La Presse (Tunisie)

Voyage au coeur de la musique arabe

Des chants pré-islamiques à l’«électro-chaâbi» des révoltes arabes, en passant par la diva Oum Kalthoum, «les» musiques arabes dans toute leur richesse investisse­nt à partir d‘hier, vendredi, la Philharmon­ie de Paris.

-

Présentée comme la première exposition d’envergure en France sur les musiques du monde arabe, «Al musiqa» est un hommage audiovisue­l à leur beauté et leur vitalité, des poèmes bédouins chantés avant l’islam jusqu’à «Arab Idol». Mais face aux préjugés qui entourent le monde arabe, ses conflits et ses immigrés, l’idée est aussi «d’aller à l’encontre de certains stéréotype­s» , explique à l’AFP Véronique Rieffel, commissair­e de l’exposition (6 avril-19 août). Il faut «sortir d’une appréhensi­on purement géopolitiq­ue, idéologiqu­e et sociétale pour s’intéresser aux cultures et aux arts du monde arabe», dit-elle.

Musique et Islam

L’exposition remonte à l’art peu connu du temps de la «jahiliya», l’époque préislamiq­ue : les mélopées appelées «al-hida’», dont le rythme était calé sur le pas du chameau, les «mouallaqat», ces poèmes récités ou chantés avec ou sans lyre, ou encore «Qaynats», musicienne­s souvent esclaves venues de Perse ou d’Ethiopie. La suite peut surprendre le visiteur, tellement la question reste taboue: on entend «al adhan», ou l’appel à la prière du muezzin. «On m’a dit que c’est un sujet tabou de parler de la musique en islam (...) or, l’art mélodique est présent dans la pratique religieuse à travers l’appel à la prière et le tajwid (psalmodie du Coran) » , précise Mme Rieffel. Même si l’islam a cherché à limiter l’usage d’instrument­s qui rappellera­ient les cérémonies polythéist­es, il n’a pas pour autant banni la musique, quelle qu’ait pu être l’interpréta­tion des uns et des autres par la suite. Preuve en est l’âge d’or arabe sous les différents califats, notamment en Andalousie, avec le mélange de chants et d’instrument­s venus du Moyen-Orient et d’Espagne. L’exposition rappelle notamment la légende de Zyriab, fondateur de la musique arabo-andalouse, la rayonnante école de musique à Cordoue et «Le livre des chan- sons», monument de la littératur­e arabe médiévale. «Il y avait un intense soutien de la musique par les califes qui étaient soit musiciens eux-mêmes soit des mélomanes, chacun avait son musicien favori» , explique la commissair­e, soulignant que c’est à cette époque qu’on a traduit les traités de musique grecs en arabe. On survole par la suite la musique mystique, après l’expansion de l’empire musulman en Afrique et le développem­ent du soufisme et les musiques des confréries gnawa au Maroc, le diwan (Algérie) et le stambali (Tunisie). Le clou de l’exposition est un énorme tableau signé Chant Avedissian fait de portraits de grands chanteurs arabes du XXe siècle: Les Syro-Egyptiens Farid al-Atrache et sa soeur Asmahane, Abdel Halim Hafez «Le rossignol du Nil» et, bien sûr, Oum Kalthoum, le symbole par excellence de la chanson arabe. Des figures qui ne sont pas étrangères en France : «En 1967, Oum Kalthoum a donné un concert à l’Olympia qui, selon les propos de Coquatrix, était le concert le plus extraordin­aire jamais donné dans ce lieu mythique» , rappelle Mme Rieffel.

Le raï «made in France»

L’exposition fait également un clin d’oeil à la diva libanaise Fairouz, légende encore vivante du monde arabe, sa compatriot­e Sabah et d’autres chanteurs célèbres du Levant. L’exposition consacre aussi un espace pour ces artistes immigrés du Maghreb qui ont «enrichi la vie culturelle française», dit la commissair­e, rappelant que dans «les années 80, le raï était la musique made in France qui représenta­it le mieux la France à l’internatio­nal. La dernière galerie rend hommage à la musique arabe contempora­ine, sous fond d’une musique connue sous le nom d’«électro-chaabi», mélange du chaâbi — style musical égyptien — et effets électro-acoustique­s. La salle résonne du célèbre slogan «Le peuple veut renverser le régime»: les chanteurs d’«électrocha­âbi» ont été très actifs durant la révolution égyptienne de 2011. «Aujourd’hui, on écoute des musiques arabes dans les clubs, les salles de concert, les boîtes de nuit, les festivals en France» , souligne Mme Rieffel. «Ce n’est plus quelque chose d’exotique, cela s’inscrit dans le quotidien» .

 ??  ?? Concert de la troupe Stambali Sidi Ali Lasmar à la Fondation Maison de la Tunisie à Paris
Concert de la troupe Stambali Sidi Ali Lasmar à la Fondation Maison de la Tunisie à Paris
 ??  ?? La diva libanaise Fairouz
La diva libanaise Fairouz

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia