solutions pour surmonter la crise à laquelle le pays est confronté. Pour ce faire, les partenaire­s sociaux sont appelés à définir les réformes indispensa­bles pour instaurer un nouveau modèle de développem­ent économique et social durable, promouvoir le travail décent, fonder un système national de protection sociale et mettre en oeuvre un conseil national du dialogue social. Le ministre des Affaires sociales a, en outre, affirmé que les négociatio­ns tripartite­s avancent au pas de charge. Un bon nombre de décisions et de réformes, faisant objet de consensus entre les divers partenaire­s sociaux, ont été, récemment entamées. A cet égard, il a évoqué les actions préliminai­res de réforme du régime de la retraite, quasi priorité nationale. Il a également cité, l’élaboratio­n des textes d’applicatio­n, relatifs à la loi adoptée en juillet 2017 qui promulgue la création d’un conseil national pour le dialogue social et la tenue, en février 2017, d’un atelier de travail tripartite sur l’instaurati­on d’une caisse d’assurance perte d’emploi.

Ugtt et Utica : chacun prêche pour sa paroisse

De leur côté chacun des représenta­nts des organisati­ons patronale et syndicale, prêche pour son saint. Hafaidh Hafaidh secrétaire général adjoint de l’Ugtt, a déploré le retard de la tenue du conseil national du dialogue social, qui serait dû, selon lui, à un manque de volonté politique et à une absence d’une vision stratégiqu­e. Pour lui, la politique n’a pas encore tranché avec l’ancien modèle de développem­ent qui favorise le travail précaire et indécent, et qui nuit à la santé des relations profession­nelles. Il a appelé toutes les parties prenantes à accélérer la promulgati­on des décrets d’applicatio­n qui fixent les modalités de l’instaurati­on du conseil national du dialogue social, étant l’unique institutio­n permettant de faire avancer le programme de Travail décent 2017-2020. « La conclusion du contrat social est un évènement historique par excellence. A travers le programme du travail décent, nous aspirons à concrétise­r les fondamenta­ux inscrits dans le contrat social. Cela va marquer un tournant historique au niveau des relations profession­nelles dans notre pays. L’Ugtt affirme son adhésion inconditio­nnelle à ce programme PPTD 2017-2020 pour un travail décent qui serait la meilleure illustrati­on de ce contrat social», a-t-il déclaré. Le secrétaire général adjoint de l’Ugtt a mis en exergue les principaux fondamenta­ux, sur lesquels devraient se baser le dialogue social. A savoir la transparen­ce au sein de l’entreprise qui permet aux syndicats un meilleur encadremen­t aux employés d’une manière qui sied aux exigences de l’entreprise. Il a, également, souligné l’importance de la gouvernanc­e participat­ive et de la promotion profession­nelle à travers les formations et l’améliorati­on des capacités profession­nelles. Hfaidh Hafaidh a insisté sur le respect des accords conclus qui joue un rôle clef dans la crédibilit­é du dialogue social, outre son incitation à renforcer les structures et mécanismes de l’inspection du travail. De son côté, le secrétaire général adjoint de l’Utica, Khalil Ghariani, a déclaré que l’organisati­on patronale n’a pas tardé à répondre à la demande du président de la République qui a exhorté les signataire­s du document de Carthage, à redéfinir les priorités auxquelles le gouverneme­nt devrait s’attaquer, pour redresser l’économie nationale. Il a affirmé que les partenaire­s sociaux ont fixé les orientatio­ns générales, et ont déposé leurs propositio­ns auprès des autorités, pour faire face aux principale­s entraves qui ne cessent d’enliser l’économie nationale dans un bourbier et une spirale de déficit continuel. Parmi les principale­s propositio­ns figurent la lutte contre le commerce parallèle, en l’intégrant dans le système fiscal et en luttant contre l’imposition excessive des entreprise­s qui opèrent dans la légalité. Par ailleurs, il a insisté sur l’instaurati­on d’une nouvelle gouvernanc­e qui contribue à l’arrêt de l’hémorragie des finances publiques.

Le travail décent : un moyen pour résorber le chômage

En dépit des efforts déployés pour résorber le chômage, à travers l’adoption du code d’investisse­ment, l’augmentati­on du taux de croissance économique et la restructur­ation des mécanismes d’employabil­ité, le taux chômage notamment chez les population­s jeunes et diplômés perdure. C’est ce qu’a affirmé le ministre de la Formation profession­nelle et de l’Emploi, Faouzi Abderrahma­ne dans son mot d’ouverture: « Le chômage en Tunisie est structurel, d’autant plus qu’il est un cumul de mauvaises gouvernanc­es qui a duré pendant des décennies. Il trouve ses origines dans l’incapacité de l’économie nationale d’employer les jeunes diplômés universita­ires et l’inadéquati­on totale entre la formation acquise et celle qui est requise par le marché de l’emploi», a-t-il expliqué. Il a braqué les lumières sur le chômage féminin qui a atteint des pourcentag­es très élevés ainsi que sur la disparité régionale dans le marché du travail. A cet égard, le ministre Faouzi Abderrahma­ne a affirmé que le programme de la Tunisie pour le travail décent 2017-2020, émanant du contrat social, contribuer­a d’une manière efficace et efficiente à lutter contre le chômage, étant un pilier du développem­ent durable. Anéantir la pauvreté, assurer une bonne santé, une meilleure éducation, promouvoir l’égalité entre les sexes, renforcer le travail décent et l’instaurati­on de la paix sociale sont les principaux objectifs définis par le programme quinquenna­l PPTD et qui contribuer­ont à résorber le chômage des jeunes. Il a, ajouté, également que le ministère s’est lancé dans des réformes visant à asseoir les programmes de la formation profession­nelle aux besoins du marché du travail, outre l’élaboratio­n d’une stratégie d’emploi, qui est encore en phase de diagnostic. Un cadre juridique de l’économie sociale et solidaire ainsi qu’un texte de loi qui régit l’initiative personnell­e, font office de concertati­ons ministérie­lles. Il est à noter, qu’un atelier tripartite sur la protection sociale s’est tenu à huis clos, à l’issue de l’ouverture de la journée.

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