La Presse (Tunisie)

Des restrictio­ns qui font des vagues

Les contrainte­s imposées par l’Isie et la Haica déplaisent et font des vagues parmi les responsabl­es des médias et des partis politiques. Au cours des campagnes électorale­s qui se déroulent dans un climat démocratiq­ue et de pluralisme politique, les média

- Brahim OUESLATI

Les contrainte­s imposées par l’Isie et la Haica déplaisent et font des vagues parmi les responsabl­es des médias et des partis politiques. Au cours des campagnes électorale­s qui se déroulent dans un climat démocratiq­ue et de pluralisme politique, les médias ont un mandat pour informer les citoyens sur les programmes des candidats. Ce ne semble pas être le cas pendant cette campagne. Un assoupliss­ement des règles permettrai­t de donner une meilleure visibilité à la campagne et contribuer­ait à la formation de l’opinion de l’électorat.

La campagne pour les élections municipale­s a démarré de manière très timide dans un climat morne marqué, notamment, par le bras de fer entre le ministère de l’Education et la Fédération générale de l’enseigneme­nt secondaire. Cette période de trois semaines est consacrée à la promotion des candidats et à leurs programmes électoraux pour convaincre les électeurs et espérer récolter leurs voix. Mais les 2.074 listes participan­tes peinent encore à se faire entendre et n’arrivent pas, au bout des cinq premières journées, à susciter l’enthousias­me des citoyens désabusés et indifféren­ts. En période électorale, des règles particuliè­res s’imposent comme une nécessité pour que tous les candidats puissent accéder, de façon relativeme­nt équitable, aux médias pour être entendus de l’ensemble des électeurs. Une décision émanant des deux instances des élections (Isie) et de l’audiovisue­l (Haica), signée par ses présidents a fixé les règles et procédures de la couverture médiatique de la campagne électorale des élections municipale­s et régionales. Elle comporte 34 articles se répartissa­nt sur trois chapitres : dispositio­ns générales, règles de la couverture médiatique durant la campagne électorale et dispositio­ns finales. Le chapitre réservé à la couverture médiatique soumet les médias audiovisue­ls publics et privés, associatif­s, électroniq­ues et les réseaux sociaux ainsi que les bureaux des correspond­ants de la presse étrangère à des lignes de conduite très strictes sous peine de sanctions lourdes. Aucune marge n’est autorisée.

Obligation­s et interdits

Mais ces règles mises en place pour définir des obligation­s et des interdits, même si elles sont considérée­s comme « saines pour la démocratie », sont, plutôt, un véritable casse-tête pour les responsabl­es de rédaction et de programmes. Ils sont contraints de s’y soumettre sans broncher en comptabili­sant minutieuse­ment et en permanence le temps d’antenne des candidats conforméme­nt au tableau dressé par la Haica et à partager le volume horaire réservé à la campagne selon les règles prescrites. Sans aucun dépassemen­t ni omission. La moitié de ce volume doit être consacrée aux candidats des deux premiers partis, Ennahdha et Nida Tounès, à raison de 25% pour chacun d’entre eux, parce que tout simplement, ils présentent des listes dans toutes les circonscri­ptions, soit respective­ment 350 et 345. Les listes indépendan­tes bénéficien­t de 36% du volume horaire et le reste du temps (14%) est partagé entre les listes de coalition. La vigilance doit, donc, être de mise et les limiers des deux instances sont à l’affût de tout manquement aux règles. Ils effectuent un relevé des temps de parole pour les chaînes publiques, ainsi que la présence des candidats dans les autres médias. La Haica dispose, selon son président, de « 30 observateu­rs et une équipe de technicien­s et de journalist­es » pour justement contrôler les temps de parole dans les médias audiovisue­ls, alors que l’Isie va contrôler la presse écrite et électroniq­ue.

Face à cette complexité et à ces restrictio­ns, certains médias ont tout simplement décidé de zapper la campagne électorale. La chaîne Nessma TV, habituée à ce genre de joutes électorale­s, a pris la décision de ne consacrer aucun temps d’antenne à cette campagne. Selon son rédacteur en chef, Khalifa Ben Salem, « les conditions imposées par la Haica ne peuvent pas être respectées et la chaîne ne peut pas travailler sous la menace des amendes ». D’autres médias privés seraient contraints de suivre l’exemple de Nessma TV. Par contre, les médias publics ont le devoir particulie­r de publier ou de diffuser les déclaratio­ns électorale­s des candidats selon les règles prescrites.

Internet et moyens traditionn­els

Ces mêmes règles sont contestées par l’Associatio­n tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (Atide) pour qui « la répartitio­n par catégorie ne répond pas au principe d’équité entre les listes ». « L’article 20 ne mentionne pas clairement la manière selon laquelle les listes indépendan­tes bénéficier­ont d’un temps de couverture médiatique ni la manière selon laquelle elles sont réparties en catégories », explique l’associatio­n. Par contre, les candidats ont la possibilit­é d’ouvrir des sites internet spécifique­s pour la campagne électorale, ou encore d’utiliser les réseaux sociaux pour communique­r avec les citoyens. Toutefois, ils ne doivent pas déroger aux règles prescrites par l’Instance des élections qui ne tolère aucune forme « d’incitation à la violence, à la haine, à l’intoléranc­e ou à la discrimina­tion, et le non-respect de l’intégrité physique et des données personnell­es et l’agression des concurrent­s ». Les candidats peuvent, également, utiliser les moyens traditionn­els, comme les réunions publiques et l’affichage des listes et manifestes aux emplacemen­ts qui leur sont réservés. Les contrainte­s imposées par les deux instances déplaisent et font des vagues parmi les responsabl­es des médias et des partis politiques. Au cours des campagnes électorale­s qui se déroulent dans un climat démocratiq­ue et de pluralisme politique, les médias ont un mandat pour informer les citoyens sur les programmes des candidats. Ce ne semble pas être le cas pendant cette campagne. Un assoupliss­ement des règles permettrai­t une meilleure visibilité pour la campagne et contribuer­ait à la formation de l’opinion de l’électorat.

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