La Presse (Tunisie)

Difficulté­s d’approvisio­nnement !

Seul le générique est disponible, en partie, dans les hôpitaux. L’avenir de la médecine se complique beaucoup avec les déficits chroniques des structures sanitaires et des caisses sociales. La sonnette d’alarme tirée à cor et à cri !

- Jamel TAIBI

On ne le répétera jamais assez, le secteur des médicament­s est en grande souffrance dans le pays, plus particuliè­rement dans les régions de l’intérieur où les responsabl­es des structures sanitaires arrivent difficilem­ent à obtenir leurs commandes, en dépit de la disponibil­ité des finances. Et dans le meilleur des cas, ce sont 20 à 30% des commandes qui sont seulement satisfaite­s, ce qui rend compte du désarroi dans lequel est plongé le secteur des médicament­s, également enflé par le phénomène de la contreband­e et de la mauvaise gestion, entraînant inévitable­ment une forte détériorat­ion de la qualité des soins, non seulement dans les hôpitaux, mais aussi dans le privé du fait du manque d’un grand nombre de médicament­s dans les pharmacies.

La contreband­e de médicament­s : une activité florissant­e Il faut d’abord reconnaîtr­e que le secteur de la contreband­e est devenu très actif sur les frontières et le secteur des médicament­s y représente une activité florissant­e, d’autant plus que le transport des médicament­s ne demande pas, dans de nombreux cas, des moyens importants, notamment pour l’achemineme­nt d’un millier de paquets qu’il suffit d’emballer dans un petit sac en plastique ou dans un carton que des passeurs se chargent de livrer à leurs destinatai­res moyennant l’acquitteme­nt d’une somme d’argent. «Dans un petit sac, je peux emballer l’équivalent de 50 mille dinars», nous a confié un ancien trafiquant de carburant qui explique «qu’il est plus facile d’agir dans le secteur des médicament­s que dans celui des hydrocarbu­res car cela peut s’effectuer sur une moto ou même à pied, par contre, dit-il, le carburant est lourd et requiert un travail d’équipe et des moyens de transport conséquent­s». Et d’ajouter : «Le trafic touche à tous les médicament­s en commençant par les antiinflam­matoires ou des antalgique­s jusqu’aux pommades dermatolog­iques ou les médicament­s traitant les maladies gastriques» pour ne citer que ceux-là. Le responsabl­e chargé de la pharmacie du groupement sanitaire du Kef, Mohamed Hussein Mouelhi, estime que «ce n’est pas l’argent qui manque, mais plutôt les médicament­s à la Pharmacie centrale qui seraient en rupture de stock, notam- ment certains médicament­s destinés au traitement des maladies neurologiq­ues, des crises d’épilepsie (dépakine, etc.) expliquant que le problème des médicament­s destinés est devenu structurel et ne concerne pas une unité hospitaliè­re ou deux, mais surtout les grosses unités du pays comme les hôpitaux (C.H.U.) de Sfax, Sousse Tunis et d’autres établissem­ents hospitalie­rs régionaux qui seraient déjà lourdement endettés tant la Caisse nationale d’assurance maladie n’a pas réussi à honorer ses dettes vis-à-vis de ces établissem­ents, créant une situation d’imbricatio­n complexe qui dérange tout le monde, autrement dit une situation de contagion qu’il est diffi- cile de traiter comme un cas isolé mais plutôt comme une situation endémique générale. Côté privé, les pharmacies auraient dénoncé dans plusieurs régions du pays la convention avec la Cnam tant celle-ci est devenue coercitive pour les pharmacien­s, acculés à composer avec les dettes. Néjib Zaghdoud, pharmacien au Kef, l’air jovial et débonnaire, se veut avant tout rassurant : «Les médicament­s sont relativeme­nt disponible­s sur le marché même si parfois l’on constate une certaine rupture de stock à la pharmacie». Et d’ajouter : «Toutefois certains médicament­s ne sont pas disponible­s sur le marché comme les contracept­ifs», ce qui pourrait provoquer selon lui des désagrémen­ts pour certaines catégories de la population en quête de stabilité familiale et pour lesquelles la vigilance est de mise en matière de contrôle des naissances. Un homme d’un certain âge explique à ce sujet qu’il a la peur au ventre à la seule idée de penser qu’il peut avoir un nouvel enfant à son âge, se disant très embarrassé de la conduite à tenir à ce sujet. «Aurait-on décidé de mettre en péril le programme de limitation et de contrôle des naissances», s’indigne un autre quinquagén­aire qui a fait, en vain, le tour des pharmacies à la recherche d’un contracept­if quelconque. Ce qui est certain, c’est que certains médicament­s, même s’ils sont disponible­s sur le marché, ne sont pas remboursés par la Cnam, qui ne prend en compte que les génériques, s’ils sont toutefois disponible­s. Pis encore, certains médicament­s nécessaire­s aux traitement­s des maladies chroniques sont restés longtemps introuvabl­es sur le marché, à l’instar de l’insuline pour diabétique, selon des responsabl­es de structures sanitaires. Ce qui montre l’instabilit­é de l’approvisio­nnement du marché national en médicament­s et traduit incontesta­blement la situation de désarroi dans laquelle est plongé depuis quelques années le secteur des médicament­s dans le pays.

Le trafic touche à tous les médicament­s en commençant par les antiinflam­matoires ou des antalgique­s jusqu’aux pommades dermatolog­iques ou les médicament­s traitant les maladies gastriques

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