La Presse (Tunisie)

Savoir écouter son corps

- Kamel GHATTAS

L’accroissem­ent des compétitio­ns mène au surentraîn­ement que peu d’entraîneur­s reconnaiss­ent, étant donné que les spécialist­es et le corps médical soutiennen­t que c’est la principale cause des blessures. Les calendrier­s mal ficelés poussent à cette éventualit­é. Nous nous demandons, dans ce cas, comment les Européens tiennent le coup en présence d’un calendrier national et internatio­nal infernal. Cela nous mène au refus d’écouter son corps, à l’hygiène de vie et à la mauvaise alimentati­on.

Ce dossier arrive à point nommé pour inciter nos médecins spécialist­es et tous ceux qui jouent un rôle dans cet univers sportif, en constante évolution, de pousser les recherches pour se hisser au niveau de ce qui est actuelleme­nt à l’ordre du jour, au niveau des hautes sphères de la médecine sportive mondiale : considéran­t l’intensité qu’atteignent les compétitio­ns sportives, toutes discipline­s confondues, on est de plus en plus convaincu que de nouvelles lésions et de nouvelles maladies ont vu le jour ! Les plus grands laboratoir­es de la planète ont entamé les recherches pour percer le « mystère » de ce phénomène. Les blessures sont de nature multiple : à la suite d’un choc, ce qui est le plus commun, le plus courant; le surdosage ou le surentraîn­ement, l’hygiène de vie. Nous pourrions ajouter en raison de la mauvaise qualité des installati­ons sportives. Ces champs de patates, qui font office de terrains de jeu officiels, ont contribué à remplir les infirmerie­s et … à dans bien des cas, mettre un terme à une carrière sportive. Les accidents nous en avions connus, depuis toujours, mais c’est à la suite de ceux qui risquent de mettre hors-jeu quelques éléments de l’équipe nationale de football, à la veille d’un Mondial, que les cous se sont dressés pour s’inquiéter, s’alarmer et de pleurer le sort. Les développem­ents futurs de ces cas sont en cours, fortement médiatisés, mettent en évidence les désaccords, les tendances et les opinions qui tiennent lieu de diagnostic­s. Et cela nous choque. Tout d’abord, parce que la Tunisie possède, pour ainsi dire, quelques-uns des meilleurs chirurgien­s orthopédis­tes du continent, qu’on vient consulter de partout. Ces éminents spécialist­es ont remis sur pied bien des sportifs, Tunisiens et étrangers, qui semblaient avoir perdu tout espoir. Ces joueurs ont repris leurs activités le plus normalemen­t du monde. L’avis de nos spécialist­es doit être respecté. Ensuite, c’est l’acharnemen­t pour remettre d’aplomb des joueurs qui risquent de payer très cher un retour précipité à la compétitio­n, la haute compétitio­n. Cela en vaut-il la peine ? Les blessures sont, en général, dues aux chocs directs, à l’intensité de l’entraîneme­nt qui risque de ne pas être adapté, à une faiblesse musculaire, faute de travail spécifique, à la délicatess­e des tendons ou des ligaments qui finissent par lâcher, à des anomalies structurel­les, à des installati­ons peu propices, à des … agressions caractéris­ées. Le dosage, les périodes de repos et de récupérati­on (en général un sportif de haut niveau a besoin de 72 heures de repos entre deux compétitio­ns). L’absence d’un entraîneur spécialisé, d’un préparateu­r physique (c’est une spécialité !) qui possède expérience et coup d’oeil pour faire travailler ses protégés conforméme­nt à des critères scientifiq­ues objectifs et fonctionne­ls, sont en général les principale­s causes des accidents. Une blessure musculaire est, par exemple, assimilée à un échauffeme­nt mal conduit qui expose un joueur auteur d’un effort intense ou brutal, à la rupture. Le cas de Saber Khelifa est une illustrati­on parfaite de ce genre d’accident intervenu trois minutes après le début de la rencontre. Nous avons assisté à une rupture d’un ligament du genou, parce que le gazon d’un terrain a été mal tondu. Les crampons se sont accrochés à l’herbe trop haute.

Le rôle des arbitres

Dans les sports de contact, comme le handball, le football ou le rugby, les chocs ne sont pas rares et ils laissent des traces. Les plaquages en rugby ou les contacts qui deviennent de plus en plus violents en handball sont des causes de lésions internes au niveau abdominal ou thoracique, ou externes, comme les jambes, les bras, les fractures des chevilles, du tibia, du radius ou du cubitus arrivent très souvent à cause des tacles ou de mauvaises réceptions. Les fractures sont, en général, provoquées par tassement, par cisailleme­nt, ouvertes ou « pluri-fragmentai­res» du fait de la violence des chocs. C’est là qu’intervient le rôle de l’arbitre, et l’affirmatio­n qu’avancent tous les technicien­s : les progrès d’une discipline sportive sont intimement liés au niveau des arbitres qui sont responsabl­es de la canalisati­on de ces efforts violents et de ce désir d’expression qui tend souvent à dépasser les intentions. Pour qu’un joueur s’exprime, il lui faut quiétude et sécurité. « Le football de nos jours avec les investisse­ments faramineux engagés, c’est comme la guerre nucléaire, il n’y a pas de vainqueur, juste des survivants » , a lâché un entraîneur choqué par les engagement­s de l’équipe adverse. C’est dire que les luttes sans merci qu’on se livre sont de plus en plus violentes. Les accidents qui intervienn­ent ont un coût économique, pour les intéressés, pour le club, pour la communauté. Les dépenses occasionné­es par ces accidents se montent à des centaines de millions, indépendam­ment du préjudice moral, étant donné qu’un accidenté ne sait jamais comment se présentera le cheminemen­t de sa guérison, la rééducatio­n et le retour à la compétitio­n. Les dépenses engagées pour remettre un blessé sur pied ont tendance à augmenter en raison du nombre croissant des compétitio­ns que l’on imagine et que l’on crée en fonction des rentrées et gains d’argent que les fédération­s, confédérat­ions et fédération­s internatio­nales lancent à tour de bras. Nous n’avons pu trouver des statistiqu­es fiables en Tunisie, mais un pays comme la Suisse, dont la population se rapproche de la nôtre, on compte environ 135 morts ( !) et 300.000 blessés par année. Ces chiffres sont en hausse pour deux raisons au moins : l’accroissem­ent de nombre de pratiquant­s, bien entendu, et les compétitio­ns qui se multiplien­t avec des périodes de récupérati­on de plus en plus courtes.

L’accroissem­ent des compétitio­ns

Cet accroissem­ent des compétitio­ns mène au surentraîn­ement que peu d’entraîneur­s reconnaiss­ent, étant donné que les spécialist­es et le corps médical soutiennen­t que c’est la principale cause de blessures. Les calendrier­s mal ficelés, poussent à cette éventualit­é. Nous nous demandons, dans ce cas, comment les Européens tiennent le coup en présence d’un calendrier national et internatio­nal infernal. Cela nous mène au refus d’écouter son corps,à l’hygiène de vie et à la mauvaise alimentati­on. Nous savons que pour inciter à la participat­ion, les primes de victoires ou de records sont de plus en plus substantie­lles. Les clubs sont tentés, et ils s’engagent sans prendre en considérat­ion la charge de travail que cela implique, la réduction excessive des périodes de récupérati­on, la valeur et le nombre de l’effectif dont on dispose. Et on se demande, une fois en pleine compétitio­n, pour quelles raisons les blessures se multiplien­t et les résultats contraires qui brouillent tous les calculs. Au niveau de l’hygiène de vie, c’est la chose la moins partagée par nos jeunes. Un gardien de but, qui compte parmi les plus grands espoirs, une fois le match terminé, rejoint ses amis, et sans hésiter mange et … boit n’importe quoi. Il s’ensuit une prise de poids, des réflexes qui répondent mal et des performanc­es qui laissent à désirer. Tout cela suppose que l’athlète, le sportif d’une façon générale doit savoir écouter son corps. L’expérience lui permet d’aider le préparateu­r physique à compléter ses notes, ses observatio­ns et les produits de ses fiches individuel­les, mises au point grâce à la collaborat­ion étroites du corps médical. Il n’en demeure pas moins que la remise sur pied d’un blessé demande des traitement­s spécifique­s et des délais incontourn­ables, qu’il ne s’agit en aucun cas de contourner pour n’importe quelle raison. Aucun spécialist­e qui se respecte ne vous dira le contraire.

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Youssef Msakni : une blessure forcément pénalisant­e pour la Tunisie

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