La Presse (Tunisie)

La mémoire remuée

Sur nos écrans actuelleme­nt, le premier long métrage de Habib Mestiri : «Vagues brisées» (Oueld El Akri). Une partie de notre histoire que les jeunes gagneraien­t à connaître.

- Salem TRABELSI

Pour son premier long métrage, Habib Mestiri signe un film hommage à ceux qui ont servi la patrie sous l’occupation française avec pour personnage principal Ahmed Hafiène dans le rôle de Hassouna. L’officier tunisien engagé dans l’armée française se trouve accusé par cette dernière de trahison et de transmissi­on de secrets militaires aux combattant­s tunisiens. Et Hassouna a véritablem­ent transmis ces informatio­ns aux Tunisiens pour contribuer à la libération de son pays. Il n’attend qu’une seule chose : servir sous le drapeau tunisien. «Ce film, je l’ai longtemps porté en moi. Il est dédié à tous ceux qui ont pris des risques, dans l’ombre et au quotidien, pour venir en aide au mouvement de libération nationale en Tunisie et qui ont été, par la suite, ignorés et dont le courage et la prise de risque n’ont pas été reconnus, dira le réalisateu­r. Victimes d’une injustice, blessés dans leur amour-propre, floués, ces «oubliés de l’histoire» seront, en partie, tentés par l’alcool, l’exil ou, plus grave encore, le suicide. Tandis que d’autres vont se mettre à l’affût de la moindre occasion pour se réhabilite­r et administre­r la preuve que leur patriotism­e est au-dessus de tout soupçon. Hassouna est un de ceux-là. Telle est la raison d’être de ce film, ravivée par l’actualité récente… En effet, tous les combats, passés ou présents, motivés par un idéal de liberté et de justice, se rejoignent par-delà les ans, par-delà les hommes qui les mènent, ceux qui découvrent, en dépit des dangers et des affronts, que le véritable honneur est dans la vérité…». Le film est entrecoupé d’images d’archives, celles du retour triomphant de Bourguiba, celles des rues tunisienne­s noires d’un monde qui réclame l’indépendan­ce du pays. Notons qu’ici le réalisateu­r semble avoir fait de Bourguiba un personnage historique certes mais un personnage présent-absent, laissant ainsi l’Histoire dans un statut d’arrière-fond. A travers les rencontres de Hassouna avec les autres personnage­s, le film lève le voile sur la violence et l’ingratitud­e de l’histoire et leur incidence sur les êtres humains. «Nous avons eu recours comme à l’accoutumée à des stratégies de “minimalisa­tions créatives“, poursuit le réalisateu­r, dans Vagues brisées…, nous avons voulu aller plus loin, en relatant des rencontres avec l’Histoire et en assurant l’émergence fantastiqu­e de la nation tunisienne, dans l’intimité d’un destin individuel d’un laissé-pour-compte». Dans «Vagues brisées», notons l’interpréta­tion exceptionn­elle de Ahmed Hafiène qui a su faire évoluer ce rôle à travers le film. Les deux actrices Fatma Nacer et Ivan Pantaleo ont, elles aussi, composé avec ce personnage sombre et mélancoliq­ue mais plein de fureur et de passion.

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