Routine et misère matérielle
Le départ à la retraite n’est pas une sinécure de tout repos dans les régions où, en règle générale, les personnes retraitées sont confrontées à la misère de leurs conditions matérielles et noyées dans un véritable empire marqué par la routine et l’inacti
Autant dire que pour un retraité, la vie s’arrête presque au départ immédiat à la retraite et que le marasme s’installe inévitablement après la fin des activités professionnelles et condamnant les uns et les autres à sombrer dans la routine, y compris pour les agriculteurs qui une fois l’âge de la vieillesse atteint sont parfois, voire souvent, abandonnés par leurs propres enfants également noyés, à leur tour, dans les marasmes morbides qui d’une activité professionnelle, qui d’une famille dont on n’arrive plus à assurer les charges.
Bistrot et dodo
Au Kef, à titre d’exemple, rares sont les retraités qui poursuivent une activité professionnelle après le départ à la retraite. On les voit généralement rassemblés pendant de longues heures à jouer aux cartes matin et soir et effectuant chaque jour les mêmes tâches et les mêmes trajets. L’inlassable va-et-vient entre la maison dortoir et le bistrot du jour. En dépit de la création d’une association de retraités, seules quelques activités maigres ont été organisées pour les membres de cette même association qui, il faut le reconnaître, n’a survécu que quelques années, le temps de la vie de son président. Après sa mort et le départ de certains membres vers d’autres régions pour accompagner leurs enfants, l’association a pratiquement sombré dans l’inactivité, surtout qu’elle n’a pas été reprise par d’autres retraités pour se passer le relais et assurer la pérennisation des activités qu’elle s’est assignées en faveur de ses adhérents. Ailleurs, dans les autres villes du gouvernorat, c’est pareil. Si Mohamed, un instituteur, à la retraite depuis 2002, n’a jamais quitté la ville de Sakiet où il mène une vie paisible partagée entre le café du quartier et la télévision qu’il considère comme vitale pour son diver- tissement. Noureddine, également enseignant retraité, s’est converti en boulanger-cafetier. Il a investi dans sa vie, en compagnie de sa femme au foyer, pour monter un tel projet dont il s’occupe misérablement. Il passe toute la journée au café à radoter de tout et de rien, et surtout, de politique nationale, de la cherté de la vie et des lois du travail devenues, d’après lui, coercitives pour les employeurs. Il n’a pas quitté Le Kef qu’une fois au cours des dix dernières années. C’était en mars dernier quand il s’est rendu à la capitale pour subir une intervention chirurgicale de la cataracte, nous confie-til, l’air un peu chagriné par l’idée qu’il va être contraint de se rendre au début du mois de mai prochain chez son ophtalmologue pour subir une seconde intervention du même genre sur l’autre oeil. Il est tout de même satisfait des prouesses de son médecin qui a réussi à lui rendre, dit-il, une vue parfaite. Mais le topo n’est guère reluisant pour d’autres retraités qui voient, dans ce 3e âge, un moment de répit pour se consacrer à la piété et «retourner à Dieu» comme ils ont tendance à le répéter à chaque fois que quelqu’un aborde avec eux les choses de la vie. On parle du côté de chez eux rarement de loisirs, de divertissement ou d’activités physiques réussies. Pour Am Salem, un septuagénaire qui a longtemps roulé sa bosse dans les services vétérinaires du commissariat régional au développement agricole, la marche est une rigueur journalière jugée salvatrice pour garder la forme. Il s’est rendu six fois en Arabie saoudite, cinq fois pour accomplir le rituel de la Omra et une fois en compagnie de son épouse, une femme au foyer, pour s’acquitter du devoir du pèlerinage. Il vient tout juste de rentrer des Lieux saints après sa 5e omra. Dans sa jeunesse et même au-delà, il explique qu’il a passé des moments inoubliables dans l’exaltation de son moi et à picoler un peu. Aujourd’hui, il se voit sur le chemin de la droiture. Mais il ne manque pas de se rendre en Algérie très souvent pour faire des emplettes. «Là-bas, c’est moins cher que chez nous», avoue-t-il, l’un air un peu jovial, «le carburant, les huiles, les pièces de rechange et même certains produits ménagers comme les lave-vaisselle sont beaucoup moins chers qu’en Tunisie. Mais au fait les chemins de la vie se ressemblent pour les retraités, car rarement on les entend évoquer les questions de voyage, de loisir ou de divertissement, cela représente pour beaucoup d’entre eux des choses du passé, ce passé sur lequel on passe le reste de la vie à raconter un exploit de jeunesse, qui des réussites professionnelles ou encore des aventures amoureuses rocambolesques, ce qui est certain c’est que l’âge de la retraite n’est pas de tout repos pour les habitants des régions de l’intérieur pour lesquels le changement de mode de vie et l’inactivité deviennent une source d’inquiétude et de misère, surtout avec la dégradation de leur condition matérielle et de leur état de santé qui font rappeler à tout un chacun le fameux proverbe «si vieillesse pouvait»…
Les chemins de la vie se ressemblent pour les retraités, car rarement on les entend évoquer les questions de voyage, de loisir ou de divertissement, cela représente pour beaucoup d’entre eux des choses du passé, ce passé sur lequel on passe le reste de la vie à raconter un exploit de jeunesse