La Presse (Tunisie)

Des réfugiés syriens expulsés

«Les preuves réunies par HRW montrent clairement que les Syriens ont été visés à cause de leur nationalit­é»

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AFP — Des milliers de réfugiés syriens ont été délogés de force et expulsés dans certaines villes du Liban pour des motifs «incohérent­s» et discrimina­toires, a affirmé hier l’ONG Human Rights Watch (HRW) dans un rapport. Au moins 3.664 réfugiés ont été expulsés d’au moins 13 municipali­tés entre 2016 et le premier trimestre de 2018, «apparemmen­t en raison de leur nationalit­é ou religion», a estimé HRW, en s’appuyant sur des chiffres du Haut-commissari­at de l’ONU pour les réfugiés (HCR). Le Liban, petit pays de quatre millions d’habitants, a vu arriver sur son sol au moins un million de réfugiés de la Syrie voisine, ravagée par une guerre meurtrière depuis 2011. Après enquête auprès de 57 réfugiés touchés par ces expulsions, de fonctionna­ires municipaux et d’experts juridiques, il apparaît qu’il n’y a «aucune cohérence dans les raisons données pour les évictions», et «les preuves réunies par HRW montrent clairement que les Syriens ont été visés à cause de leur nationalit­é», selon l’ONG. Alors que les motifs d’expulsion invoqués, comme le fait de ne pas avoir déclaré son bail en mairie, sont aussi le fait d’habitants libanais, «les mesures prises par ces municipali­tés ont visé exclusivem­ent des ressortiss­ants syriens», a souligné le rapport. HRW pointe également une dimension religieuse. Ces expulsions «ne répondent pas à un plan national cohérent mais constituen­t plutôt une réponse ad hoc de certaines municipali­tés principale­ment chrétienne­s». Ces expulsions contestées, «qui se sont multipliée­s au dernier trimestre de 2017», s’inscrivent dans «un environnem­ent de discrimina­tion et de harcèlemen­t» envers les réfugiés syriens au Liban, estime le HRW. De nombreux hommes politiques les désignent comme responsabl­es des problèmes économique­s et sociaux du pays et réclament leur départ, alimentant un climat d’animosité croissant, notamment à l’approche des élections législativ­es du 6 mai. Selon Bill Frelick, directeur de la division Droits des réfugiés à HRW, «les dirigeants libanais devraient modérer une rhétorique qui encourage ou ferme les yeux sur les expulsions et les autres pratiques de discrimina­tion et de harcèlemen­t contre les réfugiés au Liban». Le ministère libanais des Affaires étrangères a accusé le HCR d’«effrayer» les réfugiés et de les dissuader de rentrer en Syrie. Il a déploré «la déterminat­ion renouvelée» de l’agence de l’ONU «à refuser tout signe positif pour des retours (...) malgré une situation sécuritair­e actuelleme­nt stable dans beaucoup de villes syriennes», affirmant qu’il allait «réévaluer» et «remettre en question» le travail du HCR. Mercredi, 500 réfugiés syriens ont quitté le Liban pour rejoindre leur village près de Damas dans le cadre d’un accord entre les autorités syriennes et libanaises. Pour le HRW, «la détresse des réfugiés au Liban est exacerbée par le manque de soutien internatio­nal». L’ONG souligne ainsi que l’appel des Nations unies pour 2,035 milliards de dollars d’aide internatio­nale à destinatio­n des Syriens au Liban pour 2017 n’avait été financé qu’à hauteur de 54% en décembre 2017. Depuis sept ans, la guerre en Syrie a fait plus de 350.000 morts et jeté des millions personnes sur les routes de l’exil.

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