elle n’a pas de prix, oui mais a un coût… exorbitant
«Elle n’a pas de prix oui, mais elle a un coût». Cet adage que l’on répète souvent à propos de la santé, devenue un vrai casse-tête pour les gouvernements un peu partout dans le monde, mériterait qu’on y ajoute en Tunisie le qualificatif «exorbitant». Et la crise aiguë dont souffre, actuellement, la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT) et qui a pris l’allure d’un syndrome nous incite, encore une fois, à réfléchir longuement sur le dossier «dépenses de santé» et à repenser totalement notre système de santé, l’actuel ayant fait faillite depuis belle lurette (santé à double vitesse, erreurs médicales, près de deux millions de citoyens sans couverture sociale, montée en flèche des maladies chroniques et très coûteuses, etc.) En effet, les difficultés financières de la vénérable institution publique, véritable robinet du médicament du pays, proviennent en majeure partie des dettes que plusieurs institutions publiques ont contractées auprès d’elle et qui se sont accumulées au fil des années. Sommes faramineuses (quelque 800 millions de dinars) qui ont fini par l’asphyxier, sous l’oeil indifférent des gouvernements successifs. Résultats immédiats, difficultés à importer les médicaments nécessaires et aussi certains composants de base entrant dans la fabrication locale des médicaments. Sachant que la PCT monopolise l’importation des médicaments (55% de nos besoins) et que l’Etat compense les prix de vente de ces derniers, au profit des consommateurs.
D’où l’aspect stratégique, très délicat et ô combien vital, pour le pays de ce dossier, sachant que certains aspects relatifs aux médicaments ne peuvent pas être étalés en public car du ressort du Conseil supérieur de sécurité nationale.
Oui, la santé possède la triste performance d’avoir, en Tunisie, un coût exorbitant, avec ses quatre composantes, dépenses directes, indirectes, gaspillage et manque à gagner. Sachant que la Santé est l’un des grands piliers de l’Economie n’importe où dans le monde, puisque la productivité est intimement liée à elle. Sachant aussi qu’elle est un indicateur infaillible de bien-être pour la société et de justice sociale. Le secteur de la santé se distingue d’un autre côté par les grandes opportunités d’investissement privés qu’il offre aussi bien pour tout ce qui est soins médicaux, chirurgicaux et paramédicaux, que pour la fabrication et la maintenance des équipements nécessaires à ces activités, et pour les industries pharmaceutiques et les biotechnologies d’une façon générale. Un coût exorbitant dû entre autres à un modèle de consommation alimentaire et à un autre de soins et de médicaments que l’on pourrait facilement qualifier de catastrophiques et qui restent basés sur la gestion de l’offre jamais sur celle de la demande. A cela s’ajoutera le manque d’hygiène personnelle et publique, le tabagisme, les autres drogues, et les différentes sources de pollution et de contamination dont certaines sont à l’origine de graves et de coûteuses pathologies tels que les cancers. Ce modèle pousse d’un autre côté à des dépenses de compensation, et se développe aux dépens d’autres dépenses nécessaires. Le modèle de consommation alimentaire est en train, lui, d’enfoncer le pays dans les maladies chroniques particulièrement coûteuses (directement et indirectement), tels que le diabète, les maladies cardiovasculaires, l’obésité, etc. Le modèle de consommation de soins et de médicaments et de produits pharmaceutiques se caractérise, lui, par un double gaspillage au niveau des médicaments (surdoses et doses inutilisées mais achetées) et par un recours massif à l’automédication. Pratique anarchique et ô combien nocive et généralisée qui pèse lourdement sur la facture de compensation. Ledit modèle se caractérise aussi par un usage abusif d’antibiotiques, lequel possède la triste particularité de créer une dépendance toujours plus grande à d’autres antibiotiques de plus en plus coûteux (chers et en plus importés).
A cela nous devrions ajouter la prescription d’examens qui, en réalité, ne sont pas nécessaires mais que les patients exigent auprès du praticien pour le seul besoin de se rassurer. Ces examens sont parfois coûteux tels que les scanners. Il est donc grand temps d’ouvrir sérieusement le dossier des dépenses de santé et aussi celui du système de santé en général.