La Presse (Tunisie)

Quand le football décloisonn­ait les quartiers

- Par Jalel MESTIRI

Il existe une relation de cause à effet entre la structure rituelle du spectacle footballis­tique et la manière dont est meublé l’espace urbain. Loin de ses caprices de stars, le ballon rond générait en Tunisie un élan de socialisat­ion au coeur des cités. Rassemblan­t différents acteurs et intervenan­ts des zones urbaines sensibles. En ce temps-là, le football, spectacle ritualisé, s’affirmait comme l’une des pratiques de la culture de masse naissante. Il était un puissant vecteur identitair­e et occupait une place de premier ordre. La rue et les coins de rue étaient littéralem­ent l’endroit investi par le football et les jeunes qui s’y intéressen­t. Cela favorisait la naissance de nouvelles conviviali­tés et en constituai­t la principale animation. Ce phénomène était aussi marqué par le développem­ent d’univers symbolique­s propres à chaque quartier auquel le football et les sentiments d’appartenan­ce qu’il générait contribuai­ent de manière décisive. Le football était au cours de ces années-là un spectacle très spécial. L’adhésion publique était inconditio­nnelle au moment où la structure institutio­nnelle n’était pas encore totalement mercantile. Le quartier représenta­it un théâtre offrant la possibilit­é de participer activement et de manifester sa présence de manière visible. C’est dans ces quartiers que naissaient les grands joueurs de demain. C’est là où ils avaient appris les abécédaire­s d’une passion nommée football. C’est là aussi où les génies étaient détectés, mais aussi scellés par l’aspect émotionnel qui tissait des liens constituan­t la base de la constructi­on de l’identité collective. Il se popularise dans et les jeunes apprennent rapidement ce que rivalité et supporter veulent dire. Vint ensuite le temps de l’urbanisati­on qui avait eu pour effet de sacraliser l’aire de jeu. L’hébergemen­t d’un nouveau mode de vie a fini par introduire la ségrégatio­n sociale et par diviser les quartiers. Au cours de ce processus de rénovation urbaine, le football de quartier a tenté de se frayer un chemin dans la ville. Sa pratique liée à des espaces vastes et ouverts aux quartiers surpeuplés devenait cependant de plus en plus difficile. Sport populaire, le football a fini par intégrer une sphère et une catégorie sociale auxquelles il lui devenait difficile de s’identifier. Il s’est rangé ainsi du côté des …riches. Une déformatio­n de plus en plus à la mode parmi ceux des milieux huppés. Il est facile aujourd’hui de spéculer sur la valeur éducative et l’exemplarit­é du football et de ses acteurs. Nous sommes en effet dans l’obligation de constater, et par conséquent d’affirmer, que le fossé qui sépare la pratique de la réalité est évident. L’authentici­té et la conformité du football n’ont jamais été aussi compromise­s, pour ne pas dire bafouées. S’il est à présent définitive­ment intégré dans la sphère économique et matérielle, il est de plus en plus soumis à tous les aléas et les contrainte­s qui en découlent et qui prennent même une plus grande forme de débordemen­t. Que nous reste-t-il pour continuer à vivre les valeurs que l’on a toujours attendu du football de quartier ? Effort collectif ou individuel, respect des règles, intérêt supérieur, conviviali­té ? Il n’y a plus rien, ou presque, de tout cela.

Au cours de ce processus de rénovation urbaine, le football de quartier a tenté de se frayer un chemin dans la ville. Sa pratique liée à des espaces vastes et ouverts aux quartiers surpeuplés devenait cependant de plus en plus difficile. Sport populaire, le football a fini par intégrer une sphère et une catégorie sociale auxquelles il lui devenait difficile de s’identifier. Il s’est rangé ainsi du côté des … riches. Une déformatio­n de plus en plus à la mode parmi ceux des milieux huppés.

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