Quand le football décloisonnait les quartiers
Il existe une relation de cause à effet entre la structure rituelle du spectacle footballistique et la manière dont est meublé l’espace urbain. Loin de ses caprices de stars, le ballon rond générait en Tunisie un élan de socialisation au coeur des cités. Rassemblant différents acteurs et intervenants des zones urbaines sensibles. En ce temps-là, le football, spectacle ritualisé, s’affirmait comme l’une des pratiques de la culture de masse naissante. Il était un puissant vecteur identitaire et occupait une place de premier ordre. La rue et les coins de rue étaient littéralement l’endroit investi par le football et les jeunes qui s’y intéressent. Cela favorisait la naissance de nouvelles convivialités et en constituait la principale animation. Ce phénomène était aussi marqué par le développement d’univers symboliques propres à chaque quartier auquel le football et les sentiments d’appartenance qu’il générait contribuaient de manière décisive. Le football était au cours de ces années-là un spectacle très spécial. L’adhésion publique était inconditionnelle au moment où la structure institutionnelle n’était pas encore totalement mercantile. Le quartier représentait un théâtre offrant la possibilité de participer activement et de manifester sa présence de manière visible. C’est dans ces quartiers que naissaient les grands joueurs de demain. C’est là où ils avaient appris les abécédaires d’une passion nommée football. C’est là aussi où les génies étaient détectés, mais aussi scellés par l’aspect émotionnel qui tissait des liens constituant la base de la construction de l’identité collective. Il se popularise dans et les jeunes apprennent rapidement ce que rivalité et supporter veulent dire. Vint ensuite le temps de l’urbanisation qui avait eu pour effet de sacraliser l’aire de jeu. L’hébergement d’un nouveau mode de vie a fini par introduire la ségrégation sociale et par diviser les quartiers. Au cours de ce processus de rénovation urbaine, le football de quartier a tenté de se frayer un chemin dans la ville. Sa pratique liée à des espaces vastes et ouverts aux quartiers surpeuplés devenait cependant de plus en plus difficile. Sport populaire, le football a fini par intégrer une sphère et une catégorie sociale auxquelles il lui devenait difficile de s’identifier. Il s’est rangé ainsi du côté des …riches. Une déformation de plus en plus à la mode parmi ceux des milieux huppés. Il est facile aujourd’hui de spéculer sur la valeur éducative et l’exemplarité du football et de ses acteurs. Nous sommes en effet dans l’obligation de constater, et par conséquent d’affirmer, que le fossé qui sépare la pratique de la réalité est évident. L’authenticité et la conformité du football n’ont jamais été aussi compromises, pour ne pas dire bafouées. S’il est à présent définitivement intégré dans la sphère économique et matérielle, il est de plus en plus soumis à tous les aléas et les contraintes qui en découlent et qui prennent même une plus grande forme de débordement. Que nous reste-t-il pour continuer à vivre les valeurs que l’on a toujours attendu du football de quartier ? Effort collectif ou individuel, respect des règles, intérêt supérieur, convivialité ? Il n’y a plus rien, ou presque, de tout cela.
Au cours de ce processus de rénovation urbaine, le football de quartier a tenté de se frayer un chemin dans la ville. Sa pratique liée à des espaces vastes et ouverts aux quartiers surpeuplés devenait cependant de plus en plus difficile. Sport populaire, le football a fini par intégrer une sphère et une catégorie sociale auxquelles il lui devenait difficile de s’identifier. Il s’est rangé ainsi du côté des … riches. Une déformation de plus en plus à la mode parmi ceux des milieux huppés.