Produire le savoir au Maghreb
Malgré l’existence d’institutions qui produisent le savoir au Maghreb ainsi que de grands chercheurs, cette production intellectuelle demeure peu connue dans le monde. Une table ronde qui tente de trouver des réponses
«Il est rare de trouver des chercheurs dans ce domaine, cela est dû au conditionnement et à la rareté de la formation et de la participation active. Ainsi, nous voulons travailler sur la pensée et le savoir et leur production dans le grand Maghreb», dit Raja Ben Slama, directrice de la Bibliothèque nationale, avant de lancer les thématiques de cette table ronde : «Comment abolir les frontières entre les différents pays et les différents savoirs pour nous concentrer sur les institutions qui produisent le savoir ? Quelles sont ces institutions ? Quelle est la différence entre la production du savoir et la recherche scientifique ? Quelles sont les ruptures que ce domaine est en train de subir sous l’impact de l’Internet et la numérisation ? Quelle est la relation entre les différentes institutions qui produisent le savoir dans notre grand Maghreb ? Comment réconcilier la production du savoir et la différence des langues ? Nous espérons que ce sera le point de départ d’une série de réflexions et de publications autour de ces thématiques». Les participants à cette table ronde sont Dahou Derbali, directeur du magazine «Nakd» (Algérie), Kmar Ben Dana universitaire (Tunisie), Wassila Saidia, directrice de l’Institut des études maghrébines (Algérie), Abdeltif Hannachi historien (Tunisie), Sgaïer Janjar, directeur du magazine «Prologue» (Maroc). «Il ne faut pas se limiter aux vieux démons idéologiques et penser que la dualité des langues du Maghreb, à savoir arabe-français, constitue un obstacle à la production du savoir, dit Kmar Ben Dana. Aujourd’hui, il faut dépasser les bilans et se poser la question : que faire pour que l’intellectualité maghrébine soit plus présente?». Pour sa part, Dahou Derbal a déclaré : «Actuellement en Afrique du Nord, il faut unifier les concepts pour qu’on puisse répondre à ces questions. Cette action nous pousse à mieux définir le concept du Maghreb. Clarifier ce concept est très important, car les Etats modernes ont remplacé l’ancien concept du Maghreb tissé par une histoire commune. Petit à petit, des «histoires» différentes ont remplacé les histoires communes comme si ces pays voulaient s’enfermer sur eux-mêmes . Pour parler de la production commune du savoir, nous devons résoudre les problèmes de la liberté des déplacements pour les chercheurs. Actuellement, ce n’est pas un point qui constitue un souci pour les politiciens. Il y a aussi le phénomène de l’éloignement de l’initiative libre des sociétés pour distribuer le savoir. C’est un problème d’Etat et pas de sociétés». «Le Maghreb existe et c’est un fait ! Dit Wassila Saidia. C’est aux Maghrébins de décider de ce qui est le Maghreb. Pour ce qui est de l’IMC, il existe en Tunisie depuis 26 ans. On ne veut pas se couper de la rive nord de la Méditerranée, mais ce qui est important pour nous est de structurer une communauté intellectuelle de recherche maghrébine. Dans les écoles doctorales, nous avons systématiquement des Marocains, des Algériens, des Tunisiens et on l’espère aussi des Libyens. Mais je ne peux pas imaginer un événement scientifique sans que se soient représentés des Marocains, des Tunisiens, et des Algériens. Toute notre programmation est pensée dans la transversalité» . Une table ronde qui a posé les vraies questions autour de cette thématique mais le Maghreb a aussi besoin peut-être d’une transversalité horizontale intrinsèque.