La Presse (Tunisie)

Gaza : une lutte qui scelle l’unité

- Par Raouf SEDDIK

Depuis le 30 mars dernier, les Palestinie­ns sont mobilisés à Gaza face à une armée israélienn­e qui n’hésite pas à faire usage de balles réelles contre des jeunes dont la seule menace est de jeter des pierres en direction de la ligne de séparation... Le déséquilib­re flagrant et criant entre l’action et la réaction n’est pas nouveau en cette région et dans ce conflit en particulie­r : c’est la règle! Il ne fait que nous proposer sa réédition lamentable.

On déplore désormais plus d’une trentaine de morts et des centaines de blessés, essentiell­ement parmi les jeunes palestinie­ns, dans cette opération de protestati­on de longue haleine qui comporte par ailleurs un aspect plus pacifique, avec pique-niques de familles, manifestat­ions de chants et de danses issues du patrimoine palestinie­n, rencontres... Le message est clair : les Palestinie­ns n’oublient pas ! Ils n’oublient pas la maison de leurs parents et de leurs grands-parents. Ils n’oublient pas l’injustice qui les a poussés à fuir, en laissant tout derrière eux. Ils n’oublient pas les liens qui les rattachent à leur terre, malgré la misère d’une vie qui peut toujours brouiller les esprits et suggérer des réponses désespérée­s et funestes...

Hier, comme les deux vendredis précédents, les jeunes sont de nouveau allés braver le danger. Certains l’ont payé cher. De leur sang. Et c’est sans doute cela l’actualité du moment dans le monde arabe, par-delà les gesticulat­ions guerrières de l’Occident contre le régime syrien : une mobilisati­on palestinie­nne qui dépasse les divisions politiques et stratégiqu­es entre les deux grandes familles de la résistance, le Fatah et le Hamas... Une mobilisati­on qui devrait se poursuivre jusqu’au 14 mai. Elle rappelle le «droit au retour» des Palestinie­ns sur leurs terres injustemen­t confisquée­s. Mais, dans le même temps, elle se veut commémorat­ion d’une date historique, celle de la Nakba, qui est fixée au 15 mai de chaque année depuis 1948. Et, enfin, elle se veut réponse à la décision américaine de déplacer l’ambassade US de Tel-Aviv à Jérusalem, à Al Qods, dont on a appris il n’y a pas longtemps qu’elle pourrait avoir lieu également à la mi-mai.

Dans la multiplici­té de ses messages, cette «Marche du retour» cimente une nouvelle unité dans une démarche qui fédère au-delà même des rangs palestinie­ns. C’est une initiative politique qui rompt avec le style des actions décidées dans le secret de réunions sur lesquelles plane l’autorité de chefs en mal de reconnaiss­ance. Elle mise sur l’engagement de toute la population, dont les jeunes et les femmes, et même si la confrontat­ion avec l’ennemi n’en est pas absente, elle n’en est pas l’élément le plus déterminan­t. Elle sait que la sympathie du monde et le jeu des solidarité­s au-delà des frontières sont une arme bien plus redoutable face à un adversaire qui ne cesse de perdre des points, malgré la supériorit­é de sa force brutale et le poids de ses alliances...

Demain a lieu en Arabie saoudite, dans la ville de Dhahran, un sommet de la Ligue arabe. Parmi les points qui figurent à l’ordre du jour, le soutien à l’effort du gouverneme­nt palestinie­n en vue de bloquer la tentative israélienn­e de décrocher un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. On espère également l’adoption d’une résolution officielle concernant l’avenir de la ville de Jérusalem... On attendra de voir ce qui va en sortir et on se gardera d’établir une relation directe de cause à effet entre l’opération de protestati­on à Gaza et cette mobilisati­on des chefs d’Etat arabes. Mais il n’est pas interdit de penser que si la mobilisati­on arabe sortait enfin du marasme qui fut celui de la Ligue pendant de nombreuses années, si les pays membres parvenaien­t enfin à renouer avec un pragmatism­e positif et fécond sur le plan de l’action diplomatiq­ue, cela ne serait peut-être pas étranger au changement de stratégie de la lutte côté palestinie­n : au choix de dépasser les divisions et d’impliquer largement, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il y aurait, c’est évident, une correspond­ance !

le message est clair : les Palestinie­ns n’oublient pas ! ils n’oublient pas la maison de leurs parents et de leurs grandspare­nts. ils n’oublient pas l’injustice qui les a poussés à fuir, en laissant tout derrière eux.

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