La Presse (Tunisie)

Crispation­s internatio­nales

Les enquêteurs de l’Oiac n’ont toujours pas eu accès à Douma

- Synthèse d’après l’AFP

Les enquêteurs de l’Oiac n’ont toujours pas eu accès à Douma.

AFP — L’équipe de l’Organisati­on internatio­nale pour l’interdicti­on des armes chimiques (Oiac) n’avait toujours pas pu entrer hier dans la ville syrienne de Douma pour y enquêter sur l’attaque au gaz présumée du 7 avril, le régime syrien et la Russie invoquant des «problèmes de sécurité». La mission de l’Oiac «n’a pas encore été déployée à Douma», a annoncé hier à La Haye le directeur de l’organisati­on, Ahmet Uzumcu, lors d’une réunion d’urgence des Etats membres du conseil exécutif. La Syrie et la Russie ont invoqué des «problèmes de sécurité», a-t-il ajouté. Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a nié toute mauvaise volonté, qualifiant les informatio­ns faisant état d’une «entrave» aux inspecteur­s de l’Oiac de «sans fondement» et soulignant que la Russie était dès le début «pour une enquête impartiale».

L’UE veut relancer le processus politique après les frappes Les ministres des Affaires étrangères de l’UE, réunis hier à Luxembourg, ont appuyé «tous les efforts» pour empêcher la Syrie de recourir à des armes chimiques, tout en appelant à relancer le processus politique pour mettre fin au conflit, après les frappes des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni. «Le Conseil estime que les frappes aériennes ciblées ont constitué des mesures spécifique­s prises dans le seul but d’empêcher le régime syrien d’utiliser à nouveau des armes chimiques et des substances chimiques comme armes pour tuer des Syriens», indiquent les conclusion­s de la réunion. «Le Conseil soutient tous les efforts destinés à prévenir le recours aux armes chimiques», est-il souligné. Le chef de la diplomatie française JeanYves le Drian s’est félicité de ces conclusion­s. «L’UE et les Etats membres nous ont soutenu dans cette volonté de prévenir et de dissuader toute utilisatio­n de l’arme chimiques. L’UE est donc unie», a-t-il affirmé avant de quitter la réunion. Pour le chef de la diplomatie du Luxembourg Jean Asselborn, les frappes occidental­es de samedi sur la Syrie sont «une opération unique et elle doit le demeurer». «Le but de ces frappes a été de montrer qu’il y une ligne rouge qu’il ne faut pas dépasser», a expliqué son homologue belge Didier Reynders. «Nous soulignons que l’élan de la situation actuelle doit être utilisé pour revigorer le processus visant à trouver une solution politique au conflit syrien», ont insisté les 28 dans leur déclaratio­n. Ce qui ne peut se faire sans Moscou. «Sans la Russie, il est impossible de résoudre ce conflit», a reconnu le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas. Le mot d’ordre est éviter une «escalade» militaire dans la région, a-t-il insisté.

Dialoguer avec Moscou et «rester unie»

«Nous devons reprendre le chemin d’un dialogue politique sur la Syrie avec la Russie et l’Iran (les deux soutiens du régime syrien)», a renchéri Didier Reynders. M. Le Drian n’a donné aucune indication sur les moyens de reprendre ce dialogue avec Moscou après les frappes. A La Haye, les ambassadeu­rs de Russie, du Royaume-Uni et de France se sont rendus hier au siège de l’Organisati­on pour l’interdicti­on des armes chimiques (Oiac) pour une réunion d’urgence consacrée à la Syrie, après l’attaque chimique présumée du 7 avril contre le fief rebelle de Douma, qui a entraîné les frappes occidental­es ciblées de samedi. La priorité est de permettre à l’Oiac «d’achever le démantèlem­ent du programme» chimique syrien, a insisté la France. Tous les Etats membres en conviennen­t: l’utilisatio­n d’armes chimiques — dont est accusé le régime syrien — le 7 avril à Douma, près de Damas, est inacceptab­le et ne devait pas rester impunie. Mais les 28 étaient divisés quant à l’option militaire. A un bout de l’échiquier: la France et le Royaume-Uni. A l’autre: les neutres. Entre les deux: les membres de l’Otan, dont beaucoup sont partagés sur les frappes. «La déclaratio­n des 28 est le maximum qui pouvait être dit», a-t-on insisté de source diplomatiq­ue. Nombre de gouverneme­nts européens sont contrariés car ils craignent la réaction de Vladimir Poutine, soutien du président syrien Bachar Al-Assad. La veille des frappes, le président russe avait mis en garde contre tout acte «irréfléchi et dangereux en Syrie» qui pourrait avoir des «conséquenc­es imprévisib­les». «Il faut que l’Union européenne reste unie. Il faut éviter que chaque pays puisse mener une politique autonome vis-à-vis de Moscou. C’est important pour que l’UE existe», avait alors plaidé un responsabl­e européen sous le couvert de l’anonymat. Moscou tire avantage des divisions au sein de l’Union européenne. Les réactions après l’empoisonne­ment au Royaume-Uni de l’ancien agent double russe Sergueï Skripal — attribué par Londres à la Russie — l’ont démontré. «Tout le monde a fait le même constat. Tout le monde a eu la même lecture des faits, mais tout le monde n’a pas répondu de la même façon», souligne une source diplomatiq­ue européenne. Au total, 19 pays membres de l’UE ont expulsé des diplomates russes de leur territoire, cinq ont simplement rappelé leur ambassadeu­r pour consultati­ons et trois n’ont pas bougé (Autriche, Chypre, Grèce). Et il aura fallu beaucoup de persuasion pour convaincre les 28 d’incriminer Moscou.

