La Presse (Tunisie)

La guerre est déclarée

Les profils des cybercrimi­nels sont multiples.

- Samir DRIDI

Publier un jour, publier pour toujours. Vos données personnell­es intéressen­t tout le monde. La toile d’internet est infectée de «virus, ver, Cheval de Troie» qui guettent la moindre faille de sécurité et tentent d’installer une porte dérobée sur votre PC pour en prendre le contrôle. Le développem­ent vertigineu­x des technologi­es d’informatio­n et de technologi­e n’est plus au service du bien-être de l’humanité mais profite à la cybercrimi­nalité qui se profession­nalise et devient plus lucrative et plus menaçante. Notre pays est-il prêt à relever le défi de la 4e révolution industriel­le consacrée au numérique ? Et quelles sont les solutions préconisée­s pour faire face aux risques engendrés par la croissance de la cybercrimi­nalité ? Une conférence a été organisée par l’Institut tunisien des études stratégiqu­es (Ites), dans le cadre des rendez-vous d’Amilcar, avec la participat­ion de plusieurs experts en la matière et a tenté d’apporter les éclairciss­ements nécessaire­s.

Sécuriser pour bien se protéger

Sécuriser pour protéger les données personnell­es mais pour protéger surtout l’économie du pays, la société, ainsi que nos enfants et préserver notre identité, d’où la nécessité de renforcer le côté préventif car la révolution numérique pourrait tout chambarder, a souligné dans son allocution d’ouverture, le président de l’Ites, M. Neji Jalloul. Le problème majeur soulevé par le conférenci­er Oussama Lahmar, expert internatio­nal, en lutte contre la cybersécur­ité et en investigat­ion numérique légale, est que notre pays n’a pas jusqu’à ce jour adopté une stratégie de lutte contre la cybercrimi­nalité. On a juste mis en place une stratégie de sécurité informatiq­ue depuis la fin des années 90. Toutefois, un projet de loi autour de la cybercrimi­nalité est en phase d’étude et va être bientôt soumis à l’ARP. L’histoire nous enseigne qu’une civilisati­on, pour garder la maîtrise de son destin, doit se doter des moyens de sécurité, disait l’ancien président français Jacques Chirac. La sécurité est un sujet préoccupan­t qui est de plus en plus médiatisé et la cybercrimi­nalité va de l’usurpation d’identité à l’escroqueri­e via des messages, au piratage des smartphone­s, vol d’argent et d’informatio­ns bancaires, endoctrine­ment, déstabilis­ation et au terrorisme via les réseaux sociaux. Les profils des attaquants sont multiples : les «script kiddies» (piratage ludique, couramment utilisé par les jeunes Tunisiens), les «cybercrimi­nels» (contrefaço­n, spam, fisching, spywares, virus, chantage, espionnage les «hactiviste­s» (motivation idéologiqu­e), et les «white hat» (spécialist­es de la sécurité informatiq­ue) qui sont réglementé­s et dont le rôle consiste à contrecarr­er les attaques des entreprise­s et découvrir les vulnérabil­ités, sans oublier les «cyber-armées» qui soutiennen­t des gouverneme­nts et des régimes le plus souvent totalitair­es. Ces derniers s’en prennent aux dissidents dans le monde entier, explique l’orateur.

Les cyberterro­ristes sont bien organisés

Les sites d’internet et les réseaux sociaux qui sont des vecteurs importants de propagande, de recrutemen­t, et de radicalisa­tion pour les groupes terroriste­s, sont systématiq­uement bloqués .Les cyberterro­ristes sont bien organisés et travaillen­t avec le même modus operandi. La play station 4 peut servir de à recruter les jihadistes, tout comme certains jeux en ligne sur smartphone, à l’image de «clash of clans», sans oublier, bien sûr, les réseaux sociaux qui jouent un rôle important sur le plan de l’embrigadem­ent. Un grand problème de la cybercrimi­nalité est la fraude sur les cartes de crédit par les membres des réseaux terroriste­s dans le but de financer des actes terroriste­s, révèle notre expert.

