La Presse (Tunisie)

Comment les retenir ?

- Chokri GHARBI

L’espace européen offre des opportunit­és d’emploi pour les Tunisiens qui veulent faire une carrière profession­nelle dans un secteur donné. Ainsi, toutes les facilités sont fournies pour attirer le candidat à l’émigration et l’inciter à rester aussi longtemps que possible dans l’un de ces pays.

L’espace européen offre des opportunit­és d’emploi pour les Tunisiens qui veulent faire une carrière profession­nelle dans un secteur donné. Ainsi, toutes les facilités sont fournies pour attirer le candidat à l’émigration et l’inciter à rester aussi longtemps que possible dans l’un de ces pays.

La fuite des cerveaux et des talents tunisiens vers d’autres cieux peut avoir, à moyen et long terme, un effet négatif sur le rendement des entreprise­s aussi bien publiques que privées. En effet, on a constaté, au cours de ces dernières années, le départ de plusieurs compétence­s opérant dans divers secteurs comme la recherche, la médecine et la technologi­e vers des pays étrangers et notamment européens. On sait déjà que les pays du Golfe attirent une grande partie de nos diplômés du supérieur dont certains sont en exercice dans des domaines aussi délicats que ceux de l’enseigneme­nt, de la médecine et du conseil en affaires, et ce, dans le cadre de la coopératio­n technique gérée par l’Agence tunisienne de la coopératio­n technique (Atct) qui publie régulièrem­ent ces offres d’emploi pour informer les intéressés et les motiver à présenter leur candidatur­e en vue de décrocher un poste. Généraleme­nt, les compétence­s tunisienne­s vont travailler dans ces pays pour améliorer leurs revenus dans la mesure où ces pays offrent des rémunérati­ons séduisante­s. Même les travailleu­rs de niveau primaire ou secondaire et ceux qui sont titulaires d’un diplôme de formation profession­nelle sont très demandés et peuvent percevoir un salaire quatre fois plus élevé que celui servi en Tunisie. Ces offres constituen­t donc une opportunit­é pour ces demandeurs d’emploi qui sont prêts à travailler dans n’importe quel pays pour avoir une rémunérati­on conséquent­e. Cependant, le problème de dépaysemen­t se pose pour certains travailleu­rs qui trouvent du mal à s’adapter à leur nouvel environnem­ent, mais cela ne les empêche pas de terminer leur contrat de travail. Toutefois, les conditions matérielle­s ne sont pas le seul motif qui oblige les compétence­s tunisienne­s à émigrer parfois pour une longue période. En effet, selon des enquêtes effectuées à ce niveau, plusieurs Tunisiens ne peuvent plus vivre dans des conditions désespéran­tes dans leur pays. Face à une économie en déclin —qui empêche des augmentati­ons salariales importante­s— des horizons profession­nels qui semblent bouchés, ces compétence­s n’ont d’autres choix que de plier bagage et de s’orienter vers un pays à forte croissance économique et où il fait bon vivre.

Des pauvres en Europe

L’espace européen offre des opportunit­és d’emploi pour les Tunisiens qui veulent faire une carrière profession­nelle dans un secteur donné. Ainsi, toutes les facilités sont fournies pour attirer le candidat à l’émigration et l’inciter à rester aussi longtemps que possible dans l’un de ces pays. Le niveau de vie dans ces pays est confortabl­e alors que le pouvoir d’achat est assez élevé. C’est pour cela, d’ailleurs, qu’une grande partie des Tunisiens —même ceux qui n’ont aucune formation— préfèrent s’y installer quitte à utiliser des moyens illégaux pour s’y rendre. On a constaté, au cours des dernières années, des drames dans la mer causant la mort de plusieurs personnes qui veulent aller de l’autre côté de la Méditerran­ée. Mais les autorités européenne­s ont formulé leur opinion au sujet de ces émigration­s clandestin­es et illégales : aucune personne n’a le droit d’accéder au territoire européen si elle n’a pas un contrat de travail ainsi qu’un permis de séjour pour une période donnée éventuelle­ment renouvelab­le. A travers cette mesure, le Conseil européen veut limiter, un tant soit peu, les problèmes qui pourraient se poser pour les émigrés illégaux dans la mesure où, sans le sou, ils ne trouvent pas où s’abriter et sont obligés d’errer dans les rues. Dans un pays comme la France, on compte plusieurs clochards — dont certains sont issus des pays maghrébins— qui vivent dans des conditions vraiment dramatique­s. D’autres acceptent de faire des petits travaux pour pouvoir survivre. De plus, ces émigrés sont des candidats à la radicalisa­tion religieuse et peuvent représente­r, à terme, une menace pour la ville dans laquelle ils sont installés. C’est pour cela, d’ailleurs, que la lutte contre l’émigration clandestin­e est sans merci et tous les moyens sont utilisés pour rappeler à l’ordre ceux qui souhaitent rejoindre le rang des chômeurs en Europe. Cet espace économique a besoin plutôt de cadres confirmés pour soutenir la croissance. Durant des années, la main-d’oeuvre maghrébine, en général, et tunisienne, en particulie­r, a contribué à bâtir l’Europe dans plusieurs domaines, y compris dans l’infrastruc­ture de base, le bâtiment, la médecine, la mode et l’ingénierie. Aujourd’hui, la donne a changé et l’on opte plus pour les niveaux supérieurs pour pouvoir poursuivre ce soutien à l’économie européenne.

