Représentants du peuple, dites-vous!
Qui de la classe politique ou de la classe sociale ne s’exprime pas aujourd’hui au nom du peuple ? Qui desdites classes ne s’érige pas en défenseur des intérêts du pays? S’il en était ainsi, l’on ne se trouverait pas confronté à des crises sans fin allant précisément à l’encontre des intérêts de ce pays et de ce peuple qu’on est censé défendre et représenter. A l’évidence, seuls le chef de l’Etat et les députés représentent le peuple qui les a élus librement; les autres, organisations et associations de toutes tendances, représentent uniquement leurs adhérents, lesquels doivent se fondre dans la masse des électeurs. On ne saurait ainsi représenter l’ensemble du peuple par le biais de ses seuls adhérents, c’est là une approche mathématique bien claire qu’il convient d’assimiler une fois pour toutes. D’éminentes organisations nationales ont bien rempli cette noble mission de défendre les intérêts du pays et du peuple à l’époque coloniale. Aujourd’hui, les données ont changé et nul ne peut agir au-delà de ses limites. La légitimité historique n’appartient qu’au président Bourguiba, les autres doivent la rechercher à travers les urnes. Mais, tenons-nous à ces urnes qui ont octroyé la légitimité à une sélection de députés investis du pouvoir de doter le pays de lois répondant aux aspirations des citoyens et de contrôler le bon fonctionnement des rouages de l’Etat. Malheureusement, on constate de plus en plus que ces représentants dits du peuple n’honorent plus leur noble mission; on n’en veut pour preuve que le triste spectacle dont ils nous ont gratifiés le samedi 24 et le lundi 26 mars derniers à l’occasion de la séance plénière consacrée à la prorogation du mandat de l’Instance vérité et dignité. Le peuple a assisté perplexe à une démonstration de force de la part de son élite où l’insulte, les accusations et le pugilat se sont associés pour instaurer le chaos au sein de l’hémicycle. Au nom du peuple, les blocs opposés soutiennent la justice transitionnelle, mais les uns sont pour la prorogation du mandat de l’IVD alors que les autres conditionnent cette prorogation à la démission préalable de sa présidente. Encore au nom du peuple, les camps opposés soutiennent la justice transitionnelle, mais l’un d’eux estime que seule l’IVD est compétente pour décider de la prorogation de son mandat et va jusqu’à invoquer l’illégalité de la plénière faute de quorum en dépit de la présence effective d’une majorité de députés. Il s’agit là d’une innovation inédite qui consiste à faire état d’une présence physique, à participer aux débats tout en étant absent...juridiquement ! Les initiateurs des procédures parlementaires dans les pays civilisés devraient s’inspirer de ce pur produit tunisien. On dénie même au Tribunal administratif le pouvoir de reconnaître à l’Assemblée la compétence d’avoir un droit de regard sur la prorogation décidée par l’IVD. Tout cela au nom du peuple. Celui-ci n’a nullement autorisé que le député insulte son collègue, encore moins de menacer le président de l’Assemblée voire lui porter des accusations qui se sont avérées infondées de l’aveu de la présidente de l’IVD elle-même. Le peuple n’a pas autorisé non plus que le député se transforme en kamikaze pour imposer son point de vue. Triste fin de parcours que ce malheureux peuple voulait démocratique mais qui l’aurait conduit en fin de compte au terrorisme par le biais de ses élus. Il faut espérer qu’il tire la leçon de sa dernière expérience électorale pour prendre soin que la prochaine Assemblée ne soit pas une assemblée des représentants des dupes.