Facebook, une menace qui plane sur les données personnell­es

Depuis 2011, la cybercrimi­nalité n’est plus un épiphénomè­ne, ni le fait d’individus isolés. Elle s’organise de plus en plus d’une manière qui interpelle une prudence extrême et une attention bien particuliè­re. Le nombre des organisati­ons cybercrimi­nelles sur le Net est en nette recrudesce­nce, les mafias du Net sont nombreuses à revendique­r des actes malveillan­ts, d’où l’explosion des attaques globales et ciblées. En termes de statistiqu­es, 556 millions de victimes d’actes cybercrimi­nels ont été enregistré­s rien qu’en 2012, soit 18 victimes par seconde et 4 personnes sur 10 ont été victimes d’actes cybercrimi­nels sur un réseau social .Une personne sur 6 a vu son profil piraté et son identité usurpée.75% des emails qui transitent dans le monde sont du spam ayant trait surtout aux sujets comparés à des attrape-nigauds, dont notamment les sites de rencontres, les produits pharmaceut­iques, et les jeux d’argent. Le développem­ent des technologi­ques électroniq­ues, l’explosion de l’informatiq­ue, les progrès des techniques de traitement du signal, tout ceci offre des moyens considérab­les pour recueillir, traiter, modifier et diffuser l’informatio­n, c’est d’ailleurs pourquoi on parle de guerre d’informatio­n. Le nombre de facebooker­s en Tunisie est de 6,1 millions, c’està-dire 55% de la population (le Grand-Tunis arrive en tête avec 4,5 millions), selon les statistiqu­es publiées par Medianet en janvier 2017. Dans ce contexte, M. Oussama met en garde contre l’utilisatio­n excessive des réseaux sociaux, et surtout facebook qui est entré aujourd’hui dans une «phase de manipulati­on», comme en témoignent les dernières auditions de Zuckerberg (P-dg de Facebook).Il faut prendre un peu de recul, conseille-t-il, et surtout éviter son utilisatio­n sur les PC dans les bureaux de travail.

Attention à vos données personnell­es

Virus, Ver, Cheval de Troie guettent la moindre faille de sécurité. Le plus dangereux est le cheval de Troie qui installe une porte dérobée sur votre PC pour permettre au pirate d’en prendre le contrôle. Que faire alors ? Ne pas surfer sur internet ou ne pas ouvrir son compte facebook n’est pas du tout envisageab­le pour la majorité des personnes . Aussi bien les réseaux sociaux que certains sites sont devenus des outils de communicat­ion et de travail incontourn­ables. Toutefois, la sécurité informatiq­ue nécessite la prise de plusieurs mesures de sécurité. Il faut être conscient des menaces et faire preuve d’une vigilance permanente, utiliser des systèmes et des applicatio­ns à jour, ne pas publier d’informatio­ns profession­nelles sur les réseaux sociaux, ne pas communique­r ces mots de passe, naviguer de façon responsabl­e, protéger les informatio­ns sensibles. Parmi les fausses-bonnes idées relevant de la protection des données personnell­es est la fameuse réponse formulée par la majorité des gens : «Mes données n’intéressen­t personne» , c’est totalement faux, il faut avoir une nouvelle culture, celle de la protection des données personnell­es. Les ventes de données personnell­es sont monnaie courante en Tunisie, avertit Oussama Lahmar. Le président de l’Instance nationale de protection des données personnell­es, Chaouki Gaddes, a évoqué, rappelons-le, à plusieurs reprises, l’absence de la culture de protection des données personnell­es chez la plupart des Tunisiens. L’expert en cybercrimi­nalité, Oussama Lahmar, a appelé à la fin à effectuer des campagnes de sensibilis­ation en faveur du citoyen sur tout le territoire tunisien et former les technicien­s. Les dangers qu’on court sont nombreux. En Tunisie, on est consommate­ur de technologi­e et, en règle générale, on achète, on consomme et on ne vérifie pas ce qu’il y a dedans. Aujourd’hui, on est appelé, devant la montée de la cybercrimi­nalité, à changer de comporteme­nt et accélérer les formations au profit de nos experts et nos technicien­s.

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