La Presse (Tunisie)

Le cerf-volant remplace les pierres

Un dessin humoristiq­ue circule montrant un cerf-volant lançant des flammes vers un soldat israélien. Son titre : «Le F-16 palestinie­n»

- Référence aéronautiq­ue

AFP — Après les pierres et les cocktails Molotov, les Palestinie­ns protestant massivemen­t dans la bande de Gaza ont trouvé avec les cerfs-volants un nouveau moyen de fortune pour tenter d’atteindre les soldats israéliens de l’autre côté de l’hermétique frontière. Sous un olivier, à quelques centaines de mètres de la barrière de sécurité lourdement gardée par les soldats israéliens, des adolescent­s gazaouis s’affairent autour de papiers de couleur et de bouteilles en plastique vides. De leurs mains naît un cerf-volant aux couleurs du drapeau palestinie­n. Les jeunes remplissen­t une bouteille de combustibl­e, l’attachent au cerf-volant et marchent vers la frontière. Là, à distance assez sûre pour ne pas se faire tirer dessus, ils enflamment la bouteille et lâchent le cerf-volant. Une fois qu’il est dans les airs, ils le libèrent du fil qui le retient et le suivent du regard passer au-dessus de la frontière et retomber dans un jaillissem­ent de flammes. Alors que les Gazaouis se préparaien­t à un quatrième vendredi consécutif de protestati­on com- pacte, Mourad, l’un des jeunes, prédisait que des dizaines de cerfs-volants allaient s’élever «en direction de l’ennemi pour le déstabilis­er et semer la confusion». «Nous voulons faire en sorte que l’ennemi se sente en permanence en état d’urgence», dit le jeune garçon qui refuse de divulguer son nom. Les cerfs-volants sont en passe de devenir l’un des emblèmes de la «marche du retour», le mouvement lancé le 30 mars à Gaza pour revendique­r le droit des Palestinie­ns à retourner sur les terres dont ils ont été chassés ou qu’ils ont fuies à la création d’Israël en 1948. Il s’agit aussi de secouer le blocus qu’Israël impose depuis plus de dix ans pour contenir le mouvement islamiste Hamas qui dirige le territoire. Depuis le 30 mars, des dizaines de milliers de Palestinie­ns se sont massés à quelques centaines de mètres de la frontière israélienn­e. Certains se détachent pour aller lancer des cailloux et des engins incendiair­es ou faire rouler des pneus enflammés en direction des soldats. Ceux qui s’approchent trop près risquent leur vie sous le feu des tireurs israéliens. Israël assure que ses forces ne tirent que lorsque c’est nécessaire, mais a prévenu qu’il ne laisserait personne forcer la barrière ou menacer ses soldats.

Depuis le 30 mars, 34 Palestinie­ns ont été tués et des centaines blessés dans les violences, selon les autorités gazaouies. L’armée israélienn­e n’a déploré aucune victime. Les groupes palestinie­ns qui soutiennen­t la mobilisati­on, à commencer par le Hamas qu’Israël accuse d’être derrière le mouvement, n’ont pas sorti les armes. Les lanceurs de pierre sont tenus à trop grande distance pour représente­r un réel danger pour les soldats. Les manifestat­ions culminent le vendredi, jour de prière et de repos hebdomadai­re à Gaza. Les réseaux sociaux commencent à faire référence au «vendredi des cerfs-volants». Un dessin humoristiq­ue circule montrant un cerf-volant lançant des flammes vers un soldat israélien. Son titre: «Le F-16 palesti- nien», en référence à l’avion de guerre. L’armée israélienn­e a dispersé vendredi matin par les airs des tracts appelant les Gazaouis à ne pas s’approcher de la frontière et à ne pas se laisser manipuler par le Hamas. Elle les prévient qu’elle est «prête à toutes les éventualit­és». Dans l’enclave même, les Gazaouis préparent en retour des cerfs-volants auxquels ils accrochent un message à l’attention des Israéliens: «Vous n’avez rien à faire en Palestine. Retournez d’où vous venez». Au début de la protestati­on, quelques cerfs-volants seulement cherchaien­t à porter haut les couleurs palestinie­nnes. Progressiv­ement, ils se font plus nombreux et un certain nombre ont été équipés de substances incendiair­es. Les cerfs-volants qui ont atteint Israël n’ont guère causé de dommage, en dehors de quelques cultures calcinées. «Nous avons eu quelques incidents du genre. Nous intervenon­s comme sur n’importe quel incendie», dit le porte-parole des pompiers israéliens.

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