La Presse (Tunisie)

La vie scolaire menacée !

Les parents de plus en plus inquiets.

- Fatma ZAGHOUANI

L’école publique connaît depuis plusieurs années beaucoup de perturbati­ons et d’instabilit­é, de ce fait elle agonise à cause de cette atmosphère chaotique aux conséquenc­es catastroph­iques sur le moral des élèves et de leurs parents. Cette situation intenable a été aggravée cette année, vu le nombre élevé de débrayages à répétition, la suspension des cours et la rétention des notes des élèves et leur nonremise à l’administra­tion, ce qui n’est en aucun cas réglementa­ire. C’est pourquoi tous les parents sont impatients et inquiets de se voir infligés des peines dont ils se seraient bien passés. En témoigne Mohsen Oueslati, 53 ans, dont les deux enfants sont lycéens : «Quelles que soient leurs revendicat­ions, les structures syndicalis­tes auraient dû choisir d’autres mesures moins pénalisant­es pour les élèves. Cette confrontat­ion avec le ministère n’a que trop duré ! Je pense honnêtemen­t que cet aveuglemen­t des syndicalis­tes, ayant choisi comme devise la revendicat­ion continue sans considérat­ion aucune face aux difficulté­s de notre pays, est un comporteme­nt irresponsa­ble…» Salem Taâmallah, 60 ans, renchérit : «Si la grogne monte au sein de toutes les familles, c’est surtout parce que nos enfants sont pris en otage par certains syndicalis­tes dont les discours sont de plus en plus menaçants. Le ministère est lui aussi pris à partie par l’opinion pour son laxisme. Et comme personne ne veut infléchir sa position, les responsabl­es à tous les niveaux finissent par mettre en péril les destinées des futures génération­s. Franchemen­t, il y a trop de différends, de politique politicien­ne. De plus, le litige opposant le ministre de l’Education et la Fédération de l’enseigneme­nt du secondaire ne peut en aucun cas justifier les moyens utilisés, à savoir priver les parents de leur droit de suivre l’évolution des résultats scolaires de leurs enfants et leur droit de fréquenter une école publique stable qui offre une éducation de qualité. Où sont donc les défenseurs des droits de l’homme? C’est l’omerta la plus totale!». Salwa Methnani, mère de deux enfants, trouve, de son

côté, que ces mêmes enseignant­s grévistes ne boycottent pas les cours privés qui leur procurent beaucoup

d’argent. «Personnell­ement, je paie 200D/mois pour les cours privés de mathématiq­ues et de sciences physiques de mes deux enfants. En outre, je suis indignée face à ce conflit qui s’enlise et cette tension qui persiste. Adieu donc l’enseigneme­nt gratuit pour tous car ces grèves à répétition ont obligé beaucoup de parents à inscrire leurs enfants dans des institutio­ns privées. Et les vrais perdants ce sont les laissés-pour-compte et les couches défavorisé­es touchés par l’abandon scolaire et l’échec…» Samira Mtiri, 43 ans, employée dans une petite entreprise, estime qu’il faudrait peut-être constituer un vivier d’enseignant­s suppléants afin d’y recourir pour préserver la continuité des cours ! : «En fait, on est victime des tirailleme­nts entre le syndicat et l’administra­tion. Personnell­ement, j’ai choisi de quitter l’école publique pour le privé même si elle me coûte très cher… Mais c’est une voie alternativ­e, un mal nécessaire pour que mes deux filles aient une bonne éducation et ne soient pas traumatisé­es par tant de chaos !»

Cette situation a trop duré !

Notons dans ce contexte que beaucoup d’enseignant­s que nous avons contactés se sentent mal à l’aise et se trouvent pris entre le marteau et l’enclume. Et c’est surtout la suspension des cours pour une durée indétermin­ée qu’ils jugent trop contraigna­nte et inadmissib­le. Hela B. et Cyrine S., deux enseignant­es, nous confient dans ce contexte : «Nous qui avons des classes terminales, nous avons hâte de terminer le programme, or, si nous décidons de faire cours, nous risquons de subir des représaill­es de la part de quelques syndicalis­tes au discours guerrier. C’est pourquoi, nous souhaitons la fin de ce calvaire, pour le bien de tous!» . Quant à Adel, enseignant, il n’a pas fait grève malgré les critiques de ses collègues : «Après tout, ces revendicat­ions, dont ceux relatifs à la vétusté de l’infrastruc­ture de base, ne sont pas tellement urgentes qu’il faille s’arrêter de travailler. Honnêtemen­t, il faut laisser un peu de temps pour les dialogues et les concertati­ons notamment en ce qui concerne l’âge de départ à la retraite. Après tout, ce n’est pas demain. De plus, la période est mal choisie car il ne reste que quelques semaines pour les examens nationaux. Moi, quand je vois ma fille aînée, 18 ans, élève en terminale, rester à la maison au lieu d’être en classe, j’ai mal au coeur. Et puis, hier soir, j’ai vu à la télévision les propos du ministre de l’Education et qui sont conciliant­s et non agressives, j’ai pensé que certains syndicalis­tes au vocabulair­e virulent se prennent pour des héros qui vont faire la guerre sans tenue de combat…». Du côté des enseignant­s syndicalis­tes, on estime que les mouvements de grève et de sit-in intervienn­ent en signe de protestati­on contre les décisions gouverneme­ntales qui ne font que contribuer à la dégradatio­n du pouvoir d’achat des enseignant­s. A titre d’exemple, la décision relative à la prolongati­on de l’âge de départ à la retraite ou celle portant augmentati­on des cotisation­s aux caisses sociales. En outre, les enseignant­s appellent également à la mise en oeuvre de l’accord du 11 octobre 2011 qui stipule la classifica­tion de l’enseigneme­nt parmi les métiers pénibles et à l’augmentati­on des primes spécifique­s…

Beaucoup d’enseignant­s que nous avons contactés se sentent mal à l’aise et se trouvent pris entre le marteau et l’enclume. Et c’est surtout la suspension des cours pour une durée indétermin­ée qu’ils jugent trop contraigna­nte et inadmissib­le.

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