L’adieu à Si Baccar Touzani
Je ne vous parlerai pas aujourd’hui de Baccar Touzani, jeune Tunisien d’avant l’indépendance en charge d’une grande fratrie laissée à sa seule responsabilité par un père tôt disparu, qu’il porta à bout de bras sur le chemin de la vie. Ceci relève de l’intime. Je ne vous parlerai pas aujourd’hui de Baccar Touzani, brillant étudiant à l’ENA, ce creuset de l’élite française, rivalisant avec ses pairs en excellence, des compagnons qui, comme Antoine Weil ou Jérôme Monod, devinrent amis de toute une vie. Ceci relève du privé. Je ne vous parlerai pas aujourd’hui de Baccar Touzani, jeune représentant d’une Tunisie en construction à Beyrouth, centre d’un univers en ébullition, qui accompagna Bourguiba sous les jets de pierre à l’issue du fameux discours de Jericho. Ceci relève de l’Histoire Je ne vous parlerai pas aujourd’hui de Baccar Touzani, grand commis de l’Etat, haut responsable de sociétés nationales, secrétaire d’Etat, ministre. Ceci relève du politique. Je ne vous parlerai pas aujourd’hui de Baccar Touzani, secrétaire général de la Chambre de commerce franco-arabe, qui consacra vingt-huit ans de sa vie à développer, entretenir, raffermir et diversifier les relations entre la France et les vingt-quatre pays de la Ligue arabe, sans jamais oublier de mettre en avant la Tunisie. D’autre le feront mieux que moi Je vous parlerai de Si Baccar, l’ami remarquable, fidèle, attentif et discret. Celui dont la culture universelle, le talent visionnaire, l’acuité du jugement, la finesse d’esprit, l’intégrité morale et l’élégance intellectuelle servaient de repères à ses proches. Celui que l’on venait consulter, discrètement quelquefois, à la veille d’une décision, d’une prise de position, d’un choix politique. Celui dont la plume, acérée et lumineuse, a longtemps servi de cap, quand bien même il ne la signait pas et en laissait l’usufruit à d’autres. Celui que, jusqu’à la fin, diplo- mates, politiciens, économistes, journalistes, venaient solliciter pour un avis, une intervention, un contact. Celui enfin dont l’humour amical, la finesse, l’élégance, la disponibilité, l’écoute, la sagesse ne se sont jamais départis. C’est de celui là qui nous a quittés que j’avais envie de vous parler ce soir.