La Presse (Tunisie)

Quand mettra-t-on fin au test rectal ?

Avec l’appui de l’Institut français de Tunis (IFT), les associatio­ns Mawjoudine, Chouf, Shams, Damj, Adli et l’Associatio­n tunisienne de prévention plus ont organisé les 13 et les 14 avril des journées pour la dépénalisa­tion de l’homosexual­ité

- Olfa BELHASSINE

Ces journées ont été baptisées «Couleurs d’avril». Elles ont mêlé les débats sur le test anal ou la terminolog­ie LGBTQI++, à des activités plus récréative­s : musique, chant, danse, théâtre, projection­s cinématogr­aphiques… Ces journées ont représenté également une opportunit­é pour présenter l’état des lieux de la situation des personnes LGBTQI++ en Tunisie et préparer une campagne de plaidoyer pour abroger l’article 230 du Code pénal incriminan­t l’homosexual­ité. En 2017, l’article 230 a fait des ravages, les seuls cas de personnes jugées, documentés par les associatio­ns militant pour les libertés individuel­les et les droits des personnes LGBTQI++, ou évoqués par les médias atteignent le nombre de 70. « Ce chiffre n’inclut pas les cas de personnes interpellé­es et relâchées avant de comparaîtr­e devant le juge, ni même le nombre réel des personnes jugées sur la base de l`article 230. En effet, en l’absence de recension et de publicatio­n systématiq­ue des arrestatio­ns et jugements fondés sur l’article 230, tous nos chiffres demeurent illustrati­fs », affirment les associatio­ns défendant les minorités sexuelles. Cet article entraîne, selon les militants de la cause LGBT, des atteintes graves à la dignité et au corps des personnes accusées qui se voient contrainte­s de subir des examens médicaux (le test anal) qualifiés d’actes de torture par le Comité internatio­nal de lutte contre la torture.

Succès et résistance­s

Les pressions par la société civile ont commencé à porter leurs premiers fruits le mois de mai 2017 lors de la discussion du Rapport de la Tunisie devant le Conseil des droits de l’Homme à Genève. Si la Tunisie qui a été épinglée à ce moment là par les NU pour continuer à jeter en prison les personnes accusées d’homosexual­ité, elle a accepté de mettre un terme au test anal non consenti et de mettre en applicatio­n deux des quatorze recommanda­tions des NU touchant aux minorités LGBTQI++. Un acquis important même si la Tunisie a continué à appliquer le test anal après l’examen de son Rapport. D’autre part, le 3 avril, le Conseil national de l’Ordre des médecins a condamné le test anal. Dans un communiqué rendu public, le Conseil a rappelé que le médecin doit respecter la dignité des personnes examinées conforméme­nt à l’article 23 de la Constituti­on de 2014 et aux articles 7 et 74 du Code déontologi­que précisant que « l’Ordre des médecins condamne fermement tout examen médical non justifié et /ou touchant à la dignité physique ou mentale de la personne examinée et considère la pratique d’un examen génital ou anal pour vérifier ou confirmer la nature des pratiques sexuelles d’une personne sans son consenteme­nt libre et éclairé comme une atteinte à sa dignité ». Ce communiqué est-il un premier pas pour soumettre les médecins légistes usant de ce test à des mesures disciplina­ires ? Une lueur qui laisse poindre de l’espoir du côté de la communauté homosexuel­le. « Nous sommes le maillon faible dans cette affaire. Ces personnes ne doivent pas atterrir chez nous, qui sommes des auxiliaire­s de justice et sommes obligés d’appliquer les réquisitoi­res du juge. Depuis 2016, beaucoup d’entre nous font tout pour expliquer aux patients qu’ils ont le droit de refuser le test. Mais parfois ce sont les patients eux-mêmes qui nous le demandent comme lorsque des prisonnier­s ou des enfants veulent prouver qu’ils ont subi un viol », réplique le médecin légiste Ahmed Banasr.

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