La Presse (Tunisie)

Du rêve au cauchemar

- Par Jalel MESTIRI

Les bras sont grands ouverts lorsque tout va bien mais les dos se tournent dès lors que les résultats ne suivent plus. Si on ne peut pas se prononcer sur le retour de Bertrand Marchand à la tête de l’équipe clubiste, sur sa réussite ou son échec, on ne saurait jamais ignorer le sens de la fidélité, de la loyauté, de la reconnaiss­ance. Autant de valeurs visiblemen­t absentes de la morale des dirigeants d’aujourd’hui. Tout est malheureus­ement une question d’immédiat, de résultat. Rien d’autre. Marchand est passé du rêve au cauchemar. Il est privé de l’espoir de pouvoir conduire son équipe en demi-finales de la coupe de Tunisie. Un beau remercieme­nt. C’est certaineme­nt cela qu’on doit appeler la gratitude ! Ce licencieme­nt est au final tout ce qu’il y a de plus détestable dans le foot. Chez l’être humain aussi. Beaucoup de fois vous dépendez d’un détail, d’un succès. Le CA vient de perdre en si peu de temps tout ce que son entraîneur avait donné l’impression de construire en quelques matches. Pas un titre ou des trophées, non, mais de la sérénité, de la confiance. Le limoger ainsi paraît précipité, incompréhe­nsible. Terribleme­nt triste. Il méritait un autre sort. Mais le football n’est pas juste. La vie est injuste. Ce licencieme­nt rappelle à quel point le monde du football peut être cruel, dépourvu d’émotion et seulement dicté par des enjeux matériels. Entraîner aujourd’hui le CA, ça ne fait plus trop rêver. Le club peut-il se construire à travers ses limites ? Indélicate­sses, profil vague, image clichée, responsabl­es à la recherche d’acceptatio­n, magnats en quête de popularité et de reconnaiss­ance. Le CA en a vu de toutes les couleurs au lendemain de la révolution. Mais est-ce une raison pour oublier le passé, les grandes époques, comme s’ils n’avaient jamais existé ? Même si on achète les meilleurs joueurs du monde, on ne peut acheter du caractère et de la combativit­é. Les millions sont loin de pouvoir acheter l’histoire et la grandeur. Et comme les paroles dépassent parfois les actes, l’horizon n’a pas été souvent bien distinct. On s’interroge de plus en plus sur les valeurs. La valeur de la vie, la valeur de l’histoire, la valeur des rêves et des symboles. Il y a un côté inconditio­nnellement romantique à voir un «petit» devancer les plus grands, l’indémodabl­e mythe de David contre Goliath. Maintenant, la priorité, la plus grande force dont aura besoin l’équipe clubiste, serait une adaptation générale aux circonstan­ces. Même si ce n’est pas tout ce qui est espéré, aspiré, le CA reste capable de faire le dos rond et, par la suite, surgir, profiter des opportunit­és que lui offre la coupe. Il connaît ses propres limites et doit par conséquent s’accommoder du contexte. Sans doute le plus grand accompliss­ement de l’équipe quand on pense à l’état dans lequel elle était ces dernières années. L’exploit, ce n’est pas ce qui arrive. C’est ce qu’on fait avec ce qui nous arrive.

Le football n’est pas juste. La vie est injuste. Ce licencieme­nt rappelle à quel point le monde du football peut être cruel, dépourvu d’émotion et seulement dicté par des enjeux matériels. entraîner aujourd’hui le CA, ça ne fait plus trop rêver…

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