La Presse (Tunisie)

Theresa May sous le feu des critiques

«Le Royaume-Uni devrait jouer un rôle de leader dans la recherche d’un cessezle-feu dans ce conflit, et non recevoir des instructio­ns de Washington»

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AFP — Les partis d’opposition britanniqu­es, et plusieurs ONG, ont condamné hier la décision de Theresa May de mener une opération en Syrie sans consulter le Parlement, rompant avec un usage en vigueur depuis l’interventi­on en Irak en 2003, qui a laissé de profonds stigmates dans le pays. « Le Royaume- Uni devra i t jouer un rôle de leader dans la recherche d’un cessez-le-feu dans ce conflit, et non recevoir des instructio­ns de Washington», a réagi le leader de l’opposition, le travaillis­te Jeremy Corbyn. Le fondement de l’action de la Royal Air Force, qui a mobilisé quatre avions de combat pour tirer des missiles Storm Shadow, est selon M. Corbyn « légalement discutable», et la Première ministre conservatr­ice Theresa May aurait dû «chercher l’approbatio­n du Parlement». Formelleme­nt, Theresa May avait le pouvoir d’engager son pays dans une action militaire sans consulter le Parlement. Mais depuis l’engagement britanniqu­e en Irak, décidé en 2003, une pratique s’est établie, consistant à soumettre les opérations militaires à l’étranger à un vote des députés. Mme May a annoncé samedi qu’elle s’exprimerai­t lundi devant le Parlement, et a assuré que ces frappes étaient «légales», son gouverneme­nt publiant ensuite un document avalisant l’interventi­on d’un point de vue juridique. «En vertu du droit internatio­nal, le Royaume-Uni est autorisé, à titre exceptionn­el, à prendre des mesures pour soulager des souffrance­s humanitair­es écrasantes», affirme ce document. «La base légale du recours à la force est l’interventi­on humanitair­e». L’exécutif britanniqu­e assure avoir respecté trois conditions nécessaire­s dans ce contexte: urgence, absence d’alternativ­e, usage proportion­né de la force. Le Royaume- Uni reste hanté par le déploiemen­t très controvers­é de troupes en Irak en 2003, aux côtés des Américains, au motif de la présence d’armes de destructio­n massive qui n’ont jamais été trouvées.

Refus d’interventi­on en 2013

«Les bombes ne sauveront pas de vie et n’apporteron­t pas la paix», a martelé M. Corbyn, un pacifiste convaincu. Et l’interventi­on militaire rend plus hypothétiq­ue la possibilit­é de déterminer les responsabi­lités des crimes de guerre en Syrie, a- t- il dit. Dans une lettre adressée à Theresa May, le leader du Labour a plaidé pour une issue «diploma- tique» afin de «désamorcer» les tensions. Les formations d’opposition partagent largement ces critiques, ainsi que des acteurs de la société civile. «Marcher dans le sillage d’un président américain imprévisib­le ne peut remplacer un mandat de la chambre des Communes » , a tancé le leader du Parti libéral-démocrate (centre), Vince Cable, rejoint sur ce point par Stewart McDonald, un porte-parole du Parti nationalis­te écossais, troisième force politique au Parlement. « La Première ministre aurait pu et aurait dû rappeler le Parlement cette semaine», a jugé Vince Cable. Au sein du Parti conservate­ur, en revanche, les députés ont exprimé leur soutien au gouverneme­nt, Tom Tugendhat saluant par exemple la décision «juste», bien que «triste», de la Première ministre.

Appel à manifester

En 2014, puis en 2015, les députés avaient donné leur feu vert à la participat­ion à des raids de la coalition internatio­nale, menée par les États-Unis contre le groupe jihadiste État islamique en Irak et en Syrie. Le Parlement s’était cependant opposé en 2013 à une action militaire contre le régime de Bachar al-Assad. Comme l’opposition, l’organisati­on Stop the war coalition a «condamné les attaques » , estimant qu’ «elles n’apporteron­t aux Syriens rien d’autre que davantage de misère et de destructio­ns». Stop the war a appelé à des manifestat­ions samedi à travers le Royaume-Uni et à une mobilisati­on lundi devant le parlement. La Campagne pour le désarmemen­t nucléaire (CND) a exprimé son désaccord avec une décision prise «à l’encontre du droit internatio­nal» et au «mépris» de l’opinion publique. Selon un sondage YouGov réalisé auprès de 1.600 personnes, et publié jeudi, 43% des Britanniqu­es étaient contre des frappes aériennes en Syrie, et seulement 22% y étaient favorables. Theresa May ne devrait toutefois guère pâtir des critiques, estime Peter Felstead, l’éditeur du magazine spécialisé Jane’s Defence Weekly. « Attendre» une consultati­on du parlement aurait «potentiell­ement compromis l’efficacité des frappes», souligne-t-il dans une déclaratio­n à l’AFP. Pour Theresa May, cette opération était « la bonne chose à faire d’un point vue politique et opérationn­el» assure-t-il.

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