La Presse (Tunisie)

La pénurie des médicament­s est bien réelle

- Entretien conduit par Samir DRIDI S.D.

Le secteur des médicament­s souffre de plusieurs dysfonctio­nnements en raison d’une mauvaise gestion flagrante, de suspicion de corruption et de contreband­e. Il faut trouver une solution dans le cadre de la bonne gouvernanc­e, par la mise en place d’un système de contrôle rigoureux et permanent à différents niveaux, souligne M. Mustapha Laâroussi, président du syndicat des pharmacien­s d’officine de Tunisie, qui fait la lumière sur ce secteur hautement sensible. Entretien. On parle ces derniers temps de pénurie de médicament­s, où en est-on au juste ?

Le syndicat des pharmacien­s d’officine de Tunisie (Spot) a publié le 28/03/2018 un communiqué dans lequel il tire la sonnette d’alarme sur la situation critique de la Pharmacie centrale qui connaît une crise de trésorerie sans précédent, en raison du non-paiement de ses avoirs auprès de la Cnam et des structures publiques de santé. Cette crise a mis la Pharmacie centrale dans l’incapacité de payer ses fournisseu­rs dans les délais impartis, entraînant le ralentisse­ment d’approvisio­nnement en médicament­s importés et même la suspension de livraison par certains laboratoir­es. Elle se traduit par un manque au niveau des officines et des structures de santé publique de plusieurs spécialité­s de médicament­s, dont certaines sont indispensa­bles et n’ont malheureus­ement pas de similaires. De ce fait, la pénurie est bien réelle et risque, si elle perdure, de poser un grave problème de santé.

Le secteur de la distributi­on des médicament­s connaît aujourd’hui des difficulté­s. Serait-ce en raison de la mauvaise gestion de ce secteur ou à cause de la corruption et la contreband­e ?

Le secteur de distributi­on des médicament­s en Tunisie est bien réglementé, il repose sur deux principes essentiels, à savoir le monopole de l’importatio­n qui est réservé exclusivem­ent à la Pharmacie centrale, et le monopole de distributi­on et de dispensati­on qui est du ressort des grossistes répartiteu­rs et des pharmacien­s d’officine pour le secteur privé et des pharmacies des hôpitaux pour le secteur public. Ce système verrouillé et bien contrôlé confère une garantie de sécurité au niveau de l’importatio­n et de la distributi­on contre les risques liés à la contrefaço­n qui est un fléau qui menace la santé des citoyens dans beaucoup de pays. Grâce à ce système, la Tunisie est un des rares pays qui ne souffre pas de ce fléau. Les dysfonctio­nnements que nous connaisson­s au sein de ce système et qui concernent le problème de la contreband­e et celui de la mauvaise gestion posent, certes, un problème auquel il faut trouver une solution dans le cadre de la bonne gouvernanc­e par la mise en place d’un système de contrôle rigoureux et permanent à différents niveaux. Toutefois, ces dysfonctio­nnements ne peuvent en aucun cas expliquer la situation actuelle qui est due à un problème grave de trésorerie.

Des enquêtes sont en cours pour suspicion de vols. Elles concernent la PCT, le centre de l’informatiq­ue du ministère de la Santé et des gestionnai­res d’un stock de médicament­s. Quelle est la position de votre syndicat à ce propos ?

Concernant les enquêtes en cours, nous considéron­s qu’elles ne peuvent qu’être bénéfiques pour une meilleure gouvernanc­e du système de santé en général. Bien entendu, nous saluons toutes les initiative­s qui contribuen­t à lutter contre les abus et les malversati­ons qui peuvent exister, et que nous devons tous combattre. Par ailleurs, et en raison de la persistanc­e de la crise financière au sein de la Pharmacie centrale, certains laboratoir­es menacent de quitter le pays.

Comment se présente la situation actuelle des pharmacien­s d’officine vis-à-vis de la Cnam ?

La situation très difficile de la Cnam, autre victime collatéral­e du déficit abyssal des caisses sociales (Cnss et Cnrps), a une répercussi­on très négative sur tous les pharmacien­s d’officine qui sont confrontés à de graves difficulté­s financière­s dues aux retards de paiement de leurs avoirs auprès de la Cnam. Actuelleme­nt, le délai de paiement est de cinq mois (délai convention­nel 14 jours ouvrables). Cette situation pèse lourdement sur l’économie des pharmacies, qui sont de très petites entre- prises évoluant dans un secteur très réglementé avec une capacité d’endettemen­t très limitée qui va entraîner des cessations de paiements et de faillites de nature à aggraver encore plus la disponibil­ité des médicament­s pour le citoyen.

Quelles sont les solutions que vous préconisez pour sortir de la crise actuelle dans laquelle le secteur des médicament­s s’est engouffré ?

Mises à part les solutions politiques qui ont pour objectif de trouver des solutions durables pour les caisses sociales, nous n’avons pas cessé, à notre niveau, et depuis des années, de demander l’activation des textes d’applicatio­n, définissan­t les groupes des génériques, comme l’a exigé l’arrêté du 18/11/2008, permettant ainsi aux pharmacien­s de pallier aux problèmes de manque pour les produits substituab­les.

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