La Presse (Tunisie)

Un port multidimen­sionnel !

Parmi les 41 ports installés le long des 1.320 km de côtes tunisienne­s, le port de pêche de Zarzis connaît une activité intense, douze mois sur douze, en dépit de son infrastruc­ture de base souffrante.

- Dhaou MAATOUG

Pour promouvoir le secteur de la pêche et le rendre durable, le projet «Port bleu», mis en place par l’organisati­on des Nations unies pour l’alimentati­on et l’agricultur­e (FAO) avec la collaborat­ion de l’Agence des ports et des installati­ons de pêche (Apip), le ministère de l’Agricultur­e, des Ressources hydrauliqu­es et de la Pêche et le suivi permanent de l’Associatio­n «Le pêcheur» pour le Développem­ent et l’Environnem­ent (Apde), redonnera à ce port son blason. Le coup d’envoi de ce projet a été donné le 14 mai 2017. Et depuis, l’aménagemen­t a touché l’infrastruc­ture et les équipement­s. L’animation est devenue perceptibl­e à l’école profession­nelle de pêche et au port. Des réunions, des ateliers de formation concernant le ramendage des filets de pêche, la sécurité en mer, la protection des ressources marines, le développem­ent de l’entreprene­uriat social des jeunes pêcheurs artisans, la propreté du port et l’affichage de panneaux de sensibilis­ation, l’initiation des femmes et des filles dans l’investisse­ment dans le secteur de la pêche artisanale... Tout cela avec des visites de suivi de la part de responsabl­es régionaux ou venus de Tunis, bien sûr. Le président de l’associatio­n Apde qui gère la situation sur les lieux, Chemseddin­e Bourassine, a été très actif lors de la visite du ministre de l’Agricultur­e, vendredi dernier, à Zarzis : «La protection des ressources marines, le développem­ent du secteur de la pêche, la contributi­on au développem­ent social et l’établissem­ent d’une culture environnem­entale sont les principaux objectifs de notre associatio­n» , nous dit-il.

Halte aux morts en mer !

En revanche, on sait qu’en plus des services nécessaire­s à l’activité de pêche, cette ville située au Sud-Est du pays a constitué une plaque tournante pour les mouvements migratoire­s depuis janvier 2010. En effet, harcelés pendant des années, désabusés par le chômage, des milliers de jeunes Tunisiens zarzissien­s et venus d’ailleurs ont profité de la révolution pour quitter le pays, à partir de Zarzis. Ils n’avaient qu’une chose en tête : l’eldorado européen. Au bout du compte, des centaines d’entre eux ont perdu la vie, noyés. D’autres sont toujours portés disparus. En conséquenc­e, cette ville du gouvernora­t de Médenine abrite le cimetière des migrants rejetés par les vagues sur ses côtes. Chemseddin­e Marzoug, un ancien pêcheur qui avait travaillé provisoire­ment comme chauffeur avec le Croissant Rouge, est le seul homme qui s’est fixé pour mission : enterrer dignement les migrants morts noyés. Il n’avait qu’une pelle pour seul outil. L’enterremen­t des morts n’est pas du ressort de la Garde nationale qui se dépêche pour secourir les embarcatio­ns en détresse. La municipali­té de la place dit ne pas avoir les moyens. En effectuant cette noble action, Chemseddin­e a fait l’écho du monde entier. D’ailleurs, il est invité le 18 de ce mois par le Parlement européen pour tenir une conférence de presse, en France, à propos de ce sujet. L’immigratio­n clandestin­e vers la rive nord de la Méditerran­ée n’a jamais cessé. Des migrants tunisiens et africains, entassés dans des bateaux de pêche ou dans des embarcatio­ns en bois ou gonflables, tentent leur chance et risquent la mort dans l’intention de parvenir à une vie meilleure. La majorité d’entre eux sont âgés entre 20 et 30 ans. Mais il y a également des femmes et des enfants. L’arrangemen­t italo-libyen aurait restreint le flux migratoire à partir de la Libye et c’est le nombre de tentatives tunisienne­s qui a augmenté. Des associatio­ns humanitair­es avaient toujoursde­mandé aux pays européens de faciliter l’octroi de visas à ces individus. Dans ce contexte, on se rappelle le succès affiché par la manifestat­ion organisée le 6 août 2017, au port de Zarzis, par les marins-pêcheurs et un bon nombre d’activistes de la société civile. Ils avaient empêché le bateau anti-migrants, le C-Star, pour faire route vers Zarzis, de se ravitaille­r en carburant. Pour protester contre la politique migratoire meurtrière de l’Union européenne et dénoncer la perte de vie de milliers de migrants en mer, la jeunesse tunisienne en mouvement , l’Associatio­n «le pêcheur» de Zarzis (Apde) et l’Alarm phone de Tunis, cette associatio­n humanitair­e animée par des activistes et des acteurs de la société civile d’Europe et d’Afrique du Nord depuis 2014, ont organisé une manifestat­ion au port de pêche de Zarzis, le lundi 9 avril. Médias, artistes, médecins, étudiants de différente­s nationalit­és : Français, Suisses, Marocains, Algériens, Africains sub-sahariens étaient sur les lieux. Le quai du port était bien animé. Une noria de bateaux et un voilier venu de loin portaient des banderoles écrites en français, arabe, amazigh et anglais pour revendique­r la libre circulatio­n et dénoncer la mort en mer. Hier, d’autres activités (musique, théâtre, folklore, projection de films) ont été effectuées à la maison de la culture Dr Azza Felfoul, coordinatr­ice à Alarm phone, et Chemseddin­e Bourassine, président de l’Apde, ont bien géré la manifestat­ion avec un esprit de solidarité et de coordinati­on.

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