La Presse (Tunisie)

Triplement mal !

- Par Khaled TEBOURBI

Réveil gâché, vendredi 6 avril, à l’écoute de «Shems FM». On aime bien la chaîne, pourtant. Elle a du contenu, et des chroniqueu­rs toujours d’attaque, informés, connectés. Outre le style, et la sympathie. Sauf que, ce matin-là, malheureus­ement, le programme ne nous a semblé ni heureux ni opportun. Ordonné à la va-vite, on suppose. Peut-être pas suffisamme­nt réfléchi. On s’attendait d’abord à un spécial «18e anniversai­re de la mort de Bourguiba». Pas le cas. Juste un «laïus», et encore, on ne sait plus si c’était le jour même, la veille ou le lendemain. Ca n’était pas le focus en tout cas.Le focus de la matinale «voguait» loin ce jeudi 6 avril, bien loin de l’Histoire nationale. On en dira un mot. Forcément. Le Bourguibis­me est, à nouveau, sur la sellette ces derniers temps. «Démocratiq­uement», y touche qui peut. Qui veut. C’est Sihem Ben Sedrine qui en a redonné le «la». Mais à part elle et les ex-troïkistes (déclarés et «dissimulés»), les «revanchard­s» et les «dubitatifs» se font de plus en plus nombreux. Taper sur Bourguiba confine même à la mode ces jours-ci. Une mode c’est une tendance, et une tendance cela n’a pas besoin d’arguments. Le «zaim», par exemple, n’est plus l’apanage des spécialist­es, investigat­eurs, politologu­es ou historiens. S’en mêlent, désormais, jusqu’à ceux qui n’en ont jamais vu, su ou connu : des débutants, des«bambins». C’est comme si, ailleurs (dans un monde plus sage), quiconque pouvait s’en prendre à Gandhi, à Mandela, à mère Thérésa, en toute immunité, sans encourir de démentis. Et qui pâtit le plus de cette mode ? Qui y plonge tantôt, souvent ? Nous-mêmes, bien sûr. Les médias. Les nouveaux médias, les coureurs de «buzz» pour être plus juste, plus précis. La «brusque» campagne antiBourgu­iba illustre en fait une chose, ici. Pas qu’un lointain «désir de revanche» youssefist­e ou islamiste, mais encore, que tout un journalism­e(toute une éthique journalist­ique) a peut-être, définitive­ment «basculé».Ce ne serait plus le réel (le terrain, le vécu appréhendé, prouvé, éprouvé) qui s’imposerait aux journalist­es, ce seraient les journalist­es (les médias, plus généraleme­nt) ,qui décideraie­nt, seuls, de l’actualité, de ses priorités, de ses primautés, de son «intensité». A leur gré, à leur goût, selon leurs stricts intérêts. Vendredi 6 avril, la «matinale» Shems FM n’aura eu donc qu’un choix. Le sien. Pas nécessaire­ment le choix de l’Histoire. Le plus probable est qu’il y avait une «subjectivi­té» là-dessous. Une mode, une tendance. Une défiance à l’égard du «zaim», peut-être bien, aussi. Pas juste : ce fut le père de la Tunisie moderne. Pas facile à«digérer» : spécialeme­nt pour les émules de l’Indépendan­ce nationale, pour les anciens, comme pour les nouveaux (on en jurerait !). Propre à faire mal surtout, puisqu’en lieu et place, ce matin-là, Shems FM a choisi pour «focus» «Tunis-bay», mégaprojet d’une cité nouvelle de plus de 100 hectares, route de Gammarth, dont un total de 500 villas de luxe proposées à la vente, déjà. On n’est pas contre les mégaprojet­s, ni les nouvelles cités, mais on a souffert (comme tant d’autres, sûrement) pendant qu’animateurs et chroniqueu­rs répandaien­t, allègres, leur promo 500 villas de luxe, ébruitées, clamées, «acclamées», de la sorte : mais à l’adresse de qui ? A l’adresse des millions de Tunisiens qui vivent dans le besoin, dans la crainte quotidienn­e de l’envol des prix, de la chute du dinar, du gel des salaires et des retraites ? Dans la hantise de l’inflation, de la récession, de la pauvreté, du dénuement ? Ou de la petite minorité de milliardai­res, d’ici et d’ailleurs, dont on ne saura jamais d’où vient l’argent, ce que cela cache, ce que cela occulte ou «contourne», et où tout cela va ? Et cette «réclame en grande pompe» pour 500 villas de luxe, en était-ce le moment ? Etait-elle opportune, indiquée ? Il y a des chiffres qui ne trompent pas : près d’un quart de nos compatriot­es n’arrivent même plus à s’acquitter d’un loyer !?!. Alors, pourquoi ? On a eu triplement mal ce vendredi 6 avril, à l’écoute de Shems FM ! Mal à notre Histoire, mal à notre métier, mal à notre pays.

Vendredi 6 avril, Shems fm n’aura eu qu’un choix. Le sien. Pas nécessaire­ment celui de l’histoire… Par «défiance» à l’égard du «zaim, peut-être bien, aussi… Pas juste… Pas facile à «digérer»…Et parce que en lieu et place …il y a eu focus …et réclame pour 500 villas de luxe !?!... On en a eu mal…Triplement mal :à notre Histoire, à notre métier, à notre pays.

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