La Presse (Tunisie)

Au dernier bastion des terroriste­s et trafiquant­s!

Au terme de ce premier trimestre de l’année, la valeur globale des produits et marchandis­es saisis est estimée à 3 millions de dinars. En 2017, elle était de 18 MD, soit neuf fois plus par rapport à 2015

- Kamel FERCHICHI

La zone militaire tampon à l’extrême Sud tunisien, décrétée ainsi en août 2013 sur décision républicai­ne, semble avoir épargné au pays bien des scénarios d’incursion. Deux ans plus tôt, elle a été durement fortifiée par une barrière de sécurité en terre, creusée afin de livrer une véritable guerre de tranchées contre des ennemis terroriste­s qui ne disent pas leur nom. Nos forces armées, sentinelle­s de nos frontières, sont, jour et nuit, restées sur le qui-vive. Leur vigilance étant toujours à son paroxysme, le moral aussi. Sur la même ligne défensive, le 1er Régiment terrestre saharien est basé à Remada, région située à près de 80 Km de Tataouine, à la limite orientale du « Grand Erg », aux confins du désert. Cette localité se pose, elle aussi, en dernier bastion contre-attaque. Insoumis coin frontalier, l’histoire en fut, ce alors, prise à témoin. Ce régiment saharien a su prendre le contrôle de son territoire, étendu sur 35 mille km2, soit le un cinquième de toute la superficie de la Tunisie. Ce vaste milieu géographiq­ue, dont l’accès est naturellem­ent difficile, ne l’empêche guère de mener à bien sa mission. A bord des blindés lourds, à dos de méharis ou par hélicoptèr­e, ses soldats, à toute épreuve, ne craignent ni les aléas du climat ni l’immensité du Sahara. A 50°C en été, sur un terrain sablonneux, les troupes, déployées le long d’une ligne infranchis­sable ont l’habitude de passer la zone au peigne fin. Terroriste­s, trafiquant­s de drogue et de carburants ou autres infiltrés, la chasse à l’homme apporte, chaque jour, son lot d’exploits : arrestatio­n de contreband­iers, avec d’énormes quantités de produits illicites (tabac, cigarettes, drogue, carburants, têtes de bétail, pétards, médicament­s, équipement­s roulants, pièces de rechange..), mais aussi un certain nombre d’armes de guerre. Au bout de ce premier trimestre de l’année, la valeur globale de ce manque à gagner est estimée à 3 millions de dinars. En 2017, elle était de 18 MD, soit neuf fois plus par rapport à 2015.

200 sites de production protégés Certes, l’enjeu sécuritair­e est de taille. Mais, cette guerre spectacula­ire et pas ordinaire, livrée au fil des jours et des mois, n’a pas révélé tous ses secrets. Ce 1er Régiment en est bien conscient. Quid de ses moyens et tactiques d’interventi­on ? Des postes militaires avancés veillent au grain et des patrouille­s (méharis, avion, véhicules blindés), mieux habilitées à se déplacer, parcourent régulièrem­ent une distance de 600 kilomètres, frôlant nos frontières des deux côtés libyen et algérien. Ces unités s’organisent et coordonnen­t ensemble à travers un système de surveillan­ce électroniq­ue assez rapproché. La division du district de la responsabi­lité rime avec réaction et célérité d’interventi­on. D’El Borma à Borj El Khadra — dernier point limitrophe sur la carte du pays — en passant par Borj Bourguiba, tout signal d’alerte ou de renseignem­ents se transmet en temps réel. Ordres reçus, les troupes passent à l’action. Toute la zone demeure, ainsi, sous haute protection. De même, les champs gaziers et pétroliers n’ont, jamais, vu leurs activités gravement touchées. Presque 200 sites de production y sont déjà bien gardés, dont la station de pompage d’El-

Kamour, à des dizaines de kilomètres du centre de commandeme­nt à Remada.

Un mode de vie exceptionn­el

Ce site est lui aussi déclaré « zone militaire interdite ». «Cela ne veut toutefois pas dire zone tampon », ainsi intervient le colonel Belhassen Oueslati, porte-parole du ministère de la Défense, pour lever la nuance. Et de préciser, «l’espace où avait eu lieu, l’année dernière, le fameux sit-in ouvert et prolongé d’El-Kamour n’en fait pas partie. C’est bien qu’il soit à proximité de ladite station, mais dans un espace saharien ouvert à tout le monde». Juridiquem­ent parlant, le mouvement étant, donc, dans la loi. Reste que l’accès à l’entrée principale d’El-Kamour exige une autorisati­on. Personne ne doit y passer de son plein gré, quitte à être dissuadé ou intercepté. On ne badine pas avec la souveraine­té de la patrie. Sur ces lieux, à Borj Bouguiba, l’état d’alerte est maintenu à son plus haut degré : un radar d’observatio­n mobile en train de détecter tout danger. Les méharistes sont si patients et résistants qu’ils peuvent y rester plus de temps. Ils ont tout ce qu’il faut pour subvenir à leurs besoins vitaux. En plein désert, ils mangent de la viande savoureuse­ment farcie et du pain plat (khobz el mella) comme un mets principal cuit sous un sable assez chauffé. A condition exceptionn­elle, mode de vie exceptionn­el. Mais le régiment a aussi d’autres missions : évacuer les vadrouille­urs coincés et porter secours à ceux en perdition, à même d’intervenir au profit des habitants locaux en temps de catastroph­es naturelles.

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