La Presse (Tunisie)

«Le code se base sur une approche qui s’inspire des Droits de l’homme»

Le projet du code des personnes âgées, entamé il y a plus d’un an, dans le cadre d’une initiative lancée par des cadres du ministère et approuvée par la ministre Naziha Laâbidi, est désormais en cours de finalisati­on. Que va-t-il apporter en termes de lég

- Propos recueillis par Marwa SAIDI

Le ministère consacre des programmes pour les personnes âgées. Pourquoi alors un code pour les personnes âgées ? C’est vrai que les programmes actuels du ministère sont inspirés de la loi actuelle relative aux droits des personnes âgées, mais cette loi n’a pas été amendée ou actualisée depuis sa promulgati­on. En effet, elle date de l’année 94. Cela fait 24 ans qu’elle n’était pas revue. Elle n’est plus adaptée à la nouvelle donne démographi­que et culturelle relative à la notion du troisième âge. La loi 114–94, seule loi qui intègre les droits des personnes âgées, incarne une image de la personne âgée faible et démunie. Elle ne prend point en considérat­ion des changement­s démographi­ques, mais aussi culturels qui ont eu lieu au sein de la société tunisienne. Actuelleme­nt, la population dont l’âge dépasse les 60 ans, représente 11% de la population totale. La Tunisie compte désormais 1 million de retraités reconnus comme compétence­s nationales. En 2030, ce taux s’élèvera à 17%. Ce qui est un taux important. C’est une nouvelle population qui a de nouveaux besoins et de nouvelles aspiration­s. L’image du vieux démuni est révolue. L’espérance de vie, en Tunisie, est d’environ 75 ans. Soit 15 ans après la retraite. Nous voulons à travers ce code ancrer la culture de la qualité de la vie après la retraite, où le retraité mène une vie épanouie, participe à la chose publique et contribue à l’économie à travers le transfert des connaissan­ces et l’expérience profession­nelle acquises.

Mme la ministre Naziha Laâbidi a déclaré, depuis le mois de février, que le code sera bientôt publié. Pourtant, il n’a toujours pas été finalisé. A vrai dire, la ministre tient beaucoup à ce que nous finalision­s le projet de loi. Le code a été entamé, précisémen­t, le 3 janvier 2017. Nous avons travaillé à un rythme soutenu pour l’accomplir le plus tôt possible. Mais il fallait dire que le projet a été élaboré sous l’égide d’une commission nationale où tous les ministères sont représenté­s. La première version du code est déjà prête, et nous attendons que tous les ministères nous envoient leurs avis pour clôturer le projet et l’adopter au sein du ministère. La plupart des ministères ont déjà envoyé leurs propositio­ns. Récemment, un avis nous est parvenu de la part du ministère des Finances, suite auquel l’actuel texte du code sera rectifié. Mais, je ne vous le cache pas, ici, on travaille d’arrache-pied pour finaliser le projet dans les plus brefs délais.

Peut-on affirmer que le code se base sur une nouvelle vision des droits des seniors ? Principale­ment oui. Le code se base sur une approche qui s’inspire des Droits de l’homme. Cinq valeurs, d’ailleurs, ont été validées avec l’ONU. A savoir, le volet participat­if, l’autonomie, notamment financière, l’estime de soi, la dignité et l’accompagne­ment. La grande nouveauté, pour ce code, c’est qu’il met un point d’honneur à lutter contre la violence à l’encontre des personnes âgées. Cela se révélerait révolution­naire, parce qu’en Tunisie, on n’a jamais parlé de violence contre les personnes âgées, d’autant que la loi actuelle n’est pas rigoureuse en la matière. Et lorsqu’on évoque la violence, bien entendu, cela pourrait être une violence psychique et morale. Il va également renforcer la participat­ion de cette population à la chose publique via l’adhésion à la vie associativ­e qui est actuelleme­nt en deçà de l’objectif souhaité.

Est-ce que des dénonciati­ons relatives à l’abandon de personnes âgées parviennen­t au ministère ? Ce sont plutôt des alertes de violence commise à l’encontre de personnes âgées qui nous sont, généraleme­nt, communiqué­es. Ce n’est pas assez fréquent, mais il y a des cas de violence, notamment morale. Par exemple, c’est le cas d’une fille qui interdit à sa mère âgée de voir un autre membre de la famille. Certains considèren­t que ce sont des problèmes familiaux, mais, des fois, des alertes nous parviennen­t pour intervenir à cet égard. Et là, le vide juridique nous accable et, généraleme­nt, on ne peut pas grand-chose. Le nouveau code, si la version actuelle serait adoptée, permettra une meilleure protection des personnes âgées, contre ce genre de dépassemen­ts.

Le ministère possède des

programmes dédiés aux personnes âgées. A l’instar des clubs du jour, du registre des compétence­s ou des équipes mobiles pour les plus démunis. Cependant, ces programmes n’ont pas eu de succès auprès de cette population. Quelles en sont les raisons ? C’est vrai. Les programmes élaborés par le ministère ne suffisent pas pour satisfaire les aspiration­s de cette population dont les besoins sont spécifique­s. Pour les clubs du jour, on compte, actuelleme­nt, une vingtaine de clubs. L’adhésion est encore faible. La principale cause, c’est l’absence d’un cadre législatif qui fixe les modalités du cahier des charges des clubs du jour pour les personnes âgées. Cela n’empêche qu’il y a quand même des clubs pilotes dans les régions qui ont eu un succès. A l’instar de l’associatio­n sise à Ghar Dimaou qui a pu collecter des témoignage­s des habitants les plus âgés, pour en faire un livre qui parle de l’histoire de la région. Aussi, l’expérience pilote d’une associatio­n «Mezelt El Barka» à Jendouba, où des membres, qui sont principale­ment des mamies, qui s’occupent de leurs petitsfils, ont bénéficié d’une formation en premiers secours pour bébés et enfants. Pour les équipes mobiles, ce sont des associatio­ns qui bénéficien­t de subvention­s et d’aides financière­s de l’Etat et qui se chargent de la visite des maisons des personnes âgées démunies. D’habitude, 43 associatio­ns bénéficien­t des aides financière­s octroyées par le ministère. Cette année, seulement une vingtaine a pu en bénéficier.

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