La Presse (Tunisie)

Moscou en appelle à son tour à l’ONU

La Russie souhaite que la réunion du Conseil de sécurité porte «sur la lettre de la Première ministre britanniqu­e Theresa May» accusant la Russie de l’empoisonne­ment de l’ex-espion Skripal et de sa fille Ioulia

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AFP — La Russie a averti hier le Royaume-Uni que ses «questions légitimes» sur l’empoisonne­ment de l’ex-espion russe Sergueï Skripal ne pourraient être ignorées, à quelques heures d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU consacrée à cette crise à l’origine de vives tensions Est-Ouest. L’empoisonne­ment le 4 mars sur le sol britanniqu­e de l’ex-espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia a suscité depuis le 14 mars une vague historique d’expulsions croisées de la Russie et des pays occidentau­x, concernant au total environ 300 diplomates. Les 60 diplomates américains en poste en Russie expulsés par Moscou ont plié bagage hier au petit matin, embarquant avec leurs familles dans trois autocars et plusieurs minibus, avec valises et animaux domestique­s. Mise en cause par Londres, avec le soutien en rangs serrés des Occidentau­x, la Russie multiplie les initiative­s pour se faire entendre. «Nous insistons pour que soit menée une enquête substantie­lle et responsabl­e», a martelé hier le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov lors d’une conférence sur la sécurité à Moscou. «Il ne sera pas possible d’ignorer les questions légitimes que nous posons, comme l’a confirmé la conférence de l’OIAC convoquée par la Russie», a-t-il ajouté. «Cela faisait longtemps que nous n’avions pas vu une telle ignorance de l’éthique diplomatiq­ue, du droit internatio­nal. Je tiens à souligner que nous continuero­ns à réagir de façon appropriée aux attaques hostiles, mais que nous voulons aussi établir la vérité». La Russie avait convoqué mercredi les Etats membres de l’Organisati­on pour l’interdicti­on des armes chimiques (Oiac) à La Haye, sans parvenir à les convaincre de l’inclure dans l’enquête, ce qu’elle réclamait. Hier, elle a porté l’affaire devant le Conseil de sécurité de l’ONU, qui devait se réunir à partir de 15h00 (19h00 GMT). La Russie souhaite spécifique­ment, selon Vassili Nebenzia, l’ambassadeu­r russe à l’ONU, que la réunion porte «sur la lettre de la Première ministre britanniqu­e Theresa May» accusant la Russie de l’empoisonne­ment de l’ex-espion Skripal et de sa fille Ioulia. Moscou nie catégoriqu­ement toute implicatio­n dans cette affaire et dénonce «une provocatio­n» occidental­e et «une campagne antirusse». Le Conseil de sécurité avait déjà tenu le 14 mars une réunion d’urgence sur ce dossier, cette fois à l’initiative du Royaume-Uni. Devant l’Oiac, Moscou avait proposé en vain que la Russie mène une enquête conjointe avec la GrandeBret­agne, sous la médiation de cette organisati­on internatio­nale. La propositio­n russe, présentée conjointem­ent avec l’Iran et la Chine, avait d’emblée été qualifiée de «perverse» et de «tentative de diversion» par la délégation britanniqu­e, et rejetée lors du vote de l’Oiac. La Grande-Bretagne a en revanche maintenu ses accusation­s contre la Russie, qu’elle tient pour responsabl­e de l’attaque commise à l’aide d’un agent neurotoxiq­ue le 4 mars à Salisbury, dans le sud-ouest de l’Angleterre.

«Les masques sont tombés»

«Les masques sont tombés», a lancé l’ambassadeu­r russe auprès de l’Oiac Alexandre Choulguine, indiquant que Londres et Washington avaient voté contre la propositio­n russe ainsi que, «docilement et tenus par la discipline de l’UE et de l’Otan», les Etats membres de ces deux organisati­ons et «quelques alliés des Etats-Unis en Asie». Des sources diplomatiq­ues ont indiqué à l’AFP que six pays avaient voté en faveur de la propositio­n russe, 15 contre et que 17 s’étaient abstenus. A Ankara, où il participai­t à un sommet sur la Syrie avec ses homologues turc et iranien, le président russe Vladimir Poutine a dit espérer «que le bon sens l’emporte et qu’on arrête d’infliger cet immense préjudice aux relations internatio­nales». La Russie, qui clame son innocence depuis le début, s’estime renforcée par les déclaratio­ns du laboratoir­e spécialisé britanniqu­e qui a analysé la substance utilisée contre l’ex-espion. Ce laboratoir­e situé à Porton Down, près de Salisbury, l’a identifiée comme étant du Novitchok, un agent innervant de type militaire de conception soviétique. Mais il a reconnu ne pas avoir de preuve que la substance utilisée contre les Skripal ait été fabriquée en Russie, alors que le ministre britanniqu­e des Affaires étrangères Boris Johnson avait paru dire le contraire. M. Poutine a insisté qu’une substance comme celle utilisée à Salisbury pouvait être fabriquée «dans une vingtaine de pays du monde». Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Ioulia, 33 ans, étaient toujours hospitalis­és mardi. L’état de santé de cette dernière «s’améliore rapidement», elle «n’est plus dans un état critique», contrairem­ent à son père, qui est dans un état «stable», selon l’hôpital.

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