La Presse (Tunisie)

Quelles sont les options de Paris ?

Avec quel allié ? Quelles cibles ? Comment?

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AFP — La France, qui s’est à nouveau déclarée prête hier à une «riposte» si la «ligne rouge» avait été franchie par le régime de Damas, dispose de plusieurs options militaires pour frapper en Syrie.

Seul ou à plusieurs ?

Washington et Paris parlent d’une même voix depuis les attaques chimiques présumées de samedi contre la population de Douma. Donald Trump et Emmanuel Macron souhaitent tous deux «une réaction ferme» envers Damas, ce qui ouvre la possibilit­é d’une riposte commune. Paris est certes capable de frapper «en autonomie», mais en cas de riposte en Syrie, «cela se ferait en lien avec les Américains, sans doute», a récemment déclaré le chef d’état-major français, le général François Lecointre. En outre, «il est probable que les Britanniqu­es se joignent aux Américains et aux Français d’une manière ou d’une autre», estime Bruno Tertrais, de la Fondation pour la recherche stratégiqu­e (FRS). Paris et Washington pourraient également vouloir faire participer les pays arabes. Le ministre américain de la Défense Jim Mattis a affirmé vouloir «s’occuper du problème (...) en coopératio­n avec nos alliés et nos partenaire­s, depuis l’Otan jusqu’au Qatar».

Depuis les airs ou la mer

Parmi les scénarios possibles côté français figure l’envoi d’avions Rafale armés de missiles de croisière Scalp. La portée de ces missiles, supérieure à 250 km, permet de frapper sans que les avions n’aient à survoler la Syrie, dont le ciel est protégé par les défenses antiaérien­nes russes. Les appareils pourraient décoller de Jordanie ou des Emirats Arabes unis, pays qui accueillen­t chacun une base française. Mais Paris pourrait aussi décider de faire décoller ses Rafale de son territoire national, et organiser deux ou trois ravitaille­ments en vol. Une option qui a le mérite de la discrétion, souligne une source militaire. «En métropole, personne ne voit ce qu’on prépare». C’est l’option qu’avait choisie le président François Hollande en août 2013, après des attaques chimiques dans la Ghouta qui avaient fait plus de 1.400 morts. Mais Barack Obama avait fina- lement renoncé à lancer une opération en Syrie, forçant Paris à se raviser alors qu’une demidouzai­ne de Rafale armés se tenaient prêts à décoller de la base de Saint-Dizier (Est). Autre possibilit­é: lancer des frappes depuis une frégate multi-missions (Fremm) équipée de missiles de croisière navals (MdCN), dont la portée de plusieurs centaines de kilomètres permet de viser en profondeur des objectifs stratégiqu­es, en restant dans les eaux internatio­nales. «La France dispose en permanence d’une frégate de premier rang en Méditerran­ée orientale, dans le cadre de l’opération Chammal» au Levant, souligne l’état-major français, sans préciser quel type de bâtiment croise actuelleme­nt au large de la Syrie. Quelle que soit l’option choisie, «le principal risque, c’est la riposte sol-air», rappelle un haut gradé, en référence aux systèmes de défense antiaérien­nes et antimissil­es en Syrie. Moscou dispose en Syrie de systèmes de défense antiaérien­ne S-300 et S-400, ainsi que de dizaines de chasseurs et de bombardier­s opérant en soutien au régime. En février, un F-16 israélien a été abattu en Syrie après avoir bombardé une base militaire syrienne. Avant-hier, Russes et Syriens ont accusé Israël d’avoir de nouveau frappé cette base, mais selon Moscou, cinq des huit missiles téléguidés auraient été détruits.

Le choix des cibles

«Il est difficilem­ent imaginable qu’on se contente d’une frappe symbolique, détruire seulement une base aérienne par exemple, mais personne n’imagine que la France et les USA souhaitent aller jusqu’à une opération de changement de régime. Le curseur se situera quelque part entre les deux», estime Bruno Tertrais. Selon lui, les frappes risquent de viser «des bases et des centres de commandeme­nt, en évitant la présence russe et la présence iranienne», sous peine de risquer une escalade avec Moscou. «En cas de menace pour nos soldats, les forces militaires russes prendront des contre-mesures aussi bien contre les missiles que leurs vecteurs», a prévenu en mars le chef d’état-major des armées russes, le général Valeri Guerassimo­v, cité par le site d’informatio­ns Sputnik.

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