Décentralisation vs exode
SELON une source scientifique, les trois quarts de la population tunisienne vivent actuellement sur 10% du territoire national. Soit environ 8 millions de Tunisiens, sur une population estimée à 11 millions d’âmes, sont concentrés dans les grandes villes essentiellement du Nord et du Sahel avec un taux d’urbanisation de 70%. Ce taux devrait atteindre 75% à l’horizon 2030. Le flux migratoire interne, qu’on appelait autrefois exode rural, n’est nullement un phénomène nouveau, contrairement à son volume et à sa fréquence qui ont pris de l’ampleur au cours des événements de 2011 et après. Les raisons, quant à elles, n’ont pas changé : recherche de l’emploi et de la proximité des pôles économiques, administratifs et éducatifs.
Le problème qui devrait maintenant se poser est lié étroitement au projet de décentralisation politique dont les bases seront jetées avec les élections municipales du 6 mai prochain. La Constitution de 2014 prévoit, en effet, l’instauration de la démocratie locale dans la perspective de donner à chaque région intérieure l’opportunité et les moyens de planifier, de concevoir et de réaliser ses projets de développement en fonction de ses besoins et de ses attentes propres. La démocratie locale aura de ce fait besoin de compétences locales pour être exercée et pour en concrétiser les objectifs de développement.
Qui va mettre au point ce chantier titanesque si les régions intérieures vont manquer de bras et de têtes ? Bien sûr, le pays regorge de compétences, mais ces dernières recherchent le confort et la proximité des commodités des grandes villes quand elles ne migrent pas vers des pays étrangers plus nantis, mieux organisés et plus rémunérateurs.
La décentralisation politique, économique et administrative a besoin d’infrastructures de base de qualité, de réseaux de télécommunications et de services en tous genres, qui fonctionnent bien et qui sont proches. Chaque région aura besoin d’une armée de professionnels et de compétences qu’au demeurant on n’imagine pas rebrousser chemin dans un flux migratoire inverse dès le lendemain des élections municipales.
Bien que la concentration urbaine aggrave les problèmes liés à la vie dans les villes surpeuplées en termes d’opportunités d’emploi, de coût du logement, de collecte des déchets, de trafic routier, etc, il va falloir attendre longtemps avant que le flux migratoire interne soit inversé vers les régions qui font partie des 90% du territoire déserté, car ces régions continuent de faire fuir leurs habitants qui ont le sentiment d’être les oubliés et les laissés-pour-compte des gouvernements et des politiques qui se sont décrédibilisés à coups de promesses électorales sans lendemain. La décentralisation prônée par les politiques, qui rament pour adopter un code des collectivités locales, mettra du temps avant de parvenir à ressembler à ce qui est écrit dans la Constitution de 2014.
Qui va mettre au point ce chantier titanesque si les régions intérieures vont manquer de bras et de têtes ? Bien sûr, le pays regorge de compétences, mais ces dernières recherchent le confort et la proximité des commodités des grandes villes quand elles ne migrent pas vers des pays étrangers plus nantis, mieux organisés et plus rémunérateurs