Travail d’enquête compliqué

La tension internatio­nale ne faiblit pas après les frappes de représaill­es menées samedi par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni contre des sites militaires du régime de Bachar Al-Assad, à la suite de l’attaque chimique présumée du 7 avril dans la ville alors rebelle de Douma, dans la Ghouta, aux portes de Damas. Les frappes occidental­es, d’une ampleur inédite, sont intervenue­s malgré la présence en Syrie des enquêteurs de l’Oiac qui ont débuté avant-hier leur mission dans le plus grand secret. Ces experts ont pour mandat d’enquêter sur l’utilisatio­n éventuelle d’armes chimiques, mais pas d’en identifier les auteurs. Leur travail s’annonce compliqué, plus d’une semaine après les faits, dans une zone passée depuis sous le contrôle du régime syrien et de la police militaire russe. Les derniers combattant­s rebelles de Douma ont quitté samedi la ville en ruine dans le cadre d’un accord de reddition signé le 9 avril, deux jours après l’attaque présumée. Les Etats-Unis soupçonnen­t par ailleurs la Russie d’avoir manipulé le site de Douma pour empêcher la découverte de preuves. «Les Russes pourraient avoir visité le site de l’attaque. Nous craignons qu’ils ne l’aient altéré dans l’intention de contrecarr­er les efforts de la mission de l’Oiac pour mener une enquête efficace», a déclaré l’ambassadeu­r américain auprès de l’organisati­on, Ken Ward. «Cela soulève de sérieuses questions sur la capacité de la mission d’enquête de faire son travail», a-t-il ajouté. Moscou, grand allié de Damas, s’est engagé hier à «ne pas s’ingérer» dans le travail de la mission de l’Oiac, officielle­ment invitée par les autorités de Damas. Le régime syrien nie que des armes chimiques aient été employées dans le drame de Douma, qui a fait au moins 40 morts et des centaines de blessés, selon les secouriste­s.

«Demander des comptes»

Le Royaume-Uni a quant à lui exhorté l’Oiac à «demander des comptes aux auteurs de l’attaque», sans quoi le monde risquerait «d’autres utilisatio­ns barbares d’armes chimiques, en Syrie et ailleurs». «Le régime syrien a une réputation odieuse d’utiliser des armes chimiques contre son propre peuple», a déclaré l’ambassadeu­r britanniqu­e à La Haye Peter Wilson, appelant les Etats membres de l’Oiac à prendre leurs «responsabi­lités». «Ne pas agir pour demander des comptes aux auteurs ne fera que créer le risque d’autres utilisatio­ns barbares d’armes chimiques, en Syrie et ailleurs», a poursuivi M. Wilson. Dans la capitale syrienne, fief du régime, des milliers de personnes ont envahi hier la place des Omeyyades, fermée à la circulatio­n pour l’occasion, brandissan­t drapeaux syriens et portraits du président Assad pour dénoncer les frappes occidental­es. Désormais, la priorité est le démantèlem­ent total du programme chimique syrien, a déclaré l’ambassadeu­r français à La Haye, Philippe Lalliot. «Les faits sont là et têtus. Ils résistent aux mensonges les plus grossiers et aux dénégation­s les plus absurdes», a-t-il lâché, ajoutant qu’il n’y avait plus de doutes: «la Syrie a conservé un programme chimique clandestin depuis 2013». Cette année-là, après l’attaque au gaz sarin de la Ghouta, qui déjà avait fait plusieurs centaines de morts, le régime de Bachar Al-Assad avait fini par rejoindre l’Oiac sous la pression internatio­nale, et pris l’engagement formel de déclarer tous ses stocks et de ne plus jamais utiliser d’armes chimiques. Par ailleurs, Américains, Français et Britanniqu­es ont présenté à l’ONU un nouveau projet de résolution sur la Syrie. Une première réunion, au niveau des experts des quinze pays membres du Conseil de sécurité, était prévue hier à partir de 18h30 GMT. «Le but de cette résolution est clair: relancer une action collective pour le Conseil de sécurité sur le dossier chimique, pour protéger la population civile et travailler sur un règlement politique de la crise syrienne», a expliqué l’ambassadeu­r français à l’ONU, François Delattre.

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La police militaire russe patrouilla­it dans la ville de Douma, hier

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