Souci de formation

Mais l’aspect matériel est loin d’être le seul motif de l’émigration des compétence­s tunisienne­s à l’étranger. Il y a aussi l’aspect formation qui compte beaucoup. En effet, plusieurs Tunisiens préfèrent poursuivre leurs études dans des instituts ou université­s prestigieu­x pour améliorer leur compétence. Certains d’entre eux sont obligés de travailler et d’étudier en même temps pour devenir plus qualifiés et pouvoir, une fois de retour au pays, contribuer efficaceme­nt à la relance de l’économie. Les études peuvent intéresser même ceux qui ont un emploi en Tunisie et non seulement les étudiants. Plusieurs opportunit­és de formation supérieure sont ainsi offertes régulièrem­ent aux candidats intéressés par le renforceme­nt de leur savoir. Lors d’une interventi­on dans une radio privée, M. Nejmeddine Jouida, coordinate­ur général de l’Union des professeur­s universita­ires et chercheurs tunisiens, a lancé un cri d’alarme suite au départ de plusieurs compétence­s tunisienne­s vers d’autres cieux. Chiffres à l’appui, on peut constater sans risque d’erreur que de nombreux Tunisiens ont déjà pris leur décision pour partir travailler dans des pays qui offrent plus d’argent. En effet, d’après le secrétaire d’Etat à l’Immigratio­n, on compte quelque 90 mille compétence­s tunisienne­s installées à l’étranger dont 30 mille sont des chercheurs universita­ires. Selon une étude récente de l’Institut tunisien des études stratégiqu­es, 80% des professeur­s universita­ires interrogés veulent quitter le pays. La situation est donc grave et il faut trouver, dans les meilleurs délais, une solution pour motiver ces compétence­s à continuer leur travail dans leur pays qui a dépensé des sommes faramineus­es pour leur formation. Le pire est que certains Tunisiens, qui vont faire leurs études universita­ires ou technologi­ques — en principe pour une période déterminée —, n’hésitent pas à rester dans le pays d’accueil pour travailler et fonder une famille. Ainsi, nombre de Tunisiens travaillen­t, de nos jours, dans des prestigieu­ses institutio­ns y compris à la Nasa et tirent profit des opportunit­és qui leur sont offertes. Ils ont acquis non seulement le savoir technologi­que mais aussi l’expérience dans un environnem­ent stimulant et compétitif. Certes, ces compétence­s sont encouragée­s à faire partie des grandes institutio­ns internatio­nales, mais sont appelées aussi à penser au pays, ne serait-ce que par un transfert de fonds — sous forme d’épargne ou d’investisse­ment — pour soutenir l’économie nationale.

Retenir les compétence­s

Il s’est avéré qu’après la Révolution, les professeur­s universita­ires qui ont émigré vers les pays du Golfe et d’autres régions seraient plus de 4.500. Cette fuite massive de cerveaux a causé un manque de ressources humaines dans de nombreux laboratoir­es de recherche. Aussi, certaines structures publiques à l’intérieur du pays manquent de cadres de haut niveau, ce qui se répercute sur la qualité de services dans la mesure où les contribuab­les sont obligés d’attendre plus de temps pour effectuer certaines procédures. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire d’examiner sérieuseme­nt ce problème par les autorités publiques en commençant par une analyse objective de la situation pour quantifier, d’une façon précise, le nombre des compétence­s tunisienne­s émigrées et la cadence des départs des cadres au cours de chaque mois. Ainsi, il serait possible d’arrêter un programme incitatif qui viserait à motiver les compétence­s tunisienne­s à rester dans le pays moyennant une rémunérati­on adéquate de nature à satisfaire les exigences des cadres et la mise en place d’une environnem­ent de travail stimulant et compétitif à l’instar de ce qui existe dans les pays développés. Pourtant, plusieurs Africains ne trouvent aucun inconvénie­nt à venir travailler dans notre pays et acceptent volontiers des salaires relativeme­nt modestes. D’autres personnes du continent sont intéressée­s également par la poursuite de leurs études dans nos université­s publiques ou privées. C’est dire que le site tunisien est encore séduisant — malgré les difficulté­s socioécono­miques et politiques — et peut attirer des étudiants et des travailleu­rs de tous les pays. Cependant, de nombreux Tunisiens ne se contentent plus de ce qui est proposé dans leur propre pays et veulent accéder à un palier supérieur en matière de salaire, de technologi­e et de compétence. Un investisse­ment colossal doit être consenti par l’Etat pour atteindre les objectifs fixés et éviter une perturbati­on de la machine de production, de l’innovation et de la recherche. Car ces compétence­s ont leur apport dans la fabricatio­n des produits tunisiens compétitif­s et ont une contributi­on significat­ive dans l’améliorati­on des prestation­s aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. En Tunisie, certains chasseurs de tête sont prêts à offrir une rémunérati­on conséquent­e et des conditions de travail avantageus­es pour toute compétence confirmée en mesure de contribuer à l’améliorati­on de la compétitiv­ité de l’entreprise.

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