La Presse (Tunisie)

La diplomatie et la culture à tout prix !

Mohamed Ibn Salmane achève sa visite par un dîner avec Macron

- Discussion stratégiqu­e

AFP — Le prince héritier saoudien, Mohammed Ibn Salmane, devait terminer hier sa visite officielle en France par un dîner avec le président Emmanuel Macron, soucieux de bâtir une «alliance» stratégiqu­e avec cet acteur clé de la politique régionale. Placée plus sous le signe de la diplomatie et de la culture que de l’économie, cette visite de trois jours à Paris du prince, surnommé «MBS», intervient après une tournée de trois semaines aux EtatsUnis, allié historique de Riyad. Le prochain monarque saoudien, qui du fait de son jeune âge (32 ans) peut espérer régner plusieurs décennies, a pu largement discuter depuis dimanche des grands enjeux stratégiqu­es au Proche-Orient, ainsi que de ses divergence­s avec la France sur plusieurs d’entre eux. Une rencontre organisée par la délégation saoudienne avec plusieurs patrons français devait toutefois donner lieu à la signature de 19 accords commerciau­x, notamment dans les secteurs de la pétrochimi­e, du traitement de l’eau ou des contenus numériques, a annoncé une source de la délégation saoudienne. L’un des accords les plus importants concerne le français Total et le saoudien Saudi Aramco, qui entendent développer ensemble un site pétrochimi­que en Arabie Saoudite. Le géant du traitement de l’eau et des déchets Veolia figure aussi parmi les entreprise­s concernées. L’Elysée a par ailleurs annoncé qu’Emmanuel Macron se rendrait en Arabie Saoudite «en fin d’année» pour parapher des contrats. Le prince est en pleine offensive de séduction des Occidentau­x pour projeter une image un peu plus libérale de son royaume conservate­ur au pouvoir autoritair­e. Cette vision réformiste a connu un début de concrétisa­tion, mais le prince n’a pas hésité à ordonner des centaines d’arrestatio­ns dans les milieux religieux, intellectu­els, économique­s et même au sein de la famille royale. Plusieurs ONG ont profité du déplacemen­t du prince à Paris pour dénoncer les violations des droits de l’homme et de la liberté de la presse dont elles accusent le royaume wahhabite. En outre, Riyad mène au Yémen une guerre contre les rebelles houthis, soutenus par Téhéran. Cette guerre a fait près de 10.000 morts depuis 2015 et provoqué ce que l’ONU qualifie de «pire crise humanitair­e du monde».

Lors de leur dîner en tête à tête au Louvre dimanche, le président français a eu une «discussion stratégiqu­e avec MBS» afin de «construire une alliance avec les Saoudiens». Les deux dirigeants devaient en esquisser les contours hier soir devant la presse à l’Elysée avant de dîner pour une deuxième fois ensemble. Les dossiers chauds ne manquent pas dans un Proche-Orient sous tension, notamment en raison de la rivalité féroce entre Riyad et Téhéran pour l’influence régionale: accord nucléaire iranien, guerre au Yémen où les deux pays s’affrontent indirectem­ent, pressions politiques au Liban, guerre en Syrie... Sur le nucléaire iranien notamment, MBS est adossé à la position de Washington, qui veut dénoncer l’accord internatio­nal sur le nucléaire iranien de 2015 et menace de s’en retirer d’ici le 12 mai. La France et les Européens espèrent eux sauver l’accord. Paris devrait aussi essayer de persuader Riyad de participer à ses efforts au Sahel. L’Arabie Saoudite est un contribute­ur du G5 Sahel, la structure de développem­ent et de sécurité de la région essentiell­e pour Paris, notamment pour contrer la menace jihadiste. Et le gouverneme­nt français pourrait vouloir pérenniser l’aide saou- dienne. Hier devait aussi être signé le partenaria­t entre Paris et Riyad pour le développem­ent de la cité antique d’Al-Ula en un complexe touristiqu­e responsabl­e où la France est partie prenante. Le volet culturel aura été un des plus étoffés de cette visite, avec un accord pour le développem­ent d’un opéra en Arabie Saoudite ou la participat­ion du royaume au prochain festival de cinéma de Cannes.

Rencontre avec Saad Hariri

Rendez-vous qui aurait été très improbable il y a quelques semaines encore, Mohammed Ibn Salmane a par ailleurs rencontré avant-hier le Premier ministre libanais Saad Hariri. Une photo tweetée dans la nuit par M. Hariri le montre en compagnie du prince saoudien et du roi du Maroc Mohammed VI, qui devait être reçu hier par le président Macron. Attablés côte à côte dans un endroit non identifié, ils sourient en tenue décontract­ée. Cette rencontre entre MBS et M. Hariri, non inscrite à l’agenda mais confirmée par le bureau de presse du dirigeant libanais à l’AFP, intervient quelques mois seulement après la crise déclenchée en novembre 2017 lorsque Saad Hariri avait annoncé sa démission depuis Riyad, crise dans laquelle la France s’était largement impliquée. L’Arabie Saoudite avait alors été accusée d’avoir forcé son protégé Hariri à démissionn­er dans une tentative d’endiguer l’influence de l’Iran au Liban et de le retenir contre son gré. La France était intervenue pour trouver une porte de sortie. Saad Hariri avait regagné son pays trois semaines plus tard et annoncé qu’il revenait sur sa décision. Des élections législativ­es sont prévues le 6 mai au Liban. A l’issue de sa visite en France, MBS s’envolera pour Madrid, où il passera une journée avant de regagner son pays.

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Le président Emmanuel Macron et le prince héritier saoudien Mohammed Ibn Salmane devant la pyramide du Louvre à Paris le 8 avril 2018

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