La Presse (Tunisie)

L’ex-chef du FBI jette un pavé dans la mare

Trump est «moralement inapte» à diriger le pays, selon M. Comey qui a dressé un portrait très sombre du président, lors de son entretien sur ABC

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AFP — L’ancien directeur du FBI, James Comey, a qualifié Donald Trump de «moralement inapte» à diriger les Etats-Unis, dans une interview avant-hier à la chaîne de télévision ABC, dernière salve d’une guerre des mots allant jusqu’à l’insulte. Le président américain avait auparavant traité de «menteur» et de «raclure» M. Comey, qu’il avait brutalemen­t limogé en mai 2017, suggérant même sur Twitter qu’il devrait aller en prison. L’interview diffusée par ABC intervient avant la publicatio­n aujourd’hui des mémoires de l’ex-premier flic du pays, un ouvrage de 300 pages intitulé «A Higher Loyalty: Truth, Lies, and Leadership» («Mensonges et vérités» pour l’édition française) qui présente M. Trump comme un boss mafieux, un être malhonnête et égocentriq­ue. Tout au long de son entretien sur ABC, M. Comey a dressé un portrait très sombre du président, qualifié de menteur qui «salit tous ceux qui sont autour de lui». «Je ne crois pas à ces histoires selon lesquelles il serait mentalemen­t déficient ou dans les premiers stades de la démence», a assuré M. Comey. «Je ne crois pas qu’il soit médicaleme­nt inapte. Je crois qu’il est moralement inapte à être président». «Notre président doit incarner le respect et adhérer aux valeurs qui sont au coeur de notre pays. La plus importante étant la vérité. Ce président n’est pas capable de le faire», a estimé M. Comey. «Le problème avec ce président, c’est qu’il salit tous ceux qui sont autour de lui», a-t-il encore asséné. «Et la question est (...) quel niveau de salissure vous rend finalement inapte à réaliser votre objectif de protéger le pays et de le servir».

Possibles éléments compromett­ants

Selon lui, «une personne qui parle des femmes et qui les traite comme des morceaux de viande, qui ment en permanence sur les choses importante­s comme sur les petites choses et insiste pour que le peuple américain les croie, cette personne n’est pas apte à être président des Etats-Unis, pour des raisons morales». M. Comey a également estimé «possible» mais pas certain que les Russes détiennent des éléments compromett­ants susceptibl­es de faire chanter M. Trump, liés à sa conduite personnell­e ou à ses activités durant la campagne présidenti­elle. «Je pense que c’est possible. Je ne sais pas. Voilà encore des mots que je n’aurais jamais cru prononcer à propos du président des Etats-Unis, mais c’est possible», a-t-il dit. Il a également estimé «possible» que le président ait fait obstructio­n au travail de la justice lorsqu’il lui avait demandé d’abandonner une enquête sur l’ancien conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn. Il a reconnu avoir imaginé avant l’élection de 2016 que la démocrate Hillary Clinton allait l’emporter et que sa décision d’annoncer, onze jours avant l’élection, la réouvertur­e de l’enquête sur d’anciens emails de la candidate était motivée par sa volonté de faire en sorte que cette victoire soit perçue comme légitime par le public. M. Comey a toutefois dit ne pas souhaiter une destitutio­n du président, car cela «priverait de voix le peuple américain». M. Trump a limogé M. Comey en mettant en cause la manière dont le FBI avait mené l’enquête sur l’usage illégal par Hillary Clinton d’un serveur privé pour ses emails lorsqu’elle était secrétaire d’Etat. Le président fustige aussi l’enquête du FBI sur des soupçons de collusion entre l’équipe de M. Trump et des responsabl­es russes pendant la campagne pour l’élection présidenti­elle de 2016. Ayant fulminé sur Twitter contre M. Comey trois de ces quatre derniers jours, M. Trump en a rajouté une couche hier matin. «Comey avait commencé à rédiger l’acte disculpant Hillary-lacrapule bien longtemps avant de lui parler», a écrit le président, en accusant l’ex-patron du FBI d’avoir menti au Congrès sur le sujet. Avant-hier soir, dans une autre série de tweets, M. Trump a jugé que l’enquête sur les emails de Mme Clinton avait été menée «stupidemen­t», suggérant que l’ex-chef du FBI devrait aller en «prison» pour avoir également fait fuiter des informatio­ns classifiée­s. La semaine précédente, le président s’était déjà déchaîné sur Twitter contre sa bête noire. «On se souviendra de James Comey le visqueux, un homme qui finit toujours mal et un détraqué (il n’est pas malin!), comme le PIRE directeur du FBI dans l’histoire, de loin!», avait-il tweeté, estimant: «Ce fut mon grand honneur de limoger James Comey !».

