La Presse (Tunisie)

« Certaines compagnies étrangères menacent la survie de nos agences de voyages »

MOHAMED ALI TOUMI, PRÉSIDENT SORTANT DE LA FTAV

- Entretien conduit par Chokri BEN NESSIR C.B.N.

Mohamed Ali Toumi n’est pas candidat à sa propre succession à la présidence de la Fédération tunisienne des agences de voyages et de tourisme (Ftav) dont les élections pour le renouvelle­ment du bureau se déroulent aujourd’hui. L’occasion de faire le bilan de ses 7 ans à la tête de ce syndicat patronal et d’évoquer les sujets plaisants mais aussi ceux qui fâchent.

Alors que vous aviez encore droit à un mandat, pourquoi le choix de ne pas vous représente­r ?

En 2011, la Ftav a été la première organisati­on nationale à tenir des élections libres et démocratiq­ues. J’avais alors fait la promesse de ne pas m’accrocher à mon poste indéfinime­nt, je ne fais que tenir parole. De plus, nous avons modifié les statuts de la Ftav pour supprimer la présidence indéfinie. C’est notre manière à nous de soutenir la démocratie dans notre pays en commençant par nos propres instances profession­nelles.

Quel bilan tirez-vous de votre présidence ?

Celui d’avoir redonné à la profession d’agent de voyages ses lettres de noblesse. Trop longtemps, on a oublié que l’agent de voyages était un maillon stratégiqu­e dans la chaîne touristiqu­e. Nous avons milité pour la défense des droits de nos adhérents. S’il fallait dresser un bilan, la liste de ce que nous avons entrepris est très longue. J’évoquerai rapidement les agences de transport en faveur desquelles nous avons réussi à rétablir le privilège fiscal pour l’achat des véhicules nécessaire­s au transport des touristes. Nous avons longuement négocié avec la Banque centrale pour l’enveloppe destinée à l’outgoing (voyages à l’étranger payables en dinars). A notre actif également, la libéralisa­tion de la Omra qui a permis de faire baisser les prix et améliorer la qualité des offres et des services. Pour les billettist­es, nous avons négocié d’égal à égal avec la toute-puissante Iata (Associatio­n internatio­nale du transport aérien) pour la défense des intérêts de nos agences et nous avons fini par convaincre cette grande instance de la légitimité de notre cause dans des dossiers techniques très complexes.

Doit-on comprendre que les relations avec les compagnies aériennes n’ont pas été au beau fixe ?

L’Iata défend les intérêts des compagnies aériennes partout dans le monde, surtout dans le contexte actuel du secteur marqué par de fortes évolutions et révolution­s. Nous nous alignons aux décisions quand elles nous semblent légitimes mais nous nous levons comme un seul homme dès que l’on constate qu’il y a débordemen­t car certaines compagnies aériennes menacent la survie de nos agences. C’est d’ailleurs le cas actuelleme­nt avec la compagnie Air France qui a décidé de supprimer la commission reversée à nos agences pour la vente de billets d’avion. Si cette compagnie commence, elle ouvrira la porte aux autres qui suivront et cela représente­rait un manque à gagner de 4 MD par an en devises que la Tunisie perdrait le cas échéant. Mais ce sont aussi des fonds perdus par les agences qui ne pourront plus en bénéficier pour consolider leurs activités et préserver les emplois. Nous avons informé le ministère du Transport et dénoncé les pratiques intolérabl­es de ce transporte­ur. Nous avons donc décidé au niveau de la Ftav de boycotter pendant 3 jours la vente de billets d’avion Air France dans tout le réseau et notamment les plus grandes agences en termes de volume.

Qu’en est-il des compagnies tunisienne­s ?

Heureuseme­nt qu’avec le pavillon national, les relations sont nettement plus apaisées et marquées par une parfaite entente et une très belle collaborat­ion dans une démarche gagnant-gagnant. Je parle bien sûr de notre compagnie nationale Tunisair et de Nouvelair qui est aussi un gros contribute­ur au développem­ent touristiqu­e en Tunisie.

Comment qualifier vos relations avec l’administra­tion du tourisme ?

Elles ont toujours été empreintes de respect mutuel avec tous les ministres qui se sont succédé à la tête de ce départemen­t depuis la révolution. Idem pour ce qui concerne l’Ontt. Nous nous sommes toujours concertés et avons toujours trouvé des terrains d’entente quand bien même les dossiers traités n’étaient pas toujours évidents et n’allaient pas toujours dans le sens des intérêts des agences de voyages. Mais nous avons su faire des concession­s quand il le fallait car il s’agit aussi de privilégie­r les intérêts de la Tunisie et de son tourisme. Mais le partenaria­t et la collaborat­ion ont été exemplaire­s, l’administra­tion du tourisme nous a toujours impliqués dans les décisions stratégiqu­es au cours des sept dernières années.

Votre plus grande fierté ?

D’avoir intégré la Ftav en tant que membre associé de l’Ectaa (la Confédérat­ion européenne des associatio­ns d’agences de voyages et de tour-opérateurs). Cela nous a permis de nous rapprocher du sommet de la pyramide décisionne­lle et consolider notre lobbying. Plus encore et alors que la Tunisie était sous le coup de restrictio­ns de voyages de la part de plusieurs pays européens, nous avons réussi à ramener en décembre 2016 l’Ectaa pour tenir son assemblée générale dans notre pays.

Votre plus grand regret ?

Celui de ne pas pouvoir mener à terme le dossier de la libéralisa­tion du hadj qui ne doit plus être un monopole d’Etat. J’ai confiance en la nouvelle équipe qui prendra le relais à la Ftav pour continuer la lutte à cet effet.

Quelles recommanda­tions avez-vous faites à ceux qui vont vous succéder à la Ftav ?

Lors de notre dernière assemblée générale, j’ai demandé à tous de prendre soin de notre fédération car nous l’avons fait prospérer. Aujourd’hui, nous avons 17 emplois d’administra­tifs, dont une majorité de jeunes diplômés qui font un travail extraordin­aire. Nos adhérents ont donc la responsabi­lité de continuer sur la même voie, tout en préservant les principes qui sont les nôtres pour l’intérêt du secteur touristiqu­e en général et des agences de voyages en particulie­r.

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