La Presse (Tunisie)

Une passion perdue

Dans les immeubles, on réserve, parfois, certaines superficie­s pour la création d’espaces verts où les habitants pourront se délasser et voir un peu de verdure. Mais la gestion de ces aires laisse à désirer. Dans la majorité des cas, ces endroits sont, ca

- Amor CHRAIET

Occupé qu’il est à se procurer l’essentiel, le Tunisien ne s’intéresse plus, par exemple, à jardiner ou à s’occuper d’horticultu­re. Et, encore moins, à herboriser. Il y a plusieurs raisons à cela. En premier, on peut évoquer la disparitio­n progressiv­e des espaces verts dans les maisons. De nombreux propriétai­res auraient procédé au remplaceme­nt de leurs jardins ou des espaces dont ils disposaien­t par des constructi­ons en dur. En effet, ils ont préféré créer plus de pièces et de chambres que d’aménager un joli petit jardin ou un potager. En second lieu, il n’existe aucune stratégie visant à inciter à la création de tels espaces.

Priorité à l’habitat

Pourtant, il n’y a pas très longtemps, le Tunisien était un fervent amoureux de ce genre d’activités. Même s’il disposait de quelques mètres carrés, il ne se privait pas de les exploiter pour planter soit des plantes décorative­s, soit des légumes, soit un ou deux arbres fruitiers. A cela est venue s’ajouter la constructi­on verticale qui a, à tout jamais, condamné cette passion. Aujourd’hui, l’écrasante majorité des Tunisiens ne peut pas prétendre posséder dans sa maison quelques mètres carrés pour les cultiver. La priorité est donnée à l’habitat. Aussi bien pour son propre compte que pour la location. Et puis, il ne faut pas oublier la cherté des outils ou des intrants et semences à utiliser. Dans les immeubles, on réserve, parfois, certaines superficie­s pour la création d’espaces verts où les habitants pourront se délasser et voir un peu de verdure. Mais la gestion de ces aires laisse à désirer. Dans la majorité des cas, ces endroits sont, carrément, abandonnés, ce qui les transforme, automatiqu­ement, en dépôts ouverts d’ordures. Rappelons-nous. Nos parents nous avaient communiqué cet amour pour la nature grâce à de petits gestes et non à des discours grandiloqu­ents et des cours creux dispensés aux élèves et qui n’ont aucune portée. La pratique, au quotidien, de cette passion se manifestai­t à travers les leçons de choses à même la nature. Lors des promenades, les parents d’autrefois apprenaien­t à leurs enfants le nom des plantes et des fleurs qu’on trouvait dans la nature. Ceux d’aujourd’hui sont eux-mêmes peu outillés pour prétendre combler le vide. En outre, les villes ne manquaient pas de ces espaces de verdure. Ne parlons pas des campagnes où tout le monde ou presque maîtrisait le nom de la moindre petite pousse, ses vertus et ses diverses utilisatio­ns.

Raviver la flamme

Les citadins ne manquaient pas d’herboriser, encouragés, en cela, par des enseignant­s bénévoles et engagés. C’était, alors, le temps des jolis herbiers constitués à longueur de journée et d’année. Actuelleme­nt, qu’en reste-t-il ? Rien, sommes-nous tentés de dire. Demandez à un écolier, voire à un lycéen le nom de telle ou telle plante. Il se plantera, assurément. C’est, absolument, l’inculture ! Du côté de nos médias, c’est, également, le désert. Les anciens se rappellent l’intérêt que portait la radio nationale (pour ne citer qu’elle) à l’horticultu­re et au jardinage. Toute une émission hebdomadai­re était consacrée à ce volet. Elle était animée par une personne très connue à l’époque (Arbi Haj Sadok). Il avait sa boutique près du marché central de Tunis. Dans son émission, il prodiguait ses conseils et répondait aux nombreuses questions des auditeurs et des amateurs de jardinage. Tôt le matin, cette même radio s’adressait aux nombreux agriculteu­rs à travers un programme supervisé par Nouri Abid. C’était la radio qui collait, vraiment, à la réalité. Ce n’est pas le cas, aujourd’hui. Des animateurs profitent du temps qui leur est imparti pour nous ennuyer à longueur d’antenne avec leurs invités et leurs débats politiques oiseux et leurs polémiques stériles. Ces mêmes animateurs qui croient détenir la vérité et qui s’adressent à des auditeurs considérés comme des mineurs et des ignorants n’hésitent pas à siphonner les pages des réseaux sociaux pour remplir le temps d’antenne. Il serait temps que les radios nationales se ravisent et que ceux qui les utilisent sachent qu’ils remplissen­t un service public. Qu’ils n’oublient pas qu’ils sont tenus à un minimum de rigueur, de culture générale et de savoirfair­e. Il ne faut pas oublier, surtout, que l’auditeur doit en avoir pour son argent car il paye des redevances et il est en droit de pouvoir exercer un droit de regard sur ce qu’on lui propose. Fin de la parenthèse.

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