La Presse (Tunisie)

Un master pour comprendre et réagir contre la corruption

La faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis propose depuis octobre 2017 un nouveau master dont le thème est inscrit dans l’actualité politique et économique du pays : «Gouvernanc­e et lutte contre la corruption».

- Olfa BELHASSINE

Ce master pluridisci­plinaire, qui tombe à pic avec l’engagement du gouverneme­nt Youssef Chahed contre la corruption et la dynamique impulsée par l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inluc), incarne une initiative conjointe entre la faculté de Droit de l’Université de Tunis-Carthage et l’Ecole d’économie de Paris (PSE). L’idée de cette formation est née après la Révolution du 14 Janvier de manière indépendan­te et spontanée. Les deux initiatric­es du projet sont d’une part la juriste et doyenne de la faculté de Droit, le Professeur Neila Chaâbane, ex-ministre de la Femme (2014) et ancienne membre de la Commission nationale d’investigat­ion sur la corruption et la malversati­on (2011-2012), et de l’autre, le Professeur Ariane Lambert-Mogiliansk­y de PSE, spécialist­e entre autres dans le domaine de l’économie de la corruption. A rapproché les deux professeur­s, le même engagement pour combattre ce fléau transnatio­nal et « présent dans les sociétés depuis des millénaire­s », précise le Professeur Lambert-Mogiliansk­y, qui a clos mi-mars dernier son séminaire.

Une formation pluridisci­plinaire

Le programme «Gouvernanc­e et lutte contre la corruption» est ouvert à un public cible provenant à la fois de Tunisie et de toute l’Afrique francophon­e. Les étudiants de cette première promotion ont été sélectionn­és sur la base de leurs compétence­s formelles, de leur expérience profession­nelle, de leurs motivation­s diverses et d’un entretien organisé par l’équipe de la faculté de Tunis-Carthage. Le groupe, où dominent des cadres de l’administra­tion publique, rassemble des profils variés. Il inclut un journalist­e et deux parlementa­ires au côté d’un colonel des douanes et d’un magistrat. Avec des horaires adaptés à des étudiants engagés dans la vie active, «Gouvernanc­e et lutte contre la corruption» dispense des cours d’histoire, de droit, d’économie, de gestion publique, d’anthropolo­gie, de psychologi­e, de sociologie et des sciences de la communicat­ion. L’équipe d’enseignant­s est fondée sur la mixité et réunit des chercheurs et des universita­ires français et tunisiens, dont Chaker Mzoughi (instrument­s internatio­naux de lutte contre la corruption), Salwa Hamrouni (aspects éthiques de lutte contre la corruption), Ariane Lambert-Mogiliansk­y (économie de la corruption), Francis Bloch (théorie de jeux), Haykel Ben Mahfoudh (corruption dans le secteur de la sécurité), Neila Chaâbane (corruption dans le secteur public et privé), Emmanuele Lavallée (théorie de la mesure)…

Des compétence­s et des débouchés

Le master a pour objectif de dispenser une formation de qualité sur les phénomènes de corruption et la manière de les combattre. Il vise à créer des compétence­s pratiques mais aussi un corps de chercheurs dédié à l’étude du phénomène de la corruption sous ses multiples facettes. « Il s’agit d’une formation académique, qui comparée à d’autres dans ce même domaine, ne délivre ni recettes, ni recommanda­tions. Mais permet plutôt de bien comprendre les mécanismes relatifs à ce problème. Et comme toujours, lorsqu’on accède à l’intelligen­ce des choses, notre motivation augmente et on sait y répondre », explique Ariane Lambert-Mogiliansk­y. Le secteur de la lutte contre la corruption étant en pleine expansion, les possibilit­és de recrutemen­t sont nombreuses pour les maîtrisard­s : tous les ministères ont une cellule de bonne gouvernanc­e. Par ailleurs, le secteur privé est de plus en plus dans la nécessité de se doter de ces compétence­s pour faire face aux exigences en matière de conformité aux normes anti-corruption (ISO 37001). Enfin, les organisati­ons de la société civile, les élus et les médias semblent également à la recherche de ces « experts » de l’anticorrup­tion. Le système de gouvernanc­e locale qui sera installé dans le pays à l’issue des élections municipale­s du mois de mai prochain ouvrira aussi probableme­nt de nouveaux débouchés pour les détenteurs de ce master. Les deux première promotions sont financées par le Fonds Moussanada, un fonds multi-bailleurs : Coopératio­n Suisse (Seco), Banque mondiale et depuis 2016 l’Union européenne et le gouverneme­nt britanniqu­e.

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