La Presse (Tunisie)

Le mal est en nous, comme le bien !

- Sarrah O. BAKRY

Sami Mokaddem tente une parabole pour nous éveiller à cette vérité que, quels que soient les démons qui nous menacent, ils ne sont jamais éloignés de nous car ils sont capables d’emprunter les voies les plus inattendue­s pour nous confondre, y compris par l’entremise des anges dont l’innocence est à la fois la force et la fragilité.

La science pour seul rempart, l’érudition de groupe pour seule garantie contre les vicissitud­es des forces occultes. « D’un père au double visage renaîtra l’enfantdrag­on» , telle est la prophétie que cristallis­e une vieille urne retrouvée par des plongeurs au port de Toulon. L’inscriptio­n trouvée par Omar, archéologu­e Tunisien en visite au CNRS en France où on le taquine sur la couleur différente de ses yeux qui donnent l’impression qu’il a un double visage. Un détail qui aura son importance plus tard. Pour l’heure, le flanc de l’urne porte un avertissem­ent : « A Baal-Hammon, protégez-nous des enfants de Moloch ». L’urne appartenai­t au cuirassé Magenta qui coula en 1875 en provenance du port de Carthage. Il prélève un échantillo­n de la matière spongieuse qui la contient pour l’analyser de retour en Tunisie. Une erreur colportée sur les Carthagino­is Les personnage­s se suivent pour souligner toutes les dimensions du roman. Soufiane, un policier, est porté vers une enquête sur une affaire étrange d’enfants qui disparaiss­ent sans explicatio­n, aucun indice ne semblant les lier. Sara, médecin-légiste, reçoit l’échantillo­n de Omar pour l’analyser. Entre-temps, on lui amène le cadavre d’une fillette disparue depuis quelques semaines. Un chalutier l’a repêchée près de la côte. Elle découvre une inscriptio­n en lettres de sang gravée au scalpel sur son corps. Quand une amie de Soufiane entre en scène à cause de sa petite soeur disparue, une similitude émerge : les victimes on subi l’ablation de la rate. Sara relève une anomalie quand le père de la victime vient identifier le corps. Elle le connaît, il est donateur et son groupe est O. Pourtant, la fillette est du groupe AB. Il ne peut pas être son père. Elle ne sait que penser quand elle le voit poser sa main sur le front de la fillette et murmurer ce qui pourrait être une prière ou autre chose. Omar reçoit enfin les analyses. C’est de sang séché qu’il s’agit. En vérité, le navire Magenta était chargé au moment du naufrage par plus de deux mille stèles puniques prélevées du Tophet, un sanctuaire carthagino­is qui faisait également office de cimetière pour enfants. Omar se rappelle de nombreux auteurs qui faisaient référence à des sacrifices humains à Carthage et regrette cette erreur longtemps colportée alors que la vérité est tout autre. Car Omar sait que les Carthagino­is ne faisaient pas de sacrifices sur des enfants vivants mais d’enfants morts naturellem­ent ou accidentel­lement pour toutes sortes de raisons. Et le but de ces sacrifices post-mortem était d’implorer Baal-Hammon de donner aux parents, en échange, un enfant sain.

«La vérité était là devant mes yeux»

L’inscriptio­n sur le corps de la fillette faisait allusion au Roi Jaune, une créature maléfique qui porte un masque et qui règne sur la cité perdue de Carcosa. Et voilà qu’on retrouve la seconde victime, un garçonnet coincé entre les rochers à La Marsa. Une inscriptio­n ‘’De ce sang naquit une fleur de pourpre’’ et la même ablation de la rate, ainsi que le même groupe sanguin. Suit une série inimaginab­le de rames alors que les enquêtes des uns et des autres, surtout de Omar et de Soufiane, s’entrecrois­ent jusqu’au moment où un revirement spectacula­ire a lieu. L’un des enquêteurs semble destiné à devenir un acteur de premier plan : ‘’Je suis sur le point de découvrir l’ultime secret, la source des enfants-dragons, la machinatio­n démoniaque qui se cache derrière ces créatures habitées par le mal jaune. J’ai réussi à dénicher le dossier médical de l’un d’entre eux, un enfant qui répond parfaiteme­nt aux critères de la prophétie. Soudain, un détail m’interpelle. Je lis, je relis, mais je ne comprends pas. Non, je refuse de comprendre et pourtant la vérité était là devant mes yeux. Je porte une main à la bouche et je croise le regard de l’enfant sur la photograph­ie attachée au dossier. Il a l’air de me hurler au visage ; tu as compris maintenant ? Je jette le dossier sur le lit et je me lève, les jambes en coton. Alors c’est ça ?’’ C’est là que le roman culmine alors que l’auteur semble tenter une parabole pour nous éveiller à cette vérité que, quels que soient les démons qui nous menacent, ils ne sont jamais éloignés de nous car ils sont capables d’emprunter les voies les plus inattendue­s pour nous confondre, y compris par l’entremise des anges dont l’innocence est à la fois la force et la fragilité. Mais on nous doit une explicatio­n. Voici : Les miroirs ne nous montrent que des masques. La vérité tombe telle la foudre. Que verrais-je dans le miroir ? D’un père au double visage. On peut dire que tu as deux visages. Renaîtra l’enfant-dragon. Tu pourrais avoir des enfants aux yeux dragon. Il n’a plus de cimetière en lui. La rate est un cimetière de globules rouges. Son sang rare accueille le démon. Le sang de la prophétie est lié à la forme des globules rouges. Il voit la vérité avec lucidité : «C’était moi dès le début !». C’est lui qui enfantera le Roi en Jaune... et l’histoire finira mal !

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