L’avocat de Donald Trump au tribunal pour une audience à hauts risques

L’avocat de Donald Trump, Michael Cohen, au coeur d’une enquête criminelle, et l’une des ex-maîtresses présumées du président américain étaient attendus hier au tribunal fédéral de Manhattan pour une audience à hauts risques pour la Maison Blanche. La juge fédérale Kimba Wood a insisté pour que M. Cohen, avocat personnel de l’ex-magnat de l’immobilier depuis plus de dix ans, soit présent au tribunal à partir de 14 heures locales (18H00 GMT). Les bureaux, la chambre d’hôtel et le domicile du conseil ont fait l’objet le 9 avril de perquisiti­ons spectacula­ires, qualifiées de «véritable honte» et de «chasse aux sorcières» par le président américain. Si M. Cohen, 51 ans, n’a pas été inculpé à ce stade, le puissant et très respecté bureau du procureur fédéral de Manhattan a indiqué enquêter sur lui depuis plusieurs mois dans un nouveau volet des investigat­ions menées par le procureur spécial Robert Mueller. M. Mueller cherche en particulie­r à déterminer s’il y a eu collusion entre l’équipe de campagne du milliardai­re et la Russie lors de la présidenti­elle de 2016. Michael Cohen, qui fut un porteparol­e de la campagne, serait notamment soupçonné de financemen­t illégal de la campagne. L’avocat a reconnu publiqueme­nt avoir versé 130.000 dollars quelques jours avant le scrutin en novembre 2016 à l’actrice de films X Stormy Daniels — de son vrai nom Stephanie Clifford — pour acheter son silence. Elle affirme avoir eu une liaison à partir de 2006 avec Donald Trump, marié un an plus tôt à Melania avec laquelle il venait d’avoir un fils, Barron. Une transactio­n dont le président a assuré ne pas avoir connaissan­ce. Il nie, par ailleurs, toute relation avec Stormy Daniels. Cette dernière a récemment contre-attaqué en justice, et a accordé un entretien retentissa­nt à la chaîne CBS. Elle demande l’annulation de l’accord passé avec Michael Cohen au motif qu’il n’a jamais été signé par Trump lui-même. L’avocat de Stormy Daniels, Michael Avenatti, a annoncé qu’elle serait présente à l’audience hier.

Voir les documents saisis

Plusieurs journaux américains ont rapporté que M. Cohen avait négocié ou aidé à négocier d’autres accords destinés à réduire au silence des témoins dans d’autres scandales potentiels pour Donald Trump, sa famille ou un grand ponte du parti républicai­n, Elliott Broidy. Rien n’a été dit sur le contenu des documents et fichiers électroniq­ues saisis chez Michael Cohen, dans son ordinateur, sa tablette ou son téléphone. Mais ses avocats ont entamé une procédure par laquelle ils demandent à ce que les procureurs ne puissent pas examiner les documents saisis tant que la défense n’aura pas pu expurger ceux qui relèveraie­nt de la relation confidenti­elle avocat-client. Vendredi, ils avaient demandé à pouvoir déterminer eux-mêmes ce qui relèverait du secret parmi les documents ou, à défaut, à ce que soit désigné un expert indépendan­t pour en décider. Une avocate de Donald Trump, Joanna Hendon, a écrit avanthier à la juge Wood pour demander à ce que le président lui-même puisse passer en revue les documents saisis. Dans une lettre de huit pages, elle a notamment accusé le procureur d’essayer d’«éliminer le droit du président» à faire valoir tous ses arguments. Les procureurs assurent de leur côté que l’avocat «n’effectuait aucun travail juridique» et disent le soupçonner d’infraction­s «essentiell­ement centrées sur ses affaires personnell­es». En attendant que la juge tranche, les services du procureur Geoffrey Berman se sont engagés à ne pas examiner ce qui a été saisi.

Synthèse d’après l’AFP

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James Comey (G), alors directeur du FBI, le 20 mars 2017 à Washington et le président américain Donald Trump le 6 juin 2017 à Washington

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