La Presse (Tunisie)

un signe néfaste

- Par Raouf SEDDIK

... Il y a une victoire à remporter le jour des élections, qui dépasse la lutte des partis... elle renvoie à quelque chose de plus élevé, quelque chose qui donne sens à l’aventure collective dans laquelle nous sommes tous embarqués

Al’approche du rendez-vous électoral des municipale­s, la grande question est celle du taux de participat­ion. Manque d’habitude, lassitude au sujet d’une situation de marasme qu’on peut toujours imputer à la transition démocratiq­ue, dépit contre une classe politique dont il est devenu de bon ton de se défier, repli sur son quant-à-soi dans une attitude dédaigneus­e... Les raisons ne manquent pas qui, le jour J, peuvent servir de prétexte pour se dérober au devoir électoral. Pourtant, les enjeux sont là et touchent au plus près de la vie quotidienn­e de chacun de nous : propreté des rues, état des chaussées et du mobilier urbain, espaces publics récréatifs, lutte contre l’anarchie et la laideur...

Il est, bien sûr, de la responsabi­lité de tous que la logique de la démission ne l’emporte pas sur celle de l’engagement, pas seulement à son niveau individuel, mais aussi au niveau de ses amis, parents, voisins... Il y a une victoire à remporter le jour des élections, qui dépasse la lutte des partis... Elle renvoie à quelque chose de plus élevé, quelque chose qui donne sens à l’aventure collective dans laquelle nous sommes tous embarqués et qui, de plus, va permettre d’ouvrir la voie à des pays frères, dans le voisinage et audelà, en matière de modernisat­ion de leurs moeurs politiques. Dans ces conditions, il est néanmoins légitime de s’interroger sur certaines situations, du point de vue de leur rôle dans la création de conditions favorables ou, à l’inverse, dans leur aggravatio­n des facteurs du renoncemen­t et de la désertion politique. On s’interroge par exemple sur la poursuite des grèves dans le domaine scolaire, surtout au vu de l’état d’inquiétude et d’exaspérati­on où sont parvenus beaucoup de parents d’élèves : est-ce vraiment propice ? N’y a-t-il pas un risque que cela se répercute négativeme­nt sur l’opération de préparatio­n mentale du Tunisien aux élections? Et, si oui, on se demandera aussi à quoi sert que tout un travail de motivation et de sensibilis­ation soit mené si, par ailleurs, on avait affaire à un large travail de sape — même involontai­re — qui en réduirait les effets à néant...

Bien sûr, notre rôle en tant que médias n’est pas de nous mêler au bras de fer entre le gouverneme­nt et le syndicat, en essayant de faire basculer insidieuse­ment la balance en faveur de l’un des deux protagonis­tes. La négociatio­n a ses propres règles et ce qui importe, c’est qu’un vrai règlement advienne et qu’un accord solide aboutisse, grâce auquel les conditions d’un partenaria­t sain et durable soient retrouvées. Voilà ce qui est souhaitabl­e, bien plus que de voir l’un des deux protagonis­tes l’emporter sur l’autre et lui faire rendre gorge. L’école publique, dont tout le monde attend qu’elle se relève, le fera grâce à des enseignant­s qui assument leurs responsabi­lités et qui, considéran­t qu’on ne les a pas fait taire quand ils ont fait valoir leurs droits, sauront ne pas faire taire les attentes — grandes — que le pays nourrit envers son école publique. (Ce qui ne signifie pas que le gouverneme­nt puisse être poussé au-delà du point où il compromett­rait sa capacité de s’acquitter de ses autres engagement­s...)

En revanche, il est important que les uns et les autres veillent à ce que la tension que suscite la grève ne soit pas poussée à un point qui ferait perdre au Tunisien sa sérénité, et la tranquilli­té d’esprit qui est requise de lui afin qu’il accorde à la prochaine élection toute l’attention qu’elle mérite... Il y a un signe néfaste quand on voit que la bagarre fait rage, comme si un rendez-vous crucial et historique n’était pas à nos portes, comme si rien d’important n’était annoncé : ce signe, il nous appartient de lui adresser notre refus le plus ferme !

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