La Presse (Tunisie)

Saisir les opportunit­és, se prémunir contre les menaces

En 2020, la mobilité augmentera de 50%, dans une économie mondiale marquée par une troisième révolution industriel­le, celle de l’industrie 4.0. Là où l’immatériel converge parfaiteme­nt avec les produits du monde réel.

- Karim BEN SAID

En 2020, la mobilité augmentera de 50%, dans une économie mondiale marquée par une troisième révolution industriel­le, celle de l’industrie 4.0. Là où l’immatériel converge parfaiteme­nt avec les produits du monde réel

A 31 ans, Haythem et son épouse Sana, parents de la petite Lilia, ont choisi de quitter la Tunisie pour s’installer à Paris. Haythem, informatic­ien, a décidé de quitter un job, pourtant confortabl­e et relativeme­nt bien payé en Tunisie, pour partir à la capitale française où il travaille actuelleme­nt dans le digital dans une banque de renommée, 100% virtuelle. C’est d’abord la qualité de vie dans le pays qui a animé son projet d’émigration, vient, en deuxième place, l’améliorati­on des conditions salariales. “En tant qu’entreprene­ur, mon épouse n’arrivait plus à avancer dans un pays où l’économie fait du surplace”, nous explique encore Haythem. Jeune docteur en médecine, Fadwa a entamé depuis plusieurs semaines les démarches nécessaire­s pour quitter définitive­ment la Tunisie et rejoindre l’Allemagne. Sa décision est prise et rien ne pourrait désormais l’en dissuader. “Les conditions de travail des médecins sont lamentable­s, le relationne­l avec les patients l’est aussi, explique-t-elle. Les moyens et les conditions dont nous disposons ne permettent pas des soins et des services à la hauteur de ce que nous espérons. Le patient n’est donc pas content et transfère son mécontente­ment sur le personnel médical». Pour diverses raisons donc, et depuis déjà plusieurs années, le phénomène de la fuite des talents et des compétence­s s’intensifie. C’est notamment dans ce cadre précis que le XXe forum de l’Economiste maghrébin a fait de la mobilité son thème central et choisi de le traiter sous différents angles. Intervenan­t au premier panel relatif à la mobilité des hommes et des talents, Badreddine Ouali, président de Vermeg et de la fondation Tunisie Développem­ent, a tenu à rappeler que le phénomène de la mobilité n’est pas nouveau. En revanche, c’est l’incapacité d’anticipati­on de l’Etat qui l’inquiète. «Au départ, la question de la mobilité comportait à la fois des menaces et des opportunit­és, mais parce que nous n’étions pas préparés, la mobilité est aujourd’hui plus perçue comme menace», déclare-t-il. Selon lui, la mobilité peut être une chance pour résorber le chômage.

Chasseurs de têtes

Aujourd’hui, c’est le secteur des technologi­es de l’informatio­n qui fait bouger les compétence­s et les talents à travers le monde. Farouk Kammoun, président d’une université privée, affirme que des chasseurs de têtes cueillent les plus talentueux dès le projet de fin d’étude. Dans son interventi­on lors du panel, il décrit le jeune talent comme quelqu’un qui fait du shopping et qui est attiré par les marques prestigieu­ses. Les marques, ce sont les université­s internatio­nales qui veulent que les compétence­s passent par eux, et aussi les entreprise­s. «Les université­s sont devenues des marques internatio­nales, mais aujourd’hui l’université tunisienne reste à la traîne et, d’ailleurs, on enseigne toujours à peu près de la même manière depuis des décennies», indique Farouk Kammoun. Le ministre tunisien de l’Industrie et des PME, Slim Feriani, qualifie le phénomène de «guerre des talents». «Partout les entreprise­s dans le monde trouvent du mal à trouver des compétence­s, notamment dans le domaine technologi­que», dit-il. Le Brain drain (La fuite des cerveaux) touche directemen­t les pays du Sud et notamment la Tunisie. Selon le ministre, il faudrait que le pays et les entreprise­s tunisienne­s en fassent davantage pour retenir leurs compétence­s. En 2020, la mobilité augmentera de 50%, dans une économie mondiale marquée par une troisième révolution industriel­le, celle de l’industrie 4.0. Là où l’immatériel converge parfaiteme­nt avec les produits du monde réel. Ériger des murs, vivre en autarcie n’auront bientôt aucun sens. Seuls s’en sortiront ceux qui pourront comprendre les enjeux de la mobilité et en saisir les opportunit­és.

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