La Presse (Tunisie)

Une mise à niveau qui tarde

Le meilleur exemple de l’importance que revêt cette question de contrat et de rédaction des contrats nous a été donné par les autorités civiles qui ont interdit la rédaction des contrats à des personnes étrangères au « milieu » juridique: seuls des hommes

- Kamel GHATTAS

Les contrats... les amendes et les sanctions, les points retirés du classement, nous en avons connu ces dernières saisons et avec un paysage sportif qui n’a rien fait pour évoluer, ou plus exactement dans lequel on n’a rien fait pour le faire évoluer, nous en connaîtron­s encore. Pour une raison bien simple et à la suite d’une logique que personne ne saurait remettre en question, à moins de prendre les dispositio­ns qui s’imposent. Nous n’en sommes pas là, car la léthargie qui s’est emparée de bien des parties prenantes ne semble pas près de mettre un terme à cet engourdiss­ement collectif et de remettre sur les rails un sport qui ronronne et vit sur sa lancée, insensible à ce qui se passe autour de lui. Il est paradoxal de finir par estimer que les résultats enregistré­s ici ou là par le sport tunisien constituen­t un indice trompeur qui risque de renvoyer aux calendes grecques la mise en place d’un véritable plan de relance. Au risque de se redire, tout tient aux structures fondamenta­les sur lesquelles repose cette activité sportive. Sans se fourvoyer dans des polémiques stériles qui ne nous feront nullement progresser, il est important de se pencher sur les véritables problèmes qui se posent, secteur par secteur, région par région, discipline par discipline, spécialisa­tion par spécialisa­tion. La direction d’un club amateur ou profession­nel est devenue une spécialité, un métier qui exige des hommes formés pour, évoluant dans le cadre d’une structure où le dirigeant a besoin de l’administra­tif rompu aux arcanes, qui voit clair et réagit vite, du technicien formateur, pédagogue, qui possède cette vision prospectiv­e qui pérennise un club, comme de… l’homme de loi. Des hommes pleinement attachés aux clubs, chargés de veiller à ses intérêts sur les plans juridique et légal. Des intérêts galvaudés par des arrivistes qui ne possèdent aucune expérience et qui ont précipité certains clubs dans de véritables impasses desquelles ils peinent à sortir. Le meilleur exemple de l’importance que revêt cette question de contrat et de rédaction des contrats nous a été donnée par les autorités civiles qui ont interdit la rédaction des contrats à des personnes étrangères au « milieu » juridique: seuls des hommes de loi dûment agréés sont autorisés à faire ce travail, pour éviter les complicati­ons qui accroissai­ent les litiges, surchargea­ient les tribunaux et enregistra­ient des dépassemen­ts incroyable­s. C’est dire que, dans ce domaine, l’adage qui dit que « chacun fait son travail et les vaches seront bien gardées » s’applique et on ne saurait s’y soustraire pour une raison ou une autre. Il n’en demeure pas moins que pour des raisons qui relèvent de l’insensé, on continue à faire établir des contrats à partir de vulgaires plagiats ou par, soit des personnes incompéten­tes, soit par des conseilleu­rs qui ne sont jamais les payeurs. Les consé- quences, nous les connaisson­s. Les clubs tunisiens, et par voie de conséquenc­e le contribuab­le, paient chèrement, en devises sonnantes et trébuchant­es, les conséquenc­es de toutes ces bêtises, résultats de cette légèreté qui déclenchen­t des enchaîneme­nts catastroph­iques. Dans un contrat liant un joueur ou un entraîneur à un club, les spécialist­es du genre font tout figurer. Nous avons parfois sous les yeux des conditions et des clauses incroyable­s. Pourtant on s’y tient et on les fait respecter à la lettre par les deux parties contractan­tes. Pour s’en convaincre et pour mesurer l’importance de ces conditions contractue­lles nous en citerons quelques-unes pour insister sur la force de cet engagement qui ne semble pas mobiliser l’attention de l’une ou de l’autre des parties : Arrivé au Paris Saint-Germain il y a deux ans, Hatem Ben Arfa n’a disputé aucun match. Ben Arfa a continué à s’entraîner pour préparer la saison prochaine, à l’issue de laquelle il jouera pour une autre équipe. Par principe, il a refusé d’aller ailleurs et a tenu à rester, refusant les brimades dont il a été l’objet de la part de son président de club. Le PSG a certes essayé de le pousser vers la sortie, en le renvoyant dans l’équipe réserve, mais s’est vite rétracté sous la menace des responsabl­es de la Ligue qui ont brandi le spectre des sanctions. Il s’entraîne comme le reste de l’effectif, les encourage, les accompagne et ignore complèteme­nt la froideur des dirigeants, s’en tenant à la solidarité et à l’amitié que lui vouent tous ses camarades de club. Son contrat était sans faille et son club, en dépit de la place qu’il occupe sur l’échiquier du football français, n’y pouvait rien. Le PSG ne l’a pas mis à la porte, sachant qu’il paiera cher ce genre de comporteme­nt. Il a préféré le garder et respecter les clauses du contrat le liant à son joueur. Chez nous, on lui signifie la décision d’un président dont l’humeur change au gré des vents favorables ou contraires, par SMS. On lui ferme la porte d’entrée au terrain d’entraîneme­nt, on cesse de le payer et on en fait un SDF ! Les clauses les plus folles peuvent figurer sur un contrat et les parties contractan­tes sont tenues de les respecter. C’est ainsi que certaines apparaisse­nt farfelues, mais elles existent bel et bien. Clubs et joueurs les insèrent dans leurs contrats pour se protéger ou pour jouir de certains privilèges. La plupart de ces clauses peuvent être tellement folles qu’elles font sourire. A Tottenham, Hugo Lloris bénéficiai­t d’une clause en cas de… défaite. Il devait recevoir une prime de 4.000 euros en cas de défaite de son équipe. Et si son équipe gagnait, il touchait plus du double de cette somme, soit 8.300 euros. Tottenham s’y tient. Mario Balotelli. Avant de renaître à Nice, le fantasque attaquant italien avait joué à Liverpool où il avait négocié une prime de bonne conduite : 1,2 million d’euros «s’il n’est pas expulsé plus de trois fois pour des comporteme­nts violents, pour avoir craché sur un joueur ou sur toute autre personne, ou en utilisant un langage ou des gestes offensants et abusifs», Neymar. L’attaquant brésilien a négocié avec Panini la somme de 50 000 dollars pour 600 autographe­s sur une des célèbres vignettes, soit 83 dollars la signature. Même les autographe­s pour les gosses. Les deux parties ont respecté leurs engagement­s. Pourquoi avoir donné ces exemples ? Pour signifier qu’un contrat est fait pour être respecté. Chacune des deux parties en présence est tenue de prendre ses dispositio­ns en étant pleinement consciente des intérêts respectifs. Des hommes de loi se chargent de les traduire en clauses soigneusem­ent ficelées et qui ne prêtent à aucune ambiguïté. C’est ce qu’on appelle un contrat en béton. Nous sommes loin des failles et des insuffisan­ces qui ont coûté des sommes folles à bon nombre de nos clubs qui ont été parfois obligés de payer des centaines de millions, des milliards, pour des joueurs qui n’ont jamais réussi à conquérir leur place au sein de l’équipe type. La faute est triple : le technicien recruteur s’est trompé, la rédaction du contrat est défectueus­e et le manque de tact dans la séparation est souvent inexcusabl­e. Un joueur ou un entraîneur dont on veut se séparer est quand même un homme qui se respecte. On ne peut agir en faisant fi des engagement­s pris, sans en payer les conséquenc­es. Nos clubs, du moins certains d’entre eux, n’ont pas fini de payer cette légèreté et cette absence de profession­nalisme dans la gestion, le comporteme­nt et les agissement­s. Avec tous les dégâts qui s’amoncellen­t de par la faute de cette gestion d’amateur (et encore !), qui prendra l’initiative de déclencher la mise à niveau de notre sport ? Et quand ?

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Neymar-Ben Arfa : des contrats avec le PSG qui protègent les intérêts de toutes les parties

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