Inodore, incolore et sans saveur
En l’absence d’un Code des collectivités locales définitivement adopté, qui détermine clairement le rôle des conseils municipaux, la campagne électorale n’oppose pas des programmes mais des personnes. Si bien que faute d’un référentiel pour évaluer le con
Alors que le processus de vote du Code des collectivités locales piétine à l’Assemblée des représentants du peuple, les 2.074 listes ont malgré tout entamé, conformément à la loi, leur campagne électorale à partir de samedi dernier. Jusqu’à présent, les observateurs regrettent le manque de fond et de programmes concrets pour les communes. Pour le moment, la campagne s’apparente plus à de l’exhibition dans les rues et les ruelles. Ici un tournoi de foot organisé par Ennahdha, làbas, un concert folklorique en pleine rue improvisé par Nida Tounès, et entre les deux, une liste indépendante qui essaie de se donner de la contenance en nettoyant un petit jardin public délaissé depuis des années.
Alors que le processus de vote du Code des collectivités locales piétine à l’Assemblée des représentants du peuple, les 2.074 listes ont malgré tout entamé, conformément à la loi, leur campagne électorale à partir de samedi dernier. Jusqu’à présent, les observateurs regrettent le manque de fond et de programmes concrets pour les communes. Pour le moment, la campagne s’apparente plus à de l’exhibition dans les rues et les ruelles. Ici un tournoi de foot organisé par Ennahdha, làbas, un concert folklorique en pleine rue improvisé par Nidaa Tounes, et entre les deux, une liste indépendante qui essaie de se donner de la contenance en nettoyant un petit jardin public délaissé depuis des années. Expert en communication politique, Amor Ben Amor écrit : « En ces premiers jours de campagne électorale pour les municipales, je note un usage très rudimentaire de Facebook. Ce qui est affiché sur les murs de la ville est pratiquement cloné et remis tel quel sur les murs de Facebook. Où sont les programmes ? Les priorités de chaque commune ? Facebook n’est pas uniquement un lieu où l’on marque sa présence, il faut qu’il y ait une dimension pédagogique dans la relation entre candidats et électeurs». Sceptiques, les citoyens sont tiraillés entre le devoir d’aller voter, parce que des gens sont là pour cela, et la médiocrité de l’offre politique. Selma, jeune électrice et candidate de 23 ans, nous a confié qu’elle allait voter «blanc». Oui une candidate qui votera «blanc».
Candidats arnaqués
Profitant de son inexpérience politique, on lui a proposé d’intégrer une «liste indépendante», mais ce n’est qu’après avoir signé et donné son accord, qu’elle se rend compte qu’elle a été littéralement flouée. En effet, une liste partisane a dû mentir, pour parvenir à réunir des candidats en respectant les critères liés à l’âge et au genre. Dans les régions frontalières, le journaliste Mohamed Salah Laâbidi nous signale l’implication suspecte de certains contrebandiers notoires dans le financement de campagnes municipales. «Ces criminels qui veulent avoir un point d’appui dans les conseils municipaux». Des craintes que le journal La Presse a soulevées il y a plusieurs semaines à propos du risque d’une «décentralisation de la corruption». D’un autre côté, la présidente de l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (Atide), Leïla Cheraibi a déclaré que, dès le premier jour de campagne, plusieurs affiches de campagne ont été déchirées, alors qu’elles étaient collées dans les endroits prévus à cet effet.
Vote blanc et un aéroport international dans une commune
Mais ce qui inquiète surtout les organisations de la société civile, c’est l’absence d’un référentiel pour évaluer le contenu des promesses électorales. Entre la loi de 1975 qui menotte l’action du conseil municipal et le projet de CCL (pas encore voté) qui donne de larges prérogatives au conseil, les électeurs sont perdus. Dans une municipalité de la région du Kef, un candidat a même promis de bâtir un aéroport international dans sa commune. «Cela n’a aucun sens de débuter une campagne électorale sans que l’électeur sache à l’avance, et de manière définitive les règles du jeu, nous explique Selim Kharrat, président de l’association Al Bawsala. L’électeur est en droit de connaître, avant de voter, les prérogatives du conseil municipal et le rôle de l’élu local». Samedi, l’ONG a publié un communiqué dans lequel elle dénonce la lenteur des travaux à l’assemblée où 66% du texte n’a pas été voté. Chiffres à l’appui, elle démontre le peu d’intérêt que les groupes parle- mentaires accordent au projet. En moyenne, l’hémicycle ne compte que 117 députés présents (sur 217), les plénières démarrent généralement plus de deux heures après le rendez-vous fixé. Au palmarès des groupes les moins disciplinés, on trouve Nida Tounès (48% des absences), le Front Populaire (40% des absences), Machrou Tounès (38% des absences), l’UPL (37% des absences), le Groupe démocratique (25% des absences) et Ennahdha (21% des absences). Bien évidemment, ce sont les absences des groupes majoritaires qui se font le plus sentir. « Il y a aujourd’hui un risque réel, alerte Selim Kharrat. C’est celui de reporter le vote final après les élections. Et là, certains partis pourraient jouer les mauvais perdants et freiner le projet». D’après le ministre de l’Environnement et des Affaires locales, Riadh Mouakher, 60% du projet fait l’objet d’un consensus. La grande majorité des articles seront vraisemblablement votés tels quels. Hier, la commission des consensus a poursuivi ses travaux. Aujourd’hui, le Parlement devrait continuer à voter le texte, à moins que, comme la semaine dernière, le quorum (109 députés) ne soit pas